Karine Schrenzel (3 Suisses) "Le slow delivery est une priorité des 3 Suisses cette année "

Le mois dernier, la PDG des 3 Suisses interpellait son réseau Linkedin sur une tendance qui voit le jour, le slow delivery. Elle explique au JDN les objectifs de ce projet.

JDN. Quel est l'intérêt du slow delivery ? 

Karine Schrenzel, PDG des 3 Suisses et co-fondatrice de Shopinvest. © MICHELE YONG

Karine Schrenzel. J'ai découvert le slow delivery en lisant un article sans trop savoir de quoi il s'agissait, même si le nom parle de lui-même. J'ai trouvé la réflexion intéressante alors qu'Amazon investit dans des drones pour livrer toujours plus vite. Il y a donc ces deux courants différents. D'un côté, on comprend très bien les consommateurs qui souhaitent être livrés rapidement, mais de l'autre, le slow delivery répond à deux enjeux. D'abord, la démarche écologique avec la volonté de regrouper des commandes dans une même zone de chalandise afin de limiter la diffusion du CO². Ensuite, le slow delivery est un moyen de renouer avec le plaisir d'attendre sa commande, sans être dans l'immédiateté perpétuelle. 

Quels sont les enseignements qui ressortent de votre post sur Linkedin ?  

Au total, près de 110 000 personnes ont vu mon post et 3 600 personnes ont voté. Il ressort que 71% d'entre elles se déclarent prêtes à attendre leur colis dans une démarche plus responsable. Lorsque nous avons relancé 3 Suisses, nous avons mené un projet collaboratif avec nos clientes appelé "Imagine 3 Suisses". Mon post sur Linkedin n'est pas comparable mais cela apporte un premier résultat. Nous allons probablement poursuivre la réflexion en questionnant directement nos clientes sur le sujet car l'avis du consommateur compte beaucoup. 

Comment pourriez-vous appliquer le slow delivery chez 3 Suisses ? 

Parmi les retours du sondage, certaines personnes ont attiré notre attention sur l'optimisation des tournées, à savoir le regroupement des colis mais aussi en s'assurant que le client est bien chez lui au moment de la livraison. Par ailleurs, nous pourrions aussi envisager de proposer un avantage ou une contrepartie aux consommateurs prêts à attendre leur colis. Il faut réfléchir à ce que cela pourra être, mais le privilège lié à l'attente est intéressant. C'est encore le début de notre réflexion mais notre but est de concilier engagement et innovation, et le slow delivery répond à ce double objectif. 

Quid du volet logistique ? 

Nous avons identifié environ quatre solutions sur le marché mais qui ne sont pas encore extrêmement développées. Elles ont besoin de flux qu'un acteur comme 3 Suisses pourrait apporter. Le but est de favoriser l'activité des entreprises françaises de la logistique qui veulent travailler avec nous autour de cette notion de slow delivery. 

Dans quelle mesure le slow delivery est-il un chantier prioritaire pour vous ? 

C'est une piste très intéressante et je suis convaincue que le slow delivery n'exclut pas la livraison rapide que l'on connaît et apprécie tous. Indéniablement, les commandes urgentes existeront toujours mais d'autres commandes le sont moins. Il y a les deux besoins qui sont complémentaires, à l'image du site et du catalogue 3 Suisses, ou des magasins physiques et du e-commerce. Bien sûr, nous n'arrêterons pas les livraisons en 24 heures car ce serait manquer de répondre aux besoins des consommateurs mais la possibilité de choisir, contre privilège, une livraison slow delivery est pertinente. C'est une priorité pour le courant de l'année mais c'est un sujet qui prendra du temps puisque nous devons mobiliser les acteurs de la logistique. 

Combien coûte la mise en place du slow delivery ? 

Au tout début, étant donné que les acteurs du slow delivery sont encore peu nombreux à la fois en prestataires et en clients, je ne pense pas que l'économie de coût soit majeure. Par ailleurs, notre volonté de verser une contrepartie aux consommateurs qui opteront pour le slow delivery ne sera pas non plus économique. Mais si au début nous ne perdons pas d'argent et sommes même plus écologiques, ce sera une première satisfaction. A terme, des confrères e-commerçants rejoindront le courant ce qui provoquera une économie de coût. A l'heure actuelle, nous sommes encore en train d'évaluer l'investissement que représente ce projet. 

Après une première vie professionnelle dans le secteur du conseil (McKinsey) et de la finance (Goldman Sachs et Cinven), Karine Schrenzel devient entrepreneure et fonde en 2007 le site de cosmétique masculine MenCorner. En 2011, elle s'associe avec Olivier Gensburger -également son mari-  et démarre ShopInvest : un groupe de dix sites de mode, décoration et high-tech dont 3 Suisses (2018) et Rue Du Commerce (2020).