Renan Abgrall (Af2M) "Plusieurs grandes marques vont basculer massivement leurs campagnes SMS vers le RCS avant la fin de l'année"

Renan Abgrall, président de l'Af2m, association française d'opérateurs télécom dont Bouygues Télécom, Orange et SFR, explique au JDN pourquoi le RCS est le nouveau canal média des telcos.

JDN. Quels sont les atouts du RCS (rich communication services), ce standard de SMS enrichi appelé selon vous à terme à remplacer le SMS ?

Renan Abgrall est le président de l'Af2M. © Af2M

Renan Abgrall. Le RCS développe sensiblement les possibilités de communication avec les mobinautes parce qu'il permet d'intégrer des messages interactifs, avec des images, des textes, des boutons cliquables et des bots. Tout cela simplifie et fluidifie la relation client. Aujourd'hui, beaucoup de marques se servent du SMS comme outil de communication pendant le parcours d'achat. Le SMS limite cependant cet échange, car souvent il faut cliquer sur un lien qui nous redirige vers le site web de la marque. Avec le RCS, plus besoin de quitter sa messagerie mobile pour échanger avec la marque, toute l'expérience est intégrée au sein de cette interface multimédia.

Quel accueil ce nouveau standard reçoit-t-il du côté des marques ?

Plusieurs grandes marques vont lancer ce trimestre des campagnes massives sur ce canal : elles vont basculer du SMS au RCS sur les terminaux compatibles. Une centaine de campagnes ont été réalisées et les résultats sont au rendez-vous. Outre son utilité dans le suivi de la relation client, le RCS est un outil de fidélisation, avec des campagnes promotionnelles ou branding. A titre d'exemple, Les Galeries Lafayette s'en sont servies à Noël pour aider leurs clients à choisir un cadeau pour leurs amis et Bizzbee a récemment promu en France ses cartes de fidélité en RCS. La Mobile Ecosystem Forum a publié plusieurs études de cas. Dans une campagne de promotion d'un modèle de mobile, Orange en Espagne a enregistré un niveau d'interaction en RCS trois fois plus important qu'en e-mail. Dans une campagne branding, Vodafone a observé un temps d'attention sur RCS de 26 secondes, supérieur à celui de la TV qui est de 13,8 secondes et à YouTube (5 secondes).

Quel est le niveau de pénétration du RCS sur le marché français ?

En septembre, 21 millions de terminaux mobiles étaient compatibles avec le standard RCS en France. Et ils seront 24 millions à la fin de l'année. C'est déjà bien plus que les 18 millions de terminaux recensés fin 2021, année où le standard RCS a été déployé en France par l'ensemble des opérateurs. À terme, c'est l'ensemble du parc Android (soit 75 % du marché) qui sera compatible avec la messagerie RCS au fur et à mesure des mises à jour logicielles.

Ce standard n'est pour le moment pas disponible sur iPhone. Pourquoi ?

Exemple de RCS envoyé sur mobile par la marque Atol © Atol

Apple a déclaré que ses clients ne le demandent pas encore. Mais si Apple ne l'a pas intégré d'emblée, c'est certainement pour deux raisons. D'abord, il est historiquement anti standard. Ensuite, les opérateurs télécom en France ont décidé de contractualiser avec Google en tant que fournisseur technologique du serveur de la solution RCS. Mais la position d'Apple va devoir évoluer au fur et à mesure que les marques s'y mettront, elles-mêmes poussées par les KPI positifs de ce format qui favorise une expérience beaucoup plus qualitative pour les mobinautes. Autrement, l'expérience tendra à être dégradée sur Apple comparée aux appareils Android.

Comment s'articule l'écosystème "média" du RCS ?

Les opérateurs mettent à disposition du marché ce standard lui-même intégré dans les appareils comme une fonction de communication de base. Des agrégateurs connectés à tous les opérateurs gèrent l'activation des campagnes. Ces acteurs travaillent déjà en direct avec les marques pour leurs campagnes SMS. Comme le RCS intègre un volet média très important, il leur faut se rapprocher également des agences médias et c'est le mouvement qui s'opère en ce moment. De même, les autres prestataires techniques des marques : outils de CRM, de paiement, etc., doivent intégrer le RCS pour que la solution soit 100% exploitable sur le marché. Enfin, et pour éviter tout risque de fraude, les campagnes sont validées en amont par les opérateurs télécom avant la mise à disposition sur le terminal de leurs client.

Quels sont pour vous, opérateurs télécom, les enjeux majeurs de l'essor du RCS ?

C'est d'abord un enjeu d'universalité. Nous devons être capables de garantir une distribution universelle en parallèle aux solutions OTT, qui par définition ne sont pas actives chez l'ensemble des mobinautes. C'est aussi un sujet de souveraineté : c'est un standard des opérateurs, nous en avons la maîtrise.