Emmanuel Marill (Airbnb) "Nous voulons continuer la dispersion du tourisme sur le territoire"

Différend avec la mairie de Paris, évolution du service client, influence dans les territoires et dans la population, le directeur général d'Airbnb France et Belgique balaye les dernières actualités.

JDN. Quel est le principal objectif d'Airbnb en France pour 2020 ?

Emmanuel Marill, directeur général Airbnb France et Belgique. © Airbnb

Emmanuel Marill. L'objectif est de continuer à favoriser la dispersion du tourisme en touchant les villes moyennes, les villes intermédiaires et les villages. Aujourd'hui, nous sommes présents dans 23 000 communes sur 35 000, c'est formidable, mais je pense que nous pouvons proposer plus de logements par commune et être présent dans les autres. Car c'est l'offre qui crée la demande et de nouvelles opportunités pour les territoires. Nous devons accélérer le rythme et mailler davantage le pays. J'aimerai également que l'on se positionne sur les segments de la population à faible pouvoir d'achat, que l'on permette aux étudiants de sous-louer plus facilement leur appartement via Airbnb. Il faut aussi penser aux personnes âgées qui connaissent des problématiques fortes liées à leur retraite. L'idée étant de gagner de l'argent grâce à ce qui coûte le plus cher, son logement.

Comment s'articulent vos partenariats avec les collectivités locales ?

Nous œuvrons en matière de partage d'informations pour comprendre les dynamiques touristiques d'une région et faire part de nos observations chiffrées aux collectivités. Le but est d'affiner les différents corridors touristiques. Nous avons par exemple participé à la création d'un club d'hôtes en Eure-et-Loir en partenariat avec le comité départemental du tourisme. Bien entendu, nous associons les offices de tourisme pour lesquels Airbnb devient le pourvoyeur de chambres, notamment en milieu rural. Le fait que l'on collecte la taxe de séjour dans toutes les communes dans lesquelles on opère et que nous la redistribuons de manière automatique, participe à la hausse des recettes pour les communes. Les voyages Airbnb représentent une activité économique non négligeable et une vraie ressource pour les territoires. En 2018, Airbnb a reversé 24 millions d'euros aux collectivités françaises et nous estimons à plusieurs milliards d'euros l'impact global d'Airbnb sur l'économie française.

Où en sont vos divergences avec la mairie de Paris quant aux numéros d'enregistrement des annonces Airbnb ?

Paris a été la première ville où nous avons mis en place le blocage à 120 jours il y deux ans maintenant. Toutes les plateformes membres de l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) ont mis en place un blocage de leurs produits pour les résidences principales, respectant ainsi la volonté du gouvernement. Les résultats sont très intéressants puisque 3 500 logements ont été remis sur le marché de longue durée grâce à ces mesures. Honnêtement, Airbnb respecte la totalité de ces règles et nous ne pouvons pas nous permettre d'être non-conforme étant donné la communauté que nous drainons.

Nous sommes actuellement dans une phase de déploiement de la totalité des réglementations, à savoir la taxe de séjour, l'impôt sur le revenu, la loi Elan avec la transmission de données. Nous rencontrons une difficulté avec Paris car la mairie nous a demandé de vérifier toutes nos annonces pour recenser celles qui détiennent ou non un numéro d'enregistrement de la mairie de Paris. Or, nous considérons que cette demande n'est pas conforme à la réglementation européenne des plateformes. Un contentieux est en cours mais la mairie de Paris a demandé un renvoi de l'audience après les élections municipales. Nous avons gagné le premier contentieux devant le tribunal de grande instance et sommes optimistes pour le jugement de la Cour de justice de l'Union européenne.

"Nous sommes actuellement dans une phase de déploiement de la totalité des réglementations"

Dès le 15 décembre, la direction d'Airbnb s'engage à reloger ou rembourser dans son intégralité un usager dont la location ne serait pas satisfaisante, suite à la médiatisation d'arnaques et fausses annonces. Quel sera le rôle d'Airbnb France dans cette démarche ?

La sécurité de la communauté des voyageurs est l'une des préoccupations fondamentales d'Airbnb. La confiance du voyageur dans l'hébergement où il souhaite séjourner est un élément crucial. Plus de 1 000 personnes couvrent le marché français pour accompagner les hébergeurs et les voyageurs dès lors qu'ils ont une problématique quelconque. A travers ce service client, nous allons repréciser les conditions de remboursement et de relogement en cas de décalage entre ce que le client a réservé et l'état de l'hébergement. Les changements interviendront à San Francisco avant d'être déployés au reste du monde et à la France. La réglementation va être revisitée dans le but de créer toujours plus de confiance. Mais cette dynamique n'est pas nouvelle. Avec la Garantie hôte créée en 2012, le statut de superhost et les commentaires certifiés, Airbnb s'inscrivait déjà cette logique.

Comment décririez-vous la clientèle française ?

Aujourd'hui, un quart des Français possède un compte Airbnb. La clientèle a considérablement évolué, la part des plus de 60 ans prend de l'ampleur à la fois sur le segment des hébergeurs et des voyageurs. La place du rural gagne aussi de l'importance depuis deux ans, tout comme les voyageurs d'affaires qui n'étaient pas aussi nombreux il y a huit ans. On compte plus d'utilisatrices d'Airbnb que d'utilisateurs, environ 60% contre 40%. C'est une particularité. On voit également un développement colossal de l'offre et des voyageurs en banlieue parisienne. Par ailleurs, on s'aperçoit que notre activité est relativement domestique : plus de la moitié des séjours Airbnb se déroulent en France.