Stratégie d'hybrid cloud, 15 ans d'évolution

Retour sur l'évolution de l'IT en France, et plus particulièrement sur le cloud, et analyse des priorités et enjeux actuels qui changent la donne pour une trajectoire cloud réussie.

Avec 15 ans d’expérience dans le secteur IT, de discussions intenses et quotidiennes avec les DSI, les DAF, les opérationnels, les métiers des plus grandes entreprises françaises sur leur stratégie IT ; l’heure est venue de faire un bilan. Retour sur l’évolution de l’IT en France, et plus particulièrement sur le cloud, et analyse des priorités et enjeux actuels qui changent la donne pour une trajectoire cloud réussie.

Stratégie cloud chez les clients

Tout commence avant 2010, le cloud public révolutionne la manière de consommer l’IT. C’est tout nouveau, et c’est sexy ! Dans l’entreprise, le cloud public apporte aux utilisateurs et aux métiers l’innovation, la flexibilité, l’accès direct et illimité à toutes les ressources informatiques dont ils ont besoin à un instant T avec un paiement à l’usage, très - trop - simple. Ils peuvent en un temps record lancer de nouvelles offres sur le marché.

Jusqu’en 2016, le fossé se creuse avec les DSI, qui ne peuvent pas rivaliser et fournir les mêmes services. Le cloud devient une très grande tendance technologique. Un grand nombre d’acteurs se lancent comme les TelCo avec les prémices de cloud dits souverains (Numergy, CloudWatt…) dont le succès fut in fine plus que mitigé. C’est aussi une période où le shadow IT apparaît et devient omniprésent dans de nombreuses entreprises.

De 2016 à 2021, désireuses de reprendre la main, les DSI se transforment pour devenir elles-mêmes les fournisseurs de ces services en interne et devenir vecteur d’innovation. Cela passe par une période cloud-first, où l’IT se positionne en courtier du cloud public pour les nouvelles demandes et entame des programmes de migration massifs de l’existant vers le cloud, avec le doux espoir que les prédictions des cabinets de conseil, ESN françaises et acteurs de cloud public se réalisent. En réalité, ces programmes durent plus longtemps que prévu, coûtent plus cher que prévu et l’éligibilité réelle est loin de la cible initiale.

La problématique à cet instant est l’existence de modèles opérationnels distincts et de stacks technologiques hétérogènes. En parallèle, de nouvelles entreprises naissent avec le cloud public, sans passer par la case "Gestion d’actif IT". Le SaaS (Software as a Service) se développe avec des éditeurs qui ne sont disponibles que dans le cloud et dopent le marché.

Puis, la prise de conscience arrive… Tout n’est pas si parfait dans le cloud public :

  • La donnée est un actif essentiel de l’entreprise et les contraintes de sécurité, de conformité et la régulation sont des freins importants,
  • Le patrimoine IT existant est souvent complexe, long et couteux à migrer pour des bénéfices opérationnels et financiers faibles versus leur gestion on-premise,
  • Les coûts augmentent et sont plus difficiles à maîtriser,
  • Les performances en termes latence et d’interdépendance applicative ne sont pas toujours au rendez-vous… surtout dans un monde de plus en plus décentralisé.

Ces derniers temps, une nouvelle étape émerge : les DSI deviennent elles-mêmes les fournisseurs de services pour les métiers en apportant le meilleur rapport entre les niveaux de services (performance, disponibilité) et les coûts, jusqu’à devenir parfois le courtier entre leurs services IT internes et les services cloud public. Ils s’assurent aussi de la maitrise des coûts en responsabilisant leurs clients internes aux coûts de leurs usages, quitte à visibiliser voire refacturer les services utilisés.

Ainsi, alors que les acteurs du cloud public tentent de pénétrer le marché du on-premise, les modèles a-a-service fournis par les constructeurs voient une croissance exponentielle, garantissant une expérience similaire au cloud public.

Aujourd’hui, où vont les entreprises ?

La plupart des entreprises ont débuté leur trajectoire, avec un niveau de maturité hétérogène. L’approche multicloud est quasi généralisée :

  • 70% des entreprises adoptent une stratégie de cloud hybride(1).
  • 70% des applications sont encore on-premise(2).

Cependant, peu importe la maturité de la DSI, tous s’accordent sur un point : c’est l’application et ses données qui sont désormais au cœur de la décision. Dois-je la migrer telle quelle ? Dois-je mettre à jour son socle technique pour la rendre éligible ou la redévelopper pour la rendre cloud-native ? Est-elle encore utile aux métiers ? Faut-il la remplacer par un modèle SaaS ou tout simplement la garder on-premise ? C’est la seule équation qui compte ! Le cloud public est alors une zone d’atterrissage comme une autre, tout comme le cloud privé que ce soit en datacenter, en colocation ou à l’edge. C’est le choix de transformation applicative qui fera la différence.

