Clémence Rigot-Muller (iProspect) "Les annonceurs ne semblent pas conscients des enjeux stratégiques du consent mode v2"

Clémence Rigot-Muller, directrice conseil chez iProspect (Dentsu), tire la sonnette d'alarme : les annonceurs doivent impérativement déployer le consent mode v2 avant le 7 mars pour ne pas se retrouver sans données sur les outils publicitaires de Google.

Le 6 mars est la date limite de mise en place du "consent mode v2" de Google. En quoi cela consiste et pourquoi est-ce si important ?

Clémence Rigot-Muller, directrice conseil chez iProspect. © iProspect

Google a mis en place le "consent mode v2" afin d'être en mesure de justifier, pour ses propres outils publicitaires, du consentement des utilisateurs à la collecte de leurs données à de fins de publicité personnalisée. Jusqu'à présent, les outils de Google n'étaient pas inclus dans cette boucle du consentement collecté par les sites web. Seul l'éditeur du site, le publisher, le collectait. La perspective de l'entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) impose à Google d'obtenir lui aussi de quoi justifier ce consentement. Le consent mode V2 c'est ce qui permettra à Google de récupérer le consentement que l'utilisateur donne sur le site de l'annonceur.

Si le publisher – qu'il soit un annonceur ou un éditeur d'ailleurs –  n'implémente pas le consent mode V2, Google suspendra pour ce site la collecte des données dans tous ses outils publicitaires, à savoir Google DV 360, Campaign Manager, Google Analytics et Google Ads. L'enjeu est trop important pour Google car il risquera de fortes amendes en cas de non-conformité, jusqu'à 10% du chiffre d'affaires de sa société mère, Alphabet, 20% en cas de récidive.

Très concrètement l'annonceur ne pourra plus se servir de son analytics ou acheter des campagnes sur Google Ads s'il ne déploie pas le consent mode v2 ?

A partir du 7 mars, Google ne collectera plus les données de tout site ne disposant pas du consent mode v2. Très concrètement cela signifie que plus aucune donnée ne remontera sur Google Analytics. L'absence de mesure rend toute optimisation impossible et il faudra s'appuyer sur un autre outil pour connaître le nombre de visites ou de conversions sur son site.

Dans le cas de Google Ads, c'est encore plus embêtant : l'annonceur pourra certes continuer d'activer des campagnes search sur Google Ads, mais il naviguera à vue car il ne disposera d'aucune donnée (de visite, d'audience, de conversions ou de chiffre d'affaires généré, etc.) pour les piloter et optimiser. Il ne pourra plus non plus activer des campagnes de retargeting ni opérer des matchings avec sa propre donnée first party par exemple pour opérer des exclusions.

Est-ce compliqué à déployer le consent mode v2 ?

Non, quelques heures suffisent pour déployer le consent mode V2 et cela se passe directement sur le TMS (tag management system, ndlr) du site : c'est le tag de Google qui évolue pour aller récupérer cette information de consentement, en plus de toutes les données qu'il collecte déjà. Les équipes tracking de l'annonceur peuvent réaliser cette évolution. Les agences aussi proposent cet accompagnement et même Google propose d'aider les annonceurs dans le déploiement du consent mode v2. Il faut bien entendu auparavant s'assurer que sa CMP est conforme au RGPD.

Vous tirez la sonnette d'alarme sur ce sujet aujourd'hui. Pourquoi ?

Les annonceurs ne semblent pas vraiment conscients des enjeux stratégiques que cette mesure représente pour eux. Il y a moins d'un mois encore, 80% de nos clients n'avaient pas fait évoluer leur outil pour mettre en place le consent mode v2. Et vraisemblablement de manière générale beaucoup d'annonceur ne l'ont toujours pas fait.

"Il y a moins d'un mois encore, 80% de nos clients n'avaient pas fait évoluer leur outil"

La raison est que les informations fournies par Google, en plus d'être nombreuses et très récentes (cela a vraiment commencé à s'accélérer en janvier), ne sont pas toujours faciles à décortiquer. Tout le monde n'est pas nécessairement bien armé pour lire et comprendre l'impact des informations fournies par Google. Beaucoup d'acteurs ont également confondu ce sujet avec la fin des cookies tiers, qui elle est prévue pour le deuxième semestre. Donc ils se sont dit qu'ils avaient du temps pour s'en occuper. Sans compter que les différents métiers concernés par ces changements – le tracking, la privacy, les équipes en charge du search, etc. – ne travaillent pas nécessairement de concert.

Enfin, beaucoup d'informations sont données au fur et à mesure : on a appris par exemple il y a à peine dix jours que les marques se servant de leurs données first party devront également faire évoluer leurs bases afin de bien discriminer la présence de consentement pour chaque e-mail. Autrement elles ne pourront pas les importer dans les outils publicitaires de Google pour opérer le customer matching. Or, ce type de développement ne se fait pas du jour au lendemain et il y a eu peu de communication pour alerter les annonceurs en temps et en heure.

Que se passera-t-il pour les annonceurs qui n'auront pas implémenté le consent mode V2 avant l'entrée en vigueur du DMA ce jeudi 7 mars ?

Les annonceurs et propriétaires de sites en général pourront à tout moment mettre en place le consent mode v2 et tout rétablir. Mais ils ne pourront pas récupérer les données perdues pendant toute la période sans ce mode, d'après notre interprétation. L'historique de données d'avant le 7 mars lui ne sera pas perdu en revanche.

Attention aussi au fait qu'en ce moment Google pousse la version advanced du consent mode v2, qui d'après notre DPO et l'immense majorité des DPO que nous avons consultés n'est pas tout à fait conforme au RGPD. L'annonceur a donc tout intérêt à implémenter le consent mode v2 standard.