Farouk Goulam-Ally (Senior manager chez Ineum Consulting) Farouk Goulam-Ally : "La fibre optique annonce la mort des packages triple play"

L'arrivée de la fibre optique en France et son financement par les pouvoirs publics pourrait bouleverser l'offre actuelle du haut débit en cassant la verticalisation des offres bundles des FAI.

 

Selon vous, les pouvoirs publics vont jouer un rôle essentiel dans le déploiement de la fibre optique en France. Lequel ?

Le marché du très haut débit s'est fortement développé en France ces dernières années. Plus de 50 % des foyers français sont aujourd'hui connectés au haut débit par l'ADSL, et ce notamment grâce au dynamisme concurrentiel des fournisseurs d'accès qui ont proposé une offre attractive triple play pour 30 euros. Mais déjà pour le déploiement de l'ADSL, les pouvoirs publics, au travers des initiatives des collectivités locales, ont été obligées de financer des réseaux pour apporter le haut débit dans les zones délaissées par les opérateurs privés, faiblement peuplées donc peu rentables.

La fibre optique ne peut qu'accentuer cette problématique. Plusieurs opérateurs privés ont annoncé dès 2006 vouloir déployer graduellement la fibre optique sur le territoire français ; mais à ce jour, seules les grandes agglomérations et quelques communes, principalement situées en Ile-de-France, accueillent les premiers services de fibre optique. Compte tenu des investissements colossaux nécessaires au raccordement des foyers en fibre optique, l'intervention des pouvoirs publics est de nouveau incontournable. Sans leur concours, ce sont probablement 80 à 85 % des foyers qui ne pourraient pas bénéficier de ligne optique, donc du très haut débit.

En quoi l'intervention des pouvoirs publics dans le déploiement de la fibre pourrait bouleverser l'offre actuelle du haut débit ?

Aujourd'hui, les FAI poursuivent une stratégie d'intégration verticale : ils investissent chacun dans le réseau et les équipements et rivalisent de créativité pour pousser le client à consommer. Dans une logique de financement public, les réseaux de fibre optique seraient mutualisés, ouverts à tous les opérateurs. C'est le schéma adopté aujourd'hui pour les délégations de service public pour les réseaux ADSL. Cet impératif devrait se renforcer sur la fibre qui est une technologie plus coûteuse. Afin de stimuler la concurrence, les pouvoirs publics, propriétaires de ces futurs réseaux en fibre optique, pourraient imposer aux opérateurs privés une règle de dépackaging de leurs services.

Comme vous l'avez signalé précédemment, c'est la généralisation des offres triple play, très concurrentielles sur les prix, qui a favorisé l'adoption du haut débit en France. En quoi la fin de ces bundles peut elle favoriser le consommateur ? N'y a-t-il pas un risque, au contraire, d'une inflation des prix de ces services vendus à l'unité ?

Dans une logique de financement public, les FAI n'auraient plus à investir dans le réseau et les équipements, mais uniquement dans les plates-formes de services, ce qui leur permettrait d'être plus agressifs sur les prix des services. Par ailleurs, casser la verticalisation de l'offre permettrait  de faire subsister des fournisseurs de niche offrant un contenu local, spécialisé ou des services spécifiques.

C'est tout à l'avantage du consommateur qui serait équipé en fibre optique par un opérateur neutre et pourrait choisir, selon ses préférences ou selon les tarifs, son accès Internet chez un fournisseur, son service de téléphonie ou de télévision chez un deuxième et un troisième fournisseur. Il pourrait par exemple constituer son propre bouquet de télévision en combinant ses dix chaînes préférées, au lieu d'avoir 150 chaînes dont 99% jamais regardées, ou choisir son opérateur de téléphonie en fonction des destinations internationales les plus appelées.