Pour faire ce choix, il faut évaluer les critères clés à l’éligibilité d’une application :

  1. Valeur ajoutée pour les métiers : La transformation ne peut être uniquement technique. Elle doit apporter des gains fonctionnels ou de meilleurs de niveau de services pour justifier un coût de transformation important.
  2. Sensibilité des données et exigences de conformité / sécurité : Un niveau de contrôle plus élevé sur la sécurité et la confidentialité sera attendu pour des informations hautement sensibles. La législation évolue à vitesse grand V pour cadrer et réguler l’usage du cloud, soit tenant compte du secteur, de la criticité de l’entreprise, et de la sensibilité des données (comme avec NIS 2).
  3. Évolutivité et fluctuation de la demande, soit qualifier le type de charge de travail associée à l’application et comprendre son besoin de flexibilité à la hausse comme à la baisse, la volatilité de la charge, le besoin de scalabilité etc…
  4. Impact financier : La FinOps, c’est-à-dire l’analyse complémentaire des enjeux financiers associés aux choix opérationnels est un élément clé d’analyse pour comparer le coût total de possession avant et après la transformation, tenant compte également du coût de celle-ci.
  5. Empreinte environnementale : Intégrer la consommation énergétique, l’impact carbone et bientôt l’eau dans ce choix, est un exercice indispensable.
  6. Contraintes techniques, soit analyser l’ensemble des aspects pour qualifier l’effort de remédiation / modernisation à une transformation (interdépendance applicative, niveaux de performances/disponibilité, servitudes techniques, OS, Middlewares, etc.)

Ce type d’analyse vise à prioriser les modernisations et obtenir des recommandations sur le type de transformation et la zone d’atterrissage à privilégier. Ce processus ne devrait pas être réalisé comme la plupart du temps en mode coup de poing mais il s’agit d’améliorer la connaissance de son parc à travers des vagues de modernisation itératives faisant parti d’un plan moyen terme à mettre à jour régulièrement.

Une stratégie multicloud distribué, c’est le futur !

La solution idéale n’existe pas encore mais on peut déjà en dresser le portrait-robot :

  • Elle devra prendre la forme d’une expérience unifiée, cohérente et homogène sur tous les clouds (public et privé, en DC ou edge).
  • Elle doit permettre la portabilité native des applications d’un cloud à un autre de manière transparente, sans avoir à les réécrire ou à les adapter.
  • Encore mieux, les charges de travail devront pouvoir se déplacer automatiquement sur le cloud où son empreinte offre le meilleur ratio financier, opérationnel et environnemental
  • Elle offrira une gestion transverse de l’ensemble des services de l’entreprise, qu’ils soient internes ou externes, avec une visibilité et une sécurité optimale.
  • Elle facilitera le couplage des principales couches de l’IT : la couche de contrôle, la couche de données et la couche de services pour les API.

La suite logique est un modèle cloud omniprésent, au cœur de l’activité commerciale des entreprises et donc moteur essentiel pour leur croissance et leur survie. Pour une adoption généralisée, le cloud devra être totalement distribué, avec un modèle homogène mais également avec des plateformes spécifiques sur certains verticaux. Et il faudra réussir la mise à l’échelle de cette gouvernance unifiée tenant compte des enjeux de RSE, de sécurité et de FinOps et de la capacité à utiliser, optimiser et valoriser l’ensemble des données gravitant autour des applications. Pas si simple…

Cette vision représente l’avenir du cloud hybride et permettra aux DSI de bénéficier d’une agilité, d’une efficacité et d’une innovation sans précédent, tout en réduisant les coûts et les risques liés à la fragmentation du cloud. Elle offrira aux entreprises une véritable différenciation concurrentielle et une capacité d’adaptation aux besoins changeants du marché. Elle constituera la clé d’une transformation digitale réussie et durable. Pour les acteurs du secteur, c’est encore un peu de la science-fiction. Habitués à favoriser un portefeuille de produits verticalisé (qu’on parle de matériel, de logiciel ou de services…), ils doivent s’adapter et s’ouvrir aux autres en apportant un couplage lâche entre leurs solutions et celles des voisins. Toute volonté d’imposer un cadre rigide dans un monde flexible est vouée à l’échec ! Mais une couche est plus importante que les autres à occuper : celle de la couche de contrôle. Fournir la plateforme, le portail et le moteur d’automatisation et d’orchestration est un gage de valeur ultime et de pérennité chez le client.

On refait le point dans 10 ans ?

(1) IDC Cloud Pulse 2Q22 Executive Summary: Applications & Workloads

(2) IDC’s Cloud Pulse 4Q21, November 2021