Le cloud décentralisé, solution à une meilleure inclusion numérique ?

Alors que notre économie tente de se remettre des impacts de la pandémie de Covid, le secteur du numérique est une des clés de voute de cette reprise. Pour autant, il est important de ne pas négliger l'importance de l'inclusion numérique tant entre les individus qu'entre les différents pays et régions du monde.

IDC(1) a mis en exergue qu'en 2020, 64,2 zettaoctets ont été créés ou répliqués dans le monde. La même maison d'analystes a prévu que le taux de croissance annuel moyen des données entre 2020 et 2025 atteindrait 23%. Cela signifie qu’au cours des cinq années à venir, nous créerons plus de données qu’il n’en existe aujourd'hui. Les impacts macroéconomiques de ce nouveau monde doivent être traités avec un sentiment d'urgence et les pays doivent aborder l'inclusion numérique des populations en parallèle de la transformation numérique des entreprises, pour éviter que les inégalités se creusent davantage. 

Transformation et inclusion numérique : les deux faces d’une même pièce

La transformation numérique a lieu lorsque les produits et services deviennent un mélange de composants physiques et logiciels générant de la donnée. Ces données sont exploitées non seulement pour améliorer le produit ou le service, mais également pour générer de nouveaux types d'informations sur les usages et comportements des clients. À titre de référence, l'économie des données représentait en Europe était de près de 325 milliards d'euros en 2019, soit 2,6% de son PIB et passera à plus de 550 milliards d'euros en 2025, soit 4% du PIB global de l'UE(2).

Toutes les industries sont concernées par la transformation numérique mais le secteur le plus représentatif est certainement celui de l’automobile. Ainsi, PWC(3) estime que si à l’heure actuelle les logiciels représentent 20% de la valeur d'une voiture, d’ici 2030, ils en représenteront 60%. Cela signifie que les constructeurs automobiles proposeront à leurs clients de la puissance de calcul et des performances logicielles en plus des performances mécaniques ; qu’ils devront disposer de bons développeurs pour développer ces services fondés sur la donnée et enfin qu’ils devront mettre en œuvre des politiques de gestion et d’utilisation des données générées et récoltées lors de l’usage de leurs produits par leurs clients. La même logique d’évolution sera suivie par les industries alimentaires, de santé, pour l’éducation, les installations de transports, les administrations et bien d’autres encore.

Les activités seront donc de plus en plus tournées vers le numérique et se fonderont sur un usage massif de la donnée. Sans une inclusion numérique réussie des populations, nous observerons donc tôt ou tard une mise de côté de fait d’une partie des individus. Ces derniers n’auront alors plus accès à certaines ressources essentielles comme les soins de santé, la nourriture ou encore l’éducation ; sans parler des difficultés quotidiennes qu’ils rencontreront en étant dans l’impossibilité de suivre les parcours numériques normalisés. La pandémie nous en a donné un bel exemple puisque selon l'Organisation de coopération et de développement économiques(4), 60% des adultes ne disposaient pas de connaissances numériques suffisantes pour s’adapter rapidement à la fermeture soudaine des lieux de travail et des écoles.

Dans ce nouveau paradigme axé sur les données, l'inclusion numérique est une nécessité souvent oubliée

La montée en puissance de l'économie numérique et l'explosion des données amènent à la question de la propriété des données et leur protection. Les gouvernements et les entreprises doivent mettre en place des règles pour garantir que les données créées par les citoyens, les consommateurs et les entreprises ne soient pas exploitées que par quelques privilégiés. Ce principe doit également garantir que le prix des données n'est pas inabordable pour beaucoup et que la propriété des données est concentrée sur quelques acteurs qui les utiliseraient pour perturber des industries verticales entières à leur propre profit, laissant des millions de petites et moyennes entreprises derrière elles.

Pour avoir une vision globale de l'inclusion numérique, il convient d’aborder également la question de la durabilité. Il s’agit ici moins d’une inclusion au numérique que d’une inclusion du numérique dans un schéma plus vaste mais néanmoins nécessaire. Ne pas inclure la durabilité entraînerait en effet une surallocation des ressources naturelles et énergétiques au profit du développement et de l'exécution de logiciels, de la mise en œuvre et de l'exploitation des infrastructures IT et des données ; au lieu de conserver ces ressources fondamentales pour répondre aux besoins essentiels des personnes.

L'avènement de l'économie numérique nécessitera des architectures différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui. D'ici 2023, selon IDC(5), plus de 50% des nouvelles infrastructures informatiques d'entreprise seront à la périphérie. Gartner a prédit que plus de 50% des données générées par les entreprises seront "créées et traitées en dehors d'un centre de données centralisé traditionnel ou d'un cloud" d'ici 2025(6). Les données edge sont traitées dans des objets connectés plus proches des utilisateurs permettant des opérations beaucoup plus rapides et un meilleur contrôle des utilisateurs sur leurs données. Le cloud ne disparaîtra pas, car il reste un pilier de la transformation numérique, mais il évoluera pour être considéré comme une expérience plutôt qu'une destination. Comme de plus en plus de données seront générées à la périphérie, une réelle opportunité pour les clouds décentralisés, exploités dans les pays et agissant ensemble dans un modèle fédéré est en train d’éclore.

L’approche du cloud décentralisée redonne du pouvoir aux différents acteurs

Jusqu'à présent, la tendance était de penser le cloud comme une sorte de modèle centralisé semi-monopolistique, organisé par quelques acteurs dominants, dont les quatre plus importants représentent 70% d'un marché en croissance. Mais bien qu’il soit un catalyseur essentiel de l'économie des données, le cloud peut avoir plusieurs architectures. Sa décentralisation peut également devenir le moteur d’une meilleure inclusion en redonnant aux pays et territoires le contrôle sur trois éléments ; la propriété des moyens de production cloud, la valeur économique générée par le cloud, et les emplois liés à l'industrie du cloud.

En alignant fortement les moyens de production sur les politiques de cloud nationales ou territoriales, les gouvernement et acteurs privés auront de plus en plus d’intérêts à s’investir en faveur de l'inclusion numérique. En effet, à mesure que les données seront mieux contrôlées, la confiance se renforcera et l'utilisation du cloud augmentera. Les programmes de transformation des compétences et les cadres de durabilité pour le cloud se développeront à leur tour, augmentant les opportunités d'emploi d'un côté, économisant les ressources naturelles de l'autre. Enfin, pour garantir les principes de propriété des données dans ce modèle décentralisé, le catalogue des services cloud se doit d’être neutre et donc séparé des diverses places de marché qui pourraient l'exploiter pour des fonctions de provisionnement et de facturation.

Le voyage est en marche. Gaia-X, né en Europe(7), reste ouvert sur le monde tout en donnant une transparence des acteurs selon leurs labels pour créer une économie de la donnée qui utilisera des architectures cloud distribuées. Smart Africa(8), qui vise à accélérer le commerce intra-africain par le biais d'un marché numérique unique, en est un autre. Les acteurs de l'industrie informatique doivent à leur tour intégrer cette nouvelle vision et devenir ses plus ardents défenseurs.

(1) Source

(2) Source

(3) Source

(4) Source

(5) Source

(6) Rapport Gartner « Predicts 2022 : The Distributed Enterprise Drives Computing to the Edge », publié le 20 octobre 2021. GARTNER est une marque déposée et une marque de service de Gartner, Inc. et/ou de ses filiales aux États-Unis et dans le monde et est utilisé ici avec permission. Tous les droits sont réservés.

(7) Source

(8) Source