Évitez le burn-out, désengagez-vous !

Alors que le taux de burn-out dans les entreprises en France a doublé en un an, il est temps d'agir et de crier aux collaborateurs : désengagez-vous !

Crier, non. Plutôt susurrer, sur une note d’“ode au lâcher-prise”.

Un seul responsable au burn-out : le sur-engagement !

Le sur-engagement et l’épuisement professionnel ne sont pas une légende et touchent de nombreux salariés en France, au point de cristalliser tous les débats, notamment depuis la montée en puissance du nombre de cas de burn-out. Empreinte Humaine révèle d’ailleurs des chiffres alarmants (mars 2022) : 2,5 millions de salariés seraient en état de burn-out sévère, soit 34% des salariés. Si bien sûr, les dirigeants (qui sont 71% à déclarer que l’engagement des travailleurs est un facteur crucial de réussite organisationnelle) et les RH ont un rôle crucial à jouer dans le bien-être de leurs collaborateurs, les raccourcis peuvent parfois être trompeurs.

J’en suis convaincu : c’est le sur-engagement sans “sens” qui amène indéniablement vers le burn-out. J’insiste sur la notion de “sens”, car c’est véritablement elle qui doit cristalliser toute l’attention.

Selon le rapport State of the Global Workplace de Gallup, l'engagement des travailleurs européens n'est que de 14 %. On pourrait alors être rassurés par ces chiffres, puisque 86% des salariés ne seraient finalement pas vraiment “engagés”. Pas vraiment, puisque selon ce même rapport, le stress chez les professionnels a atteint un niveau record au niveau mondial. Et c’est bien ce stress qui va être porteur d’une nouvelle épidémie de burn-out.

Ode à la médiocrité, ode à l’épanouissement

Oui, réduire le désengagement des employés et le turn-over doit être un enjeu majeur pour les entreprises. Non seulement, parce que le désengagement coûte cher, génère du stress, de l’incertitude et de la frustration pour tous les autres collaborateurs qui eux restent engagés, mais aussi parce qu’il est temps de changer de prisme en prônant l’épanouissement. Je ne parle pas ici de QVT, mais bien d’épanouissement.

Le premier réflexe des directions RH est de s'attarder sur les moins engagés de l'entreprise, en essayant de combattre les désabusés et les blasés. De même au niveau managérial : on s'attarde plus sur les collaborateurs en sous-performance que ceux "pour qui tout va bien". Or, la performance de l'individu n'est pas nécessairement liée à son bien-être. Et c'est là une erreur fondamentale d'approche des risques psycho-sociaux.

Parmi les victimes de burn-out, on constate une grande partie de collaborateurs sur-engagés. Des salariés qui donnent tellement à leur entreprise qu'ils s'y consument. Ces "Icare de l'engagement" font tous les efforts du monde pour faire décoller leur entreprise ou leur carrière, et finissent par manquer d'oxygène.

Ce manque d'oxygène peut être multiple : manque de reconnaissance de la hiérarchie, sentiment de trahison, charge de travail trop élevée, relations conflictuelles avec les pairs, etc. Ces facteurs minent peu à peu le moral et la santé des sur-engagés. Parfois la réalisation est plus brutale : on se rend compte un beau matin que notre travail n'a pas de sens. Soit que le monde se porterait tout aussi bien sans notre labeur, soit que nous ne sommes qu'un rouage anonyme dans les mécanismes d'une entreprise à qui l'on donne tout.

Les pistes pour contrer le syndrome du héros

Selon une étude du Yale Center for Emotional Intelligence, 18.8% des salariés déclarent être en fort engagement et fort burn out. C'est donc une part considérable de salariés les plus volontaires ! Pour prévenir ces burn outs, il faut savoir reconnaître les signes. Les salariés expriment souvent de la frustration vis-à-vis d'une reconnaissance non-fiduciaire (promotion, titre, ...), et se plaignent du manque d'impact de leur équipe ou des processus. 

On entend souvent des mots comme "lassitude", "perte d'énergie", "fatigue". Une réaction naturelle de défense pour le salarié qui plonge dans le burnout est de désigner un ennemi contre lequel se battre. C'est le syndrome du héros. 

Le salarié se plaint de "combattre un système défectueux", mais affiche en extérieur une image valeureuse, qui vaincra "quoi qu'il en coûte". Les heures supplémentaires deviennent un motif de fierté et les rapports deviennent l'épée qui fera changer le système de l'intérieur. A ces salariés, il faut leur dire : "désengagez vous !". Pas complètement. Pas sur tout. Mais “lâchez prise”. 

Comment faire pour lâcher-prise ?

  • Choisir, c'est renoncer. Et pour atteindre la perfection dans une tâche, il faut souvent accepter d'être médiocre dans d'autres. Travailler sur la priorisation et la quantification de l'urgence permet généralement d'orienter les plus laborieux vers ce qui compte vraiment. Le contact avec les pairs permet aussi de prendre du recul. Il faut mettre en avant la nécessité d'échanger, de confronter ses idées et d'accepter que les meilleures idées viennent de la pluralité d'opinions.
  • Au centre de tout cela : le sens. C'est la condition nécessaire à un travail soutenu durable. Sans sens, même une charge de travail légère peut mener au burn out. Avec le sens, les heures travaillées sont moins "coûteuses" émotionnellement. Un manque de sens, couplé à un désengagement trop prononcé, amène à l'inverse du burnout : le bore-out. Celui-ci se traduit généralement par une perte du goût des choses, un arrêt de l'enthousiasme. Tout aussi pernicieux, il traduit un trop grand lâcher-prise.
  • Il faut donc trouver le bon équilibre entre sens et engagement, entre donner à l'entreprise et s'en détacher. Je recommanderai donc aux salariés sur-engagés de prendre une respiration, et de se demander quels sont les enjeux de chaque mission. "On ne sauve pas des vies" est souvent la réponse. Après cette respiration, il faut prendre conscience que l'investissement n'est pas toujours corrélé à la performance. On peut faire du "vite fait, bien fait".

Désengagez-vous ! De façon ciblée, consciente, intelligente. Désengagez-vous de l'inutile. Désengagez-vous de ce qui n'est pas urgent. Désengagez-vous des espoirs incertains qui tiennent à la bonne ou mauvaise humeur de votre hiérarchie. Et cherchez du sens. Au nom de ce sens, accordez-vous le droit d'être médiocre sur ce qui n'a pas d'importance. Et sortez de votre tête : utilisez aussi celle des autres, qui vous le rendront bien en vous faisant prendre du recul ... et de l'énergie !