L'IA générative appliquée au social listening : l'expérience de Rémy Cointreau

L'IA générative appliquée au social listening : l'expérience de Rémy Cointreau L'IA générative fait son entrée depuis à peine quelques mois dans cette activité pilotée par la marque pour nourrir ses insights stratégiques

Dernière évolution en date dans le domaine du social listening : l'intégration de briques d'IA générative au sein d'outils du marché pour permettre aux marques d'adresser des cas pratiques. Rémy Cointreau, groupe familial français de spiritueux, teste depuis quatre mois les nouvelles fonctionnalités boostées par l'IA générative proposées par Synthesio, la plateforme de social listening du groupe Ipsos dont l'annonceur se sert depuis six ans.

"Je peux désormais demander à l'outil quels sont les pain points des consommateurs de cognac par exemple", explique Anatole Sarot, spécialiste brand strategy, trends et innovation chez Rémy Cointreau. Le professionnel se retrouvera alors avec une liste ou résumé des différents points de friction qui peuvent expliquer d'éventuels freins au développement des ventes du produit en question.

Nourri par l'IA générative d'OpenAI (GPT-4), l'outil déployé par Synthesio et lancé au marché le 12 septembre, ne permet pas encore au marketeur de prompter. "Nous ne promptons pas directement, nous ne rentrons pas en conversation avec l'IA comme dans le cas des chatbots grand public", explique Anatole Sarot. A la place, une petite dizaine de "boutons" reflétant les use cases les plus courants de chaque marché sont proposés aux marketeurs.

Dans le cas du branding, on retrouvera les brand drivers (ou facteurs d'attachement à la marque), les brand barriers (les points de friction ou pain points), etc. Le champ de données servant à entraîner l'IA est limité à celui des données "ouvertes" au social listening, publiques et conformes aux réglementations en vigueur, comme le RGPD. De même, les données générées par le moteur restent confidentielles.

Une révolution au long cours

Sachant que le recours aux IA n'est pas nouveau en matière de social listening, quelle différence cette nouvelle génération d'outils vient apporter à la marque ? "En plus de clustériser des données à partir d'un corpus, l'IA va désormais les lire et interpréter pour faire remonter des résultats", explique Anatole Sarot. En deux mots, après les étapes historiques plus mécaniques de data crunching et de segmentation, une couche d'intelligence supplémentaire s'ajoute désormais permettant à l'outil de formuler au professionnel des insights sur la forme de listes ou de résumés.

Car il faut savoir qu'un vrai saut qualitatif avait déjà été expérimenté avec l'intégration progressive au social listening du deep language processing et du deep learning. "Au départ une simple fonction de base de données permettant de trier avec des requêtes, le social listening s'est mis progressivement à comprendre des champs sémantiques et à créer des segments de manière automatisée et en faisant des corrélations. Nous n'étions plus à l'étape du simple stockage", explique l'expert.

Un changement de taille pour une activité qui consiste à crawler le web pour capturer et centraliser toutes les données disponibles en mode public sur ce qui est dit d'une marque ou qui est en lien avec son activité. Balayant de larges corpus de données de manière plus exhaustive et en beaucoup moins de temps, les algorithmes offrent déjà depuis quelques années à la fois plus de précision et d'énormes gains de temps. "Pour lister et clustériser toutes les saveurs à la mode dans les cocktails, un humain mettrait trois jours/homme alors que la plateforme le fait en une trentaine de secondes", illustre l'expert. Un gain stratégique pour une activité qui contribue fortement, avec des données statistiques, à la détection des signaux faibles des tendances de consommation pouvant avoir un impact direct dans le business de l'entreprise.

Les limites de l'IA restent vraies pour les briques génératives

A entendre Anatole Sarot cependant, même l'IA générative, qui d'ailleurs n'est qu'à ses prémisses dans ce domaine, ne peut s'affranchir d'une bonne dose de supervision et validation humaines. Ne serait-ce que parce que l'IA n'est pas encore suffisamment intelligente pour comprendre toutes les susceptibilités du langage humain comme l'ironie, les argots ou les jeux de mots. Un sérieux handicap en matière de social listening.  

"Là où l'IA fait les choses très vite, elle ne les fait pas nécessairement très bien. L'IA reste encore très manichéenne. L'outil réalise ce que nous lui demandons de faire, en établissant par exemple des corrélations entre différents clusters et en identifiant des éléments auxquels on n'aurait pas pensé grâce à son exhaustivité, mais l'intervention humaine – avec son esprit critique, sa créativité et sa curiosité – est fondamentale pour en extraire une véritable analyse. Nous sommes aux prémisses à la fois des uses cases, des IA elles-mêmes et des intégrations entre ces dernières et les outils de social listening. Je pense que les prochaines étapes seront de les voir générer des idées à proprement parler, à condition de les garder dans un processus de validation humain. Ce sera sans doute très utile pour nous libérer beaucoup de temps que l'on pourra dédier à la créativité et à l'identification de nouvelles opportunités", conclut-il.