Benny Arbel (MyThings) "Le fonds d'Orange et Publicis investit 15 millions de dollars dans MyThings"

Le spécialiste israélien du retargeting constitue le premier investissement du fonds conjoint d'Orange et Publicis. Son fondateur détaille sa vision des enjeux du secteur.

JDN. Pouvez-vous nous présenter la société MyThings ?

Benny Arbel. Bien que la société ait été créée il y a 6 ans, c'est en 2009 que nous avons commencé à nous tourner vers le ciblage publicitaire via le retargeting personnalisé. Avec quelques dizaines de millions d'euros de chiffre d'affaires pour l'exercice 2011 et une centaine d'employés, nous nous positionnons comme le numéro 2 du genre en Europe. Notre business model innovant, basé sur une rémunération pour chaque transaction apportée à nos clients e-commerce, et non au simple clic comme la plupart des acteurs, nous a permis d'atteindre les deux milliards d'impressions réalisées pour le seul mois de décembre 2011. Des impressions que nous réalisons, pour l'instant, sur les marchés qui présentent les meilleures perspectives pour une start-up telle que la nôtre, à savoir l'Europe et l'Asie.

Vous annoncez une levée auprès d'Iris Capital, le directeur du fonds d'investissement Orange-Publicis Venture. Comment envisagez-vous votre développement ?

Nous sommes très heureux de représenter le premier investissement du fonds d'Orange et Publicis, à hauteur de 15 millions de dollars. Cette somme permettra d'alimenter la croissance incroyable que nous connaissons actuellement, à raison de 50% par trimestre. Nous prévoyons ainsi de tripler notre chiffre d'affaires par rapport à 2011. Nous allons également continuer à améliorer notre technologie en matière de pre-targeting. Là où le retargeting se contente de chasser l'internaute qui a consulté le site de l'e-commerçant, le pre-targeting va permettre de cibler les internautes qui n'y ont jamais mis les pieds mais qui sont en recherche de produits disponibles sur ce même site. Comment ? Les partenariats que nous avons noués avec les barres de navigation et les moteurs de recherche nous ont permis d'identifier quelques millions de mots clés à chacun desquels nous associons un produit particulier, disponible sur la page d'un client spécifique. Un exemple : le mot clé "costume de soirée" vous renverra vers la page produit de tel e-commerçant alors que le mot clé "costume pour ce soir" vous renverra vers un autre. Notre technologie nous permet d'associer le mot clé à la page produit avec laquelle il fonctionne le mieux.

Le pre-targeting peut nous permettre de devenir le second Google

Nous allons donc continuer à investir dans cette solution qui pourrait nous permettre de devenir un second Google ! Les internautes passent seulement 4% de leur temps sur les pages de moteurs de recherche, des pages sur lesquelles la compétition est très rude, chacun poussant pour que son produit émerge. Ici, vous pouvez répondre à la recherche de l'internaute, en lui présentant votre offre sur les 96% de temps restant, via des espaces tels que Youtube, Facebook ou MSN... Le tout en créant des bannières visuellement intéressantes et dynamiques, plutôt qu'un texte laconique.

Que représente le marché français pour votre société ?

La France est notre second marché en termes de chiffre d'affaires et je dois dire que de par sa maturité et sa sophistication, c'est un marché sur lequel il est très agréable de travailler. Parmi les 70 partenaires que nous comptons, que ce soit Orange, Sarenza, Priceminister ou Carrefour, pour ne citer qu'eux, tous font preuve d'une flexibilité que l'on ne retrouve pas toujours chez leurs voisins européens... Ils n'hésitent pas à prendre des risques et à tester de nouvelles choses telles que notre outil "MyBroadcast" qui permet aux annonceurs de créer leurs propres messages personnalisés par segment, par comportement et par intérêt de l'utilisateur...

Donner plus de contrôle à l'annonceur

Désormais, ils peuvent ajouter en temps réel, sur leurs bannières dynamiques, des informations diverses tels que des messages promotionnels ou des codes promo flash. Ce ciblage s'opère via une interface simple d'utilisation qui permet de donner beaucoup plus de contrôle aux annonceurs. Décider quelle campagne ils veulent promouvoir, pour quel client et à quel prix. A eux de construire le segment d'audience qu'ils veulent cibler et de déterminer le coût par acquisition qu'ils veulent lui consacrer.

Pourquoi est-ce si important pour vous d'impliquer à ce point l'e-commerçant ?

Parce qu'il dispose d'une connaissance de ses utilisateurs que nous n'avons pas ! De manière générale, les e-commerçants ont tendance à sous-exploiter toutes les données qu'ils récoltent au moment de l'inscription en ligne ou grâce aux outils analytiques rattachés au site. Cette "first party data", croisée avec les données collectées par les sociétés de retargeting, doit pourtant leur permettre d'affiner leurs campagnes publicitaires online via la segmentation comportementale.

Il faut coupler la date de l'e-commerçant avec celle du retargeter

Je vous donne un exemple. Un spécialiste du retargeting se contente le plus souvent d'observer le tunnel de conversion d'un site pour définir les utilisateurs qu'il va "poursuivre". Une personne qui s'en est allée dès la page d'accueil ne sera pas considérée comme intéressante. Là où les données de l'e-commerçant ont de la valeur, c'est qu'elles vont nous permettre de voir lesquels de ces prospects qui sont partis tôt valent la peine d'être recontactés, parce qu'ils ont déjà consommé, parce qu'ils ont un centre d'intérêt bien défini... Coupler la data de l'e-commerçant avec celle du retargeter est un véritable enjeu stratégique.

Quels enjeux identifiez-vous pour les acteurs du reciblage ?

Le défi sera de réussir à mettre en valeur la part de trafic convertie qui n'aurait pas pu l'être sans nous.

Le plus gros challenge qui attend le retargeting est de montrer sa valeur incrémentale, à savoir réussir à mettre en valeur la part de trafic convertie qui n'aurait pas pu l'être, sans lui. A quoi bon bombarder de messages des utilisateurs qui seraient venus de toute manière ? Il est bien plus intéressant de travailler avec les annonceurs pour identifier ceux que j'appelle les "utilisateurs froids", ces personnes qui ont quitté le site dès la page d'accueil, et ceux qui ont vu une certaine catégorie de produits mais finissent par en acheter un autre, car elles y ont été exposées via des bannières. C'est ici que se situe la valeur ajoutée réelle du reciblage publicitaire.

Benny Arbel est fondateur et PDG de MyThings. Avant cela, il était vice-président associé de Comverse, société cotée au Nasdaq-100 et a occupé divers postes tels que celui de président-fondateur de EverAd et vice-président en charge du business development de Netline. Il a débuté sa carrière en tant qu'avocat d'affaire et du droit commercial en Israël.