Le header bidding, cheval de Troie d'Amazon pour conquérir l'epub française

Le header bidding, cheval de Troie d'Amazon pour conquérir l'epub française Amazon mise sur son wrapper pour gagner rapidement des parts de marché chez les éditeurs de l'Hexagone… et désintermédier beaucoup d'acteurs de la chaîne de valeur programmatique.

Pour des médias qui ont du mal à profiter de la croissance publicitaire que le duo Google-Facebook s'accapare, l'avancée d'Amazon dans le secteur pourrait bien faire office de planche de salut. C'est le message que les équipes d'Amazon Publisher Services s'échinent à faire passer aux patrons des principales régies médias de l'Hexagone.

Leur proposition est simple : intégrer le wrapper d'Amazon directement dans le header de la page pour accéder gratuitement et de manière optimisée aux annonceurs qui enchérissent depuis le DSP maison. Des annonceurs intéressants à plusieurs titres. D'abord, parce qu'ils sont généralement issus de la grande conso et qu'on les retrouve donc très peu chez les autres sources de demande. Ensuite, parce qu'ils ont une capacité d'enchère plus élevée. En effet, la donnée intentionniste d'Amazon qu'ils activent est tellement efficace qu'ils n'hésitent pas investir. Le package est d'autant plus alléchant que les éditeurs vont bientôt pouvoir passer des deals privés avec les utilisateurs du DSP d'Amazon. La fonctionnalité sera testée en beta d'ici un mois en France et ouvrira l'accès privé à de nombreuses marques. "A l'image de Google Adwords, Amazon est très bon pour capter la moyenne et longue traîne des annonceurs", explique le directeur du programmatique de Prisma Media, Gaël Demessant.

Intégrer la solution d'Amazon c'est travailler avec les annonceurs d'Amazon… mais pas seulement. Sans doute conscient qu'en matière de header bidding, c'est l'exhaustivité qui prévaut, Amazon a également décidé de brancher son wrapper à d'autres apporteurs de campagnes pubs. Les plus gros SSP du marché français : Appnexus, Rubicon Project, Smart ou encore Improve Digital y sont intégrés ou en passe de l'être. Si l'éditeur décide de rejoindre la Transparent Ad Marketplace d'Amazon (TAM), il gérera lui-même la relation contractuelle avec ces SSP. S'il préfère souscrire à Unified Ad Marketplace (UAM), il déléguera cet aspect aux équipes d'Amazon qui vont jusqu'à s'occuper de l'encaissement. Dans ce second cas, qui concerne plutôt des petits éditeurs qui n'ont pas les ressources pour gérer eux-mêmes le sujet du header bidding, Amazon prélève une commission de 10% sur les enchères gagnantes des autres SSP (celles qui sont gagnées par Amazon ne sont pas facturées).

Au sein de TAM, l'implémentation du wrapper et son entretien régulier (ajout et retrait de nouveaux partenaires) se fait en coopération avec les équipes d'Amazon, sans que cela ne coûte un seul centime à l'éditeur, contrairement à d'autres wrapper proposés en managed services. Amazon se rémunère en facturant à l'acheteur un centime de dollars sur chaque transaction gagnée. "Cette gratuité est un vrai plus pour les éditeurs qui ont déjà installé une autre solution de header bidding et voient donc Amazon comme un complément", commente Gaël Demessant.

Amazon freinant pour s'intégrer directement au sein des wrappers existants, les éditeurs doivent désormais en implémenter deux différents

Les éditeurs français qui se laissent tenter par l'offre Amazon se retrouvent donc aujourd'hui avec une double implémentation : un wrapper client-side type prebid.js ou Hubvisor et le wrapper d'Amazon qui opère en parallèle de ce premier wrapper avec une mise en compétition server-side. Un attelage surprenant alors que la démocratisation du header bidding était, sur le papier, censée simplifier les choses avec un même wrapper pour toutes les sources de demandes. "Amazon freinant des quatre-fers pour s'intégrer directement au sein des wrappers existants, c'est un passage obligé pour bénéficier de son offre", explique un connaisseur du marché. Du côté d'Amazon, on argue que le wrapper maison permet d'apporter un véritable incrément de chiffre d'affaires sans aucun problème de latence, les enchères s'effectuant dans le cloud d'Amazon.

En France, ils sont de plus en plus nombreux à se laisser séduire. Le Figaro, 20 Minutes, Orange, Prisma Media, Ouest France et Actu.fr, par exemple. D'autres comme Boursorama ont bien avancé dans les discussions. Les chiffres d'affaires réalisés paraissent pour l'instant bien dérisoires au regard du potentiel d'Amazon. Pas plus d'une dizaine de milliers d'euros par mois chez Prisma Media et des pics lors des Amazon Prime Days. Près de 5% du chiffre d'affaires programmatique du Figaro et un pourcentage encore plus faible chez 20 Minutes. Preuve qu'Amazon Advertising tient aujourd'hui plus de la belle promesse que de la machine de guerre commerciale qu'elle commence à être outre-Atlantique. Un éditeur comme The Score y a généré une hausse de 27% de ses revenus programmatique sur un an grâce à TAM.

"Amazon propose aux utilisateurs de son wrapper de scanner leur audience pour identifier les typologies d'intentionnistes qui fréquentent leur site"

En attendant que la pompe s'amorce, tous ces éditeurs peuvent aussi profiter d'un autre outil made in Amazon, baptisé lui Shopping Insights. "Amazon propose aux utilisateurs de son wrapper de scanner leur audience pour identifier les typologies d'intentionnistes qui fréquentent leur site", explique Benjamin Drocourt, directeur de la régie commerciale de Boursorama. Pour des éditeurs qui se cantonnent pour la plupart à de la data de navigation (par exemple, les thématiques consultées par leurs visiteurs), c'est forcément très alléchant. "Cela nous permettra de muscler notre discours commercial lors de nos pitchs agences", poursuit Benjamin Drocourt. Les premiers éditeurs français en bénéficieront d'ici début janvier prochain.

Si la stratégie header bidding sert les intérêts des régies, elle sert également ceux du géant de l'e-commerce. Son wrapper lui permet de supprimer certains des intermédiaires habituellement présents dans la chaîne de valeur programmatique. A commencer par les SSP qui s'arrogent en temps normal près de 15% des CPM. "En tant qu'annonceur et plateforme technologique d'achat et de vente, Amazon bénéficie d'un avantage concurrentiel indéniable, analyse notre connaisseur du marché. Le groupe économise les 30% de commission que prélèvent les deux acteurs de bout de chaîne, DSP et SSP, et peut donc bidder 30% de plus que le reste de ses concurrents qui passent par les voies classiques… tout en gardant un niveau de marge similaire." L'autre raison de cette stratégie walled garden est technique. "Amazon nous explique qu'il veut couper les intermédiaires pour garder le contrôle sur sa data et optimiser le matching des cookies entre son audience et la nôtre", explique Guillaume Rousseau, le responsable du programmatique de Boursorama.

La mécanique fait penser à la stratégie de Criteo qui nouait des accords en direct avec les éditeurs pour son produit RTA. Elle doit surtout permettre à Amazon de gagner rapidement des parts de marché. Faute de disposer lui-même d'un inventaire pub conséquent, Amazon n'a pas vraiment d'autre choix que de s'allier à des médias qui ont des bannières pubs à ne plus savoir qu'en faire. 

Pour l'éditeur, le seul danger est celui de l'opacité. S'il a accès à une interface de reporting qui détaille la part d'enchères (win rate) remportées par Amazon et chacun des autres SSP, de même que les CPM proposés, il ne voit pas les enchères s'effectuer à la source. Il reste donc exposé à des manipulations contraire à ses intérêts. "On peut moins facilement tracker leurs bids vu que les opérations se déroulent en dehors de notre écosystème", explique Gaël Demessant. C'est encore plus compliqué pour les cas comme UAM où c'est Amazon qui paie directement les commissions aux SSP et pas l'éditeur.

"La compétition entre la demande Amazon et celle des autres SSP intégrés à son wrapper n'est pas forcément juste car Amazon a la main sur tout", estime un éditeur. Le problème est le même que pour le wrapper de Google, EBDA, et tous les wrapper en server-to-server. Il faut accepter de perdre le contrôle et faire confiance à un tiers qui est lui-même "juge et parti". Du côté d'Amazon, on se prémunit de tout conflit d'intérêt en assurant que les équipes d'Amazon Publisher Services sont complètement agnostiques et indépendantes de celles d'Amazon Advertising qui gèrent elles la partie demande.