Mesure "France entière" de la TV : des audiences en hausse, mais un GRP en baisse

Mesure "France entière" de la TV : des audiences en hausse, mais un GRP en baisse Si la nouvelle mesure des audiences TV compte plus d'individus depuis le 1er janvier, la durée d'écoute moyenne va baisser, risquant de tirer vers le bas les niveaux de gross rating point.

Depuis le 1er janvier, la méthode de calcul des audiences TV, l'historique Médiamat, intègre les foyers qui ne sont pas équipés d'un poste de télévision. La mesure tient  désormais compte des audiences à domicile devant des écrans digitaux (mobile, tablette et PC) pour consommer la télévision en live ou à la demande. L'objectif de Médiamétrie avec ce changement est de tenir compte des nouveaux modes de consommation des contenus audiovisuels.

"En dix ans, la population des non équipés TV a été multipliée par 4 en moyenne et la part des 15-24 ans, par 6. Cette évolution a été très rapide ces dernières années, il était donc urgent que le référentiel de la mesure puisse évoluer pour mieux rendre compte de la consommation de l'ensemble de la population", explique Laurence Deléchapt, directrice TV et cross média chez Médiamétrie.

Le marché attendait cette mesure avec impatience. "C'est une excellente nouvelle car il était temps que la mesure reflète les modes de consommation de l'ensemble de la population", se réjouit Philippe Bigot, directeur du département média vidéo chez Havas Media. Le visionnage de la TV sur les écrans digitaux était pris en compte depuis 2020, mais seulement dans leur usage hors domicile.

Ce changement de périmètre n'est pas anodin. Ne serait-ce que pour le seul volet des non équipés TV, on estime qu'ils représentent 9% de la population française selon Médiamétrie, soit 10% des foyers selon les estimations de l'Arcom. Ces populations jusque-là passés sous les radars sont beaucoup plus jeunes, plus urbaines et plus nombreuses à vivre seules. Elles disposent de meilleurs niveaux socio-économiques que la moyenne des équipés TV et, point très important, ont tendance à regarder les chaînes historiques beaucoup moins longtemps. Si on compare la durée d'écoute individuelle des non équipés TV à celle des équipés, le rapport est de 1 à 3 voire de 1 à 6 selon les cibles, d'après Médiamétrie. C'est considérable.

Le niveau des GRP va baisser

Le changement de calcul va entraîner trois conséquences majeures. Tout d'abord, la couverture des chaînes et de leurs émissions, exprimée en nombre de contacts, c'est-à-dire d'individus ayant visionné le contenu pendant minimum 10 secondes, va augmenter, puisque la mesure tiendra compte de la consommation d'une quantité plus importante d'individus. En revanche, la durée individuelle d'écoute moyenne tendra à baisser, tirée vers le bas par les populations de non équipés TV. La baisse de la durée d'écoute individuelle impactera également le nombre de contacts publicitaires touchés et par conséquent le niveau du GRP (gross rating point). Or toucher au GRP signifie toucher à la commercialisation et à la planification des campagnes, soit le cœur du business.

Pour le comprendre, il faut s'intéresser à la fois la manière dont on calcule un contact publicitaire en télévision et à ce que représente un GRP. Ce dernier correspond au pourcentage de contacts publicitaires obtenus sur la cible visée multiplié par le nombre de fois où ils ont été exposés à la pub. Or, en télévision, le contact publicitaire est pondéré par la durée du visionnage : un individu ayant vu la moitié d'un spot sera compté comme un demi-contact. Avec plus d'individus générant moins de contacts publicitaires, le nombre de contacts publicitaires reflété par un GRP baisse logiquement avec la nouvelle méthode de mesure, notamment pour les cibles moins consommatrices de la TV, comme les 25-34 ans. "C'est une rupture méthodologique importante car l'univers de référence du calcul des indicateurs d'audience, qui eux-mêmes composent la monnaie publicitaire, change", convient Laurence Deléchapt.

Un niveau plus bas du GRP signifie-t-il que l'annonceur paye un même prix pour toucher moins d'audiences ? Pas forcément. La baisse du GRP pourrait donner l'impression, à prix constant, d'une baisse de l'efficacité du média, voire d'une hausse du coût, car il faut plus de GRP pour toucher les mêmes niveaux d'audience souhaités. Mais ce serait oublier qu'en nombres absolus une quantité plus importante d'individus sera touchée au final. "Un écran qui faisait 10 GRP en décembre 2023 sur les 25-49 ans ne fait plus que 9 GRP depuis le 1er janvier. En revanche, derrière ces 9 GRP vous aurez plus d'individus que vous n'en aviez derrière les 10 GRP de 2023", résume Laurent Bliaut, directeur général adjoint chez TF1 Publicité.

Même pour les populations les moins consommatrices de TV, comme les 25-34 ans, le delta sera positif, selon des estimations faites par Médiamétrie pour TF1 Pub sur la base de chiffres du printemps dernier. D'après ces calculs, qui demandent à être confirmés, le niveau de GRP baisserait de 13,6% à partir de janvier 2024 mais le nombre d'individus touchés par jour augmenterait de 0,9%. Comme statistiquement la population prise en compte sera plus importante,  le nombre d'individus touchés sera dans le pire de cas légèrement supérieur.

Cette baisse "mécanique" du GRP sera donc bel et bien compensée. "Le changement de mesure n'aura pas d'impact sur le prix", confirme Philippe Bigot. "Ce dernier est déterminé par le niveau de demande vis-à-vis de ce que les régies sont capables d'offrir. La tendance est plutôt à la hausse des prix justement parce que l'audience de la TV baisse et continuera de baisser. L'inventaire de GRP se raréfiant, il sera chaque fois plus difficile de trouver de l'espace disponible."

La nouvelle année apportera en revanche comme cadeau pour les media planneurs une nouvelle gymnastique mentale puisque ces derniers devront malgré tout employer des tableaux comparatifs montrant les différences en valeur relative et absolue pour opérer leur planification tout en gardant l'œil affûté pour détecter de réelles hausses de prix. Une situation transitoire qui devrait durer quelques mois. Pour faciliter leur tâche, des indices de conversion du coût du GRP de 2023 à 2024 ont été produits à cette fin par le SNPTV et l'Udecam, les organismes représentatifs des chaînes TV et des agences.