Ford n'est plus (seulement) un constructeur auto

Ford n'est plus (seulement) un constructeur auto Le géant a créé une filiale dédiée à la mobilité et investit des millions d'euros dans des start-up pour capter une part du gigantesque marché des services de transport.

Ford est présent au Mobile World Congress (MWC) depuis six ans. Mais cette année, pour la première fois, le constructeur automobile était venu sans voiture. En lieu et place des véhicules rutilants que l'on pouvait croiser aux quatre coins du salon, l'américain avait décidé de poser sur le nez de ses visiteurs un casque de réalité virtuelle pour les emmener dans une tourbillonnante balade en drone dans la ville de demain.

Un choix pas si surprenant : depuis janvier 2016 et la création de sa filiale Smart Mobility, le géