"Entrepreneur du Web. Les grandes réussites françaises." Leboncoin, le site qui valait 400 millions d'euros

Cet entretien réalisé avec le directeur général de Le bon coin Olivier Aizac a été réalisé en octobre 2011.

Jonathan Lascar / Julien Konczaty. Comment Leboncoin, site gratuit, gagne-t-il de l'argent ?

"Nous pensions initialement gagner notre vie comme les acteurs référents du marché grâce aux frais d'insertion"

Olivier Aizac : La question que nous nous sommes posé au début était de trouver comment apporter au grand public un service efficace pour vendre et acheter avec un modèle économique plus compétitif que celui de nos concurrents. Lorsque nous avons lancé le site en 2006, le marché de la petite annonce était déjà assez structuré en France avec un acteur généraliste de référence, eBay, des spécialistes dans chaque catégorie, SeLoger ou PAP en immobilier, LaCentrale pour l'automobile... Si nous pensions initialement gagner notre vie comme les acteurs référents du marché grâce aux frais d'insertion, le succès du site nous a amené à repenser notre modèle économique. L'audience du site a complètement explosé. Nous nous sommes retrouvés plus gros qu'eBay. Notre place dans le top 10 des sites français les plus visités nous a fait migrer vers un modèle alliant revenus publicitaires et revenus freemium. Aujourd'hui, l'économie du site repose sur trois pieds : la publicité, les services aux professionnels, et les options de visibilité.

J.L / J.K : Les services aux professionnels ?

olivier aizac
Olivier Aizac © Journal du Net

O.A : Nous avons adapté nos solutions aux besoins spécifiques des professionnels afin de simplifier l'usage qu'ils avaient du site. Nous mettons notamment à leur disposition des outils de diffusion automatique des annonces. Un particulier qui vend sa voiture peut poster son annonce. Un professionnel qui en a 50 a besoin de solutions facilitatrices. C'est ce que nous avons développé C'est du temps réel sur des imports automatiques. Nous vendons de l'efficacité et de la simplification pour les utilisateurs.

J.L / J.K : Quel est le prix d'un service pour un pro ?

Le panier moyen d'un "pro" est aux alentours de 1 000 euros par an.

O.A : Ce sont des abonnements en fonction du volume d'annonces. Entre un concessionnaire et un réseau national, nos services sont très différents. Nos tarifs également. Le panier moyen d'un "pro" est aux alentours de 1 000 euros par an.

J.L / J.K : Comment le nombre de visiteurs a-t-il progressé ?

O.A : Notre principal défi a été de faire vivre la marque. En 2006, quand nous avons lancé le site, Leboncoin évoquait plus le nom du bistrot en bas de la rue que le nom d'un service Internet. Aujourd'hui, chaque jour plus de 3,5 millions de visiteurs consultent plus de 200 millions de pages vues et cherchent leur bonheur parmi 15 millions d'annonces. En cinq ans, Leboncoin.fr est devenu le 11ème site le plus visité de France pour un chiff€re d'affaires en 2010 de 36 millions d'euros.

J.L / J.K : D'où vient le nom Leboncoin ?

"Le nom de code au début était Chez Georgette"

O.A : Choisir un nom, c'est extrêmement compliqué. Nous voulions un nom différenciant, qui ait une personnalité et qui soit positif. Le nom de code au début était Chez Georgette, pour la proximité et la chaleur humaine qu'il évoque, mais qui est certainement un très mauvais nom de domaine. Au final, ce sont les internautes qui ont choisi le nom parmi les différentes options que nous avions retenues. Le site a quand même failli s'appeler Marché Conclu ! Leboncoin, c'est une marque positive, sympathique, et qui parle beaucoup de proximité. Sans doute un des éléments importants du succès du site.

J.L / J.K : Le fondateur de Blocket y travaille toujours ?

O.A : Non, il s'est retiré il y a déjà plusieurs années après le rachat du site par Schibsted pour partir faire un tour du monde.

J.L / J.K : Quelle méthodologie suivre pour développer un site à succès ?

O.A : Retrousser ses manches, mettre les mains dans le cambouis, et faire. C'est très excitant de réaliser ce que l'on a en tête, et le faire en phase avec ses idées. C'est valable pour un puzzle, une maison, ou un projet d'entreprise. Second principe, s'assurer que le service proposé répond aux problématiques du public visé. Il ne faut pas uniquement se faire plaisir mais penser à continuellement adapter l'ergonomie du site aux besoins de son public. Troisièmement, une entreprise, ce n'est pas un succès individuel mais toujours un succès collectif. Il faut que toutes les personnes concernées tirent dans la même direction : les actionnaires, les équipes, les partenaires...

J.L / J.K : Quelles sont les différences entre le site principal et Leboncoin ?

O.A : Blocket est un site payant. C'est fondamentalement différent et lié au fait que nous ne nous sommes pas lancés au même moment. Nous avons adapté le modèle économique aux réalités du marché français quand nous nous sommes lancés. D'autre part, certaines catégories qui existent sur Leboncoin n'existent pas sur le modèle suédois : les offres de services, les évènements par exemple. Autre exemple, si les annonces immobilières sont une des principales catégories du site, elles sont très peu présentes chez notre grand frère suédois. Il faut toujours bien adapter son produit à la réalité du marché local.

J.L / J.K : Quelle est la suite pour Leboncoin ?

"Nous doublons nos effectifs chaque année"

O.A : Nous doublons nos effectifs chaque année. Nous allons naturellement vers une entreprise de plus en plus structurée. C'est un changement permanent. Faire en sorte que l'entreprise s'adapte bien à ce changement, c'est le défi que rencontrent tous les entrepreneurs. Dernier aspect : garder le rythme avec les évolutions de l'univers d'internet. Comment aborder le mobile notamment.

J.L / J.K : Leboncoin a été valorisé à 400 millions d'euros. La maison mère veut-elle vendre ?

O.A : Je ne suis pas dans le secret des dieux. Mon sentiment est que nous sommes plutôt dans une logique industrielle, surtout lorsque l'on voit le développement de Blocket à travers le monde. Je ne vois pas l'entreprise vendre à court terme.

J.L / J.K : Leboncoin est rentable aujourd'hui ?

O.A : Oui. Depuis la première année où on fait du chiff€re d'affaires, en 2008.

Après avoir travaillé sur les problématiques web de Vivendi Universal et de Bonjour.fr, Olivier Aizac rejoint Leboncoin.fr en mars 2006 en tant que directeur délégué. En 2005, Spir Communication et Schibsted le mandate pour lancer le site. Il en devient par la suite directeur général.