La livraison n'est qu'à l'aube de la révolution du dernier kilomètre Les retailers montent leurs propres réseaux de livraison

Géant du Web et distributeur en ligne, il faut évidemment mentionner Amazon, qui aux Etats-Unis serait lui-aussi en train de tester à New York, Los Angeles et San Francisco sa propre flotte de camions de livraison, semblables à ceux qu'il utilise déjà pour son service de courses alimentaires Amazon Fresh. Le leader mondial de l'e-commerce consacrerait sa flotte à livrer les 40 plus grandes agglomérations américaines, déléguerait les 60 suivantes à des transporteurs régionaux et le reste du pays – soit un tiers de la population - à la poste américaine.

Si ce projet n'a pas encore été officialisé, malgré une rumeur abondamment alimentée par diverses sources, la stratégie de livraison d'Amazon en France est en revanche plus claire. Fin avril, l'e-commerçant a acquis 25% de Colis Privé.

D'autres qu'Amazon vont monter leur réseau de livraison

Certes, on peut penser qu'Amazon teste son propre réseau de livraison aux Etats-Unis pour obtenir de meilleures conditions d'UPS et qu'il fait de même en France avec Colis Privé vis-à-vis de la Poste. Mais c'est peu probable. Car l'e-commerçant a beaucoup à gagner en maîtrisant mieux ses coûts de livraison, le service rendu et l'information fournie aux clients. Prestation qu'il pourra d'ailleurs encore rentabiliser en la commercialisant auprès des marchands de sa marketplace clients de son offre de stockage et d'expédition Fulfilment by Amazon / Expédié par Amazon. Un service qui est employé par 65% des vendeurs tiers d'Amazon dans le monde, selon la société. Il y a donc fort à parier que sa prise de participation dans Colis Privé soit un ballon d'essai avant une montée au capital du transporteur.

Plus largement, il faut sans doute s'attendre à ce que d'autres retailers montent leur propre réseau de livraison. C'est le cas aux Etats-Unis, c'est le cas en Asie et c'est à prévoir en Europe, en dépit de la concentration du secteur sur les acteurs historiques, comme le prouvent aussi bien l'investissement d'Amazon dans Colis Privé que le développement du click&collect par de nombreuses enseignes. Notons aussi un projet à l'étude chez Wal-Mart, qui envisage de confier d'ici un ou deux ans la livraison de commandes en ligne à des clients physiques, qui profiteraient de se déplacer en magasin pour récupérer les courses de leurs voisins, en échange d'avantages commerciaux. Autre grand distributeur américain à s'appuyer sur l'économie collaborative pour abaisser ses coûts de livraison, la chaîne de pharmacies Walgreens a pour sa part noué un partenariat avec TaskRabbit.

Alors que la livraison était jusqu'ici l'apanage de réseaux spécialisés, il est probable qu'elle s'intègre partout, chez une multitude d'acteurs, ceux en tous cas qui sauront générer des volumes suffisants pour rentabiliser leur modèle. Il y a 20 ans, il était possible de passer dans la journée chez Nicolas pour acheter le vin de son dîner et se le faire livrer dans l'intervalle. A l'exception des fleuristes et des supermarchés locaux, ce type de services a quasiment disparu aujourd'hui. Les relancer semble à la portée de nombreux magasins, qui séduiraient probablement de nombreux clients. Comme quoi, technologie et innovation ne sont pas les uniques moteurs de cette transformation. Ce passage d'un modèle "à l'américaine" - des courses faites en voiture une fois par semaine pour remplir les placards d'un coup - à un modèle "à la japonaise" - des courses effectuées au jour le jour en fonction du besoin – bénéficiera bien sûr de l'éventail sans cesse élargi des solutions de livraison, en particulier dans les grandes villes et auprès des populations aisées.