Grands groupes : osez recruter des freelances

C'est un véritable exode. Les talents fuient l’entreprise et le salariat. Mais pas de panique. Grands groupes et freelances peuvent tout à fait travailler en bonne entente.

Près de 250 ans après la publication de la Richesse des Nations par Adam Smith, la division du travail n’a jamais autant été d’actualité. Texte fondateur du libéralisme économique, celui-ci insiste sur la nécessité de diviser les activités de production en fonction du degré de spécialisation des différents acteurs. Les gains de productivité et économies d’échelle qui en résultent ont ainsi donné naissance aux premiers “champions nationaux” dont les excédents de production étaient destinés à l’échange. La division du travail constituait alors le socle théorique du commerce international florissant.

Dans l’histoire du libéralisme économique, le travail a souvent guidé les hommes. En témoignent l’exode rural qui a suivi la première vague d’industrialisation dès le XVIIIème  siècle ou encore la fuite des cerveaux au XXème siècle en réponse à la mondialisation de l’économie.

La révolution numérique ne fait pas exception, avec un nouvel exode : celui des talents qui fuient l’entreprise pour se tourner davantage vers de nouvelles formes d’entrepreneuriat. Mais, là où la plupart des grands groupes se sentent menacés par la disruption et l’attractivité des start-ups, trop peu s’intéressent à l’autre grande catégorie d’entrepreneurs de la nouvelle économie : les freelances.

Des experts difficiles à recruter

Les freelances sont les garants d’une nouvelle forme de division du travail. Véritables artisans de l’économie numérique, ils sont nombreux à faire le choix de quitter le monde de l’entreprise pour devenir indépendants. Les experts comme les développeurs, les webdesigners, les data scientists ou encore les créatifs sont de plus en plus difficiles à recruter sur le marché du travail. Les “champions” du numérique (start-ups, licornes, GAFA) l’ont bien compris. Et d’ailleurs, la plupart d’entre eux admettent que la collaboration avec des freelances est un bon moyen d’accéder aux meilleurs talents et de facto à l’innovation.

Car cette nouvelle division du travail ne peut qu’être tournée vers l’extérieur. Même si certains grands groupes s’obstinent encore à penser que leur “transformation digitale” viendra de leurs équipes en interne, c’est précisément l’inverse En effet, on ne construit pas un projet innovant en se basant sur ses propres capacités techniques. Bien au contraire, on doit ajuster ses équipes en fonction des spécificités techniques du projet en jeu, afin de ne pas se retrouver limité. Dans cette perspective, il apparaît difficile de réussir sans se doter des meilleurs talents de l’innovation. Car entre vision éclairée, maîtrise de compétences rares et application de méthodes agiles, ce sont bien les freelances qui détiennent les clés de la réussite.

La création d'un ecosystème de talents

Les grands groupes ont tout à gagner à s’inspirer des accélérateurs de start-up. En effet, la valorisation d’un accélérateur ne se mesure pas à la somme de lavaleur ajoutée de ses employés.

Mais bien à l’ensemble de son portefeuille de start-up. Il devrait en être de même pour la gestion des ressources humaines au sein d’un grand groupe. Leur mission première n’est pas l’acquisition de talents mais plutôt la création d’un écosystème autour duquel gravitent lesdits talents disponibles à la demande. Approche communautaire, circulation horizontale de l’information et effets de réseaux sont les clés du succès de ces plateformes qui règnent aujourd’hui sur la nouvelle économie collaborative.

Des compétences à la demande sur un marché globalisé

En outre, les grands groupes ont très peu à perdre en misant sur les freelances. Dans un contexte où les meilleurs talents deviennent de plus en plus des travailleurs indépendants, il est souvent vain de chercher à les recruter en CDI. Les compétences techniques pointues et les approches novatrices sont désormais disponibles, et ce à la demande, sur le marché globalisé. En effet, l’avènement du remote (ou “télétravail”) et les outils agiles font tomber les barrières géographiques qui freinent la collaboration avec les meilleurs experts. Un changement de paradigme qui permet aux entreprises de disposer très rapidement d’un vivier de talents, avec une prise de risque minimale et un budget limité dans le temps.

Ce n’est donc pas la maîtrise de la technologie mais plutôt la gestion de l’humain qui dictera l’avenir des grands groupes. Si l’on actualise l’analyse d’Adam Smith, les freelances renferment de nombreux avantages compétitifs pour aider les nouveaux “champions” de l’économie numérique à se développer. Dès lors, la collaboration avec les meilleurs talents entraîne une nouvelle division du travail en plus de constituer un atout de taille pour la disruption.