Google, Apple, Samsung : clé de voute ou cheval de Troie de notre vie numérique ?

Les acteurs numériques comme Google, Apple et Samsung se livrent depuis plusieurs années une bataille féroce pour en savoir toujours davantage sur leurs utilisateurs.

Dans un objectif affiché d’apporter leur aide avec des services toujours plus innovants, ces acteurs prônent leur rôle de « facilitateur » du quotidien de leurs utilisateurs. Mais ne nous voilons pas la face, les données récoltées les aident aussi à affiner leur modèle économique et donc à prospérer.
Les acteurs numériques comme Google, Apple et Samsung se livrent depuis plusieurs années une bataille féroce pour en savoir toujours davantage sur leurs utilisateurs : aujourd’hui nos téléphones portables sont sous leur contrôle, demain l’ensemble de nos habitudes de vie seront connues, analysées et donc exploitées par ces derniers. Dans un objectif affiché d’apporter leur aide avec des services toujours plus innovants, ces acteurs prônent leur rôle de « facilitateur » du quotidien de leurs utilisateurs. Mais ne nous voilons pas la face, les données récoltées les aident aussi à affiner leur modèle économique et donc à prospérer.
En matière de données des utilisateurs et leur exploitation, deux grands domaines sont suivis de près par ces trois sociétés : la santé et le domicile.
Le premier est au cœur d’annonces récentes de Google, Apple et Samsung. Leurs ambitions en la matière sont nombreuses et couvrent l’ensemble de la chaîne numérique : des services en ligne (Google Fit ou encore Samsung Semi…) aux périphériques connectés, les fameux « wearable tech » (bracelets connectés, équipements médicaux comme la prise de tension ou encore le calcul du taux de glucose avec les lentilles de contact de Google).
Les données, une fois récoltées, peuvent être partagées via des partenariats avec des hôpitaux ou encore des médecins. Cette démarche s’inscrit officiellement dans une logique de prévention, comme la détection précoce de maladies. Mais les enjeux commerciaux ne sont pas loin et pourraient bien prendre le pas sur la démarche médicale et pédagogique d’origine. Le secteur des assurances de santé pourrait d’ailleurs bien glisser vers cette logique.
En effet les assureurs sont également très intéressés par la vie numérique de leurs assurés. Les donnes récoltées leur permettant d’affiner leurs modèles de risques et leurs prévisions en matière de remboursement. A terme, le modèle de mutualisation des assurances de santé pourrait ainsi disparaître au profit de contrats par catégorie de personnes hyper-segmentés, comme cela se pratique déjà dans une moindre mesure dans le secteur de l’automobile. Avec par exemple d’un côté les fumeurs, de l’autre les sportifs qui verraient leur cotisation calculée en fonction de leur potentiel risque de tomber malade. Un exemple concret avec l’assureur Axa qui  actuellement « offre un Withings Pulse, d’une valeur de 99,95 € aux 1 000 premiers clients qui souscrivent une complémentaire santé Modulango depuis axa.fr ». Cette démarche commerciale incite clairement à l’activité physique et restera perçue comme ludique et pédagogique  si elle ne bascule pas vers un système de malus en fonction des données d’activité physique récoltées.
Concernant la sphère du domicile, la même approche est observée. Les acteurs de la vie numérique tissent des partenariats en matière de domotique, comme Apple en proposant des produits liés (NetAtmo, Withings, Philips...) ; ou rachètent des sociétés pour acquérir leurs technologies : Google a récemment fait l’acquisition de la start-up Nest, spécialisée dans les thermostats intelligents. Ou encore Samsung qui vient tout juste de racheter la société Smart Things spécialisée en domotique afin de ne pas se laisser distancer par ses principaux concurrents. Cela se concrétise chez Apple par la plateforme HomeKit, hub numérique ouvert à toutes les sociétés qui souhaitent s’associer à la firme pour modeler le foyer connecté de demain. Déjà plus d’une dizaine d’entreprises ont rallié l’initiative.
Citons également Samsung avec le lancement en début d’année du service Smart Home qui permettra à terme à l’utilisateur de contrôler tous les équipements connectés de sa maison : chauffage, alarmes, réfrigérateur, éclairages…
Ces mouvements récents qui vont certainement s’accélérer démontrent clairement les enjeux colossaux des solutions domotiques et des objets connectés. Google et consorts donnent ainsi un nouveau souffle à la domotique qui est désormais pensée sous un angle ergonomique, moderne, ludique. En d’autres termes, la logique marketing mise en place permet au grand public de se laisser séduire. Notre quotidien s’affranchit d’un certain nombre de contraintes donc pourquoi s’en plaindre ?
La condition pour le grand public : accepter que ses données personnelles soient connues et surtout… exploitées ! Le débat fait rage entre partisans du « quantified self » et des maisons ultra-connectées et leurs détracteurs. Pour les uns il s’agit d’une véritable amélioration du quotidien : détection précoce de maladies, suivi simplifié des malades, réduction des consommations d'énergies, meilleure sécurité et surveillance du domicile… Pour les autres, notre société glisse vers un Big Brother à grande échelle.

Au-delà de cette scission idéologique, une menace pèse sur les utilisateurs et les entreprises : les risques de cybercriminalité inhérents aux vols de données qui pourraient être détournées ou encore revendus à des tiers. La sécurité informatique doit donc être prise en compte dès la conception des plateformes, logiciels et autres périphériques pour éviter les détournements de ces technologies, directement (facilitation des cambriolages, modification de données de santé…) et indirectement (piratage des acteurs, grands comme petits, et vols massifs de données…).
La prise de conscience doit donc être collective et se faire à tous les niveaux : les autorités via la Cnil mais pas seulement, les entreprises et le grand public. La publication par la Cnil d’un cahier prospectif en mai 2014 sur le « quantified self » est un bon début mais la sensibilisation aux donnés numériques et leur exploitation doit être accrue. Les clés du succès reposeront sur le respect de la vie privée, la transparence sur l’exploitation des données récoltées, et le niveau de sécurité des plateformes, logiciels et périphériques à la conception mais aussi et surtout dans la durée.