Y a-t-il une place à côté de Groupon ? Sur les deals locaux, une barrière à l'entrée existe bel et bien

Pour Frank Zorn de Groupon, "s'il est vrai que la barrière à l'entrée sur les coupons est très faible et que notre modèle est sans doute le plus copié au monde, il n'en demeure pas moins très difficile de faire grandir une entreprise à un niveau national." En France, Groupon emploie 300 personnes. "Nous avons des processus solides et des outils avancés. Or pour avoir du succès, il faut à la fois des moyens et un vrai savoir-faire." Le site investit donc beaucoup dans son service client (60 à 80 personnes pour la France) et dans son équipe de relations avec les marchands partenaires (20 à 30 personnes en France). Le leader est en outre connu pour savoir recruter auprès des meilleures écoles de commerce, dans lesquelles il intervient et sponsorise des forums.


Selon le patron de Groupon France, plusieurs grands acteurs disposent des moyens nécessaires pour cette nouvelle activité. "Et je prends bien sûr tous nos concurrents au sérieux. Mais on rencontre rarement une entreprise qui se révèle la meilleure sur toutes les activités." Son concurrent Bon-privé est d'ailleurs le premier à estimer Groupon capable d'être extrêmement performant sur les deals nationaux, qui ne constitueront qu'une brique complémentaire pour les acteurs de l'e-commerce classique. "La puissance d'un Vente Privée n'est pas adaptée à tous les annonceurs, juge David Vanek. Et un Yves Rocher ne voudra pas voir sa marque sur Cdiscount. C'est aussi pour ce type de raison que Bon-Privé est déjà contacté par des marques."


john burke, responsable du développement commercial de lookingo
John Burke, responsable du développement commercial de Lookingo © Lookingo

Pour John Burke de Lookingo, ces acteurs venus de l'e-commerce traditionnel forment une menace s'ils ont une stratégie bien pensée et sont prêts à dépenser beaucoup d'argent. "Pour travailler avec tous les petits commerçants, nous avons besoin d'une grande équipe commerciale. Les Vente-privee.com travaillent avec les marques, mais pas comme nous avec des commerçants qui n'ont pas l'habitude du marketing online. La puissance des sites d'achat groupé est vraiment le local."


Pour ce qui concerne les deals locaux, il existe donc bien une barrière à l'entrée. "Notre activité est loin d'être évidente à mettre en œuvre : nous sommes à la fois un site d'e-commerce et une régie pub locale, rappelle David Vanek. C'est bien pour cela que nous sommes des pure players." Le président de Bon-Privé propose une analogie avec les sites d'offres d'emplois qui ont fleuri en 2000 et 2001. "Ces acteurs avaient en réalité besoin d'une force commerciale de plusieurs dizaines de personnes localement pour trouver ces offres, d'acheter du trafic et d'acquérir des CV et des membres. L'idée était peut-être simple, mais l'exécution difficile. Et beaucoup se sont plantés." Ce temps d'accès au marché, long, est selon lui du même ordre pour les sites de coupons. "Groupon est allé trop vite, a recruté des clients chasseurs quitte à laisser derrière lui une terre brûlée chez les marchands. Comme ce long temps d'accès au marché n'est pas visible, les venture capitalists n'investissent pas dans ce business. Ils ne disent pas 'on va mettre 10 millions d'euros et construire le leader', une approche qui a pourtant très bien fonctionné pour Leboncoin ou Priceminister."


En Espagne en effet, trois acteurs ont levé plus de 5 millions d'euros, dont Groupalia, filiale de Privalia, qui a levé 15 millions d'euros il y a trois semaines. En Allemagne, Dailydeals a levé 10 millions d'euros auprès d'Inside Ventures. En France, David Vanek pointe une véritable anomalie de marché et regrette : "On a laissé Groupon, américain, KGB, groupe industriel, et Smart&Co, groupe industriel aussi, dominer le marché. Bon-privé est l'un des seuls projets entrepreneuriaux." Et alors que la plupart des pays abritent nombre d'acteurs nationaux, les acteurs français ne sont pas financés et le marché est moins structuré.


Selon le spécialiste, on assiste ainsi à l'émergence d'un sous-segment de marché, certes, mais d'un sous-segment très profond. "Le marché de la publicité locale s'élève à 10 milliards d'euros en France. Et on dénombre 400 000 annonceurs sur Pages Jaunes. Or Groupon a certes un peu trébuché, mais il devrait se reprendre très vite. Quant à Kgbdeals, je m'étonne qu'il ne réussisse pas mieux avec autant d'argent." Pour David Vanek, d'ici quelques mois, plusieurs acteurs vont s'écrouler.