Rodolphe Gardies (Asphalte) "Nous avons retracé la chaîne de production de l'ensemble des matières premières de nos soixante produits"

Le CMO d'Asphalte explique comment la marque de mode a devancé la loi Climat au moyen d'un score environnemental qui précise le coût en eau, énergie et l'impact carbone de chacun de ses produits.

JDN. Quelle est la genèse du score environnemental mis en place chez Asphalte ?

Rodolphe Gardies, chief marketing officer d'Asphalte. © Marc Gremillon

Rodolphe Gardies. J'ai rejoint Asphalte à sa création en 2016. Avec le fondateur William Hauvette, nous avons questionné les clients sur les produits qu'ils attendaient de la marque et les problèmes qu'ils pouvaient rencontrer avec leurs vêtements. Grâce aux réponses collectées et à ce nouveau cahier des charges, nous avons, par exemple, améliorer nos  connaissances sur les différentes mailles des pulls et les étapes de production. En nous concentrant sur les besoins des consommateurs, nous avons rendu notre business plus vertueux. Nous misons, par exemple, sur un système de précommandes pour éviter le surstock. Le lancement, il y a six mois, d'un score environnemental de nos produits s'inscrit dans cette démarche.

Nous ne pouvons pas nous déculpabiliser vis-à-vis du consommateur en affirmant que nos pulls polluent moins que les vêtements d'autres marques. Certes, le coton bio pollue moins mais il pollue. Dans quelle mesure ? Là est la vraie question à se poser. Plutôt que de se comparer aux autres marques et enseignes, nous avons souhaité évaluer la pollution de chaque unité de nos produits.  

Concrètement, comment procédez-vous à cette évaluation ? 

Nous déterminons l'énergie dépensée pour chaque vêtement en kwatt et nous traduisons ce nombre en un équivalent de nombre d'heures de chauffage d'un appartement afin que l'information soit suffisamment explicite pour les consommateurs. Quand ils achètent un produit sur le site d'Asphalte, ils connaissent ainsi le coût et la consommation énergétique du produit, de la plantation du coton jusqu'à la livraison.

Le calcul des scores environnementaux nécessite un important travail qui a été effectué en collaboration avec la start-up Fairly Made. Nous avons retracé la chaîne de production de l'ensemble des matières premières de nos soixante produits… Et ce n'est pas si évident car nous évoluons dans une industrie opaque. Parfois, on croit travailler avec une usine en particulier et finalement, on s'aperçoit que celle-ci dépend de plusieurs usines régionales car elles se confient mutuellement les commandes. Pour évaluer le coût environnemental de ses produits, il faut se rendre sur place, là où ils sont conçus et cela requiert du temps. Etant donné que nous disposons de peu de produits, qu'ils sont fabriqués en Europe et en grande partie au Portugal, nous sommes capables d'effectuer ce suivi. 

L'article de loi sur le score environnemental a été voté en mars 2021 dans le cadre de la loi Climat mais ne devrait devenir obligatoire qu'en 2026 pour l'industrie textile. Qu'en pensez-vous ? 

Le score environnemental du t-shirt d'Asphalte. © Asphalte

Pour endiguer le problème environnemental lié à l'industrie textile, il faut produire moins de vêtements et en produire des plus résistants. Tout simplement parce que l'impact environnemental d'un vêtement est amorti en fonction du nombre de fois qu'il est porté. Les consommateurs doivent également se renseigner sur la traçabilité des produits qu'ils consomment, quitte à choisir des alternatives plus respectueuses de l'environnement. Chez Asphalte, nous n'avons pas attendu le projet de loi Climat, nous travaillons sur le score environnemental de nos vêtements depuis deux ans.

Comment améliorer le score environnemental d'Asphalte ?

Nous devons diminuer notre consommation d'eau, mais aussi d'énergie liée au transport. L'évolution est progressive. Le coton non bio nécessite 25 fois plus d'eau que le coton bio. L'utilisation du coton bio, qui n'est pas traité chimiquement, est indispensable pour ne pas augmenter le score environnemental. Nous testons l'ensemble de nos matières premières avec le laboratoire indépendant SMT, en privilégiant les fibres naturelles et recyclées. 70% de ces matières premières disposent aujourd'hui d'un label environnemental, notamment GOTS pour le coton et Mulesing Free pour la laine.

Titulaire d'un master 2 en marketing obtenu à Telecom Ecole de Management, Rodolphe Gardies a occupé le poste de chef de projet chez Nextedia puis assistant chez de projet webmarketing et réseaux sociaux chez Solocal entre 2012 et 2013. Il s'expatrie ensuite à New York où il devient project manager chez Spark puis consultant marketing digital chez SAME SAME but different. Il rejoint Asphalte en octobre 2015 au poste de chief marketing officer.