Le forfait-jour validé par la Cour de cassation : quelles conséquences dans les SSII ?

Très utilisé dans les SSII, le forfait-jour n'a pas été remis en cause par la justice, mais ses applications seront plus encadrées. Certaines conventions collectives devront être modifiées.

"C'est une décision de compromis", résume Maître Myriam Laguillon. Selon cette avocate spécialiste en droit du travail, il était assez improbable que la Cour de cassation ne valide pas la légalité du dispositif du forfait-jour. En effet, le forfait-jour concernant plus d'1,5 million de salariés, sa remise en cause aurait permis à de nombreux cadres, et notamment ceux des SSII qui ont employé sous ce régime, de réclamer le paiement de toutes leurs heures supplémentaires.

C'est pourtant ce qu'avait voulu obtenir, par voie juridique, un salarié, placé sous le régime du forfait-jours de 2001 à 2006. "La durée hebdomadaire de travail autorisée par ce système était excessive au regard de la 'durée raisonnable' de travail exigée par l'article 2§1 de la Charte sociale européenne", explique Myriam Laguillon. En effet, avec le système de forfait jour, le nombre d'heures de travail hebdomadaire peut s'élever à 78 heures par semaine calcule l'avocate "puisque seul le repos quotidien de 11 heures et le repos hebdomadaire de 24 heures sont applicables" .

 

Compromis

Si la Cour de cassation n'a pas invalidé le forfait jour, elle a cependant exigé que ses applications soient mieux définies et encadrées dans les conventions collectives. Certaines d'entre elles devront donc être modifiées. "La Cour de cassation exige que l'accord collectif sur la base duquel le forfait-jours est pratiqué comporte des dispositions suffisantes en matière de suivi de la charge de travail et de l'amplitude des journées d'activité des salariés. Il appartiendra aux partenaires sociaux de sécuriser le système du forfait-jours, en instaurant un système de contrôle régulier de la charge de travail", précise Maître Myriam Laguillon.

 

Perspectives et attente de jurisprudence

Cette décision va donc permettre un meilleur encadrement des forfaits-jours, ainsi qu'un décompte des heures travaillés. Les salariés pourront donc s'appuyer sur cette base pour éventuellement contester la durée de travail et la rémunération des heures supplémentaires.

Quelle est la durée maximale d'heures travaillées dans le cadre de ce régime de forfait-jour ? Le Comité européen des droits sociaux avait jugé 78 heures de travail hebdomadaire était une durée  "manifestement trop longue pour être qualifiée de raisonnable au sens de l'article 2§1 de la Charte sociale européenne".

Selon cet article, "la durée hebdomadaire de travail maximale, y compris les heures supplémentaires, calculée sur douze semaines consécutives ne peut dépasser 44 heures et au cours d'une même semaine ne peut dépasser 48 heures".

"Or la cour de Cassation n'a pas exigé que cet article de la Charte sociale européenne soit appliqué mais l'a bien visé et en a donc reconnu la légalité", commente  Myriam Laguillon. Cependant, l'avocate estime que cela pourrait fournir un argument juridique suffisant pour faire valoir ces droits au niveau européen. Aucune jurisprudence n'existe pour le moment en la matière avec ce nouveau contexte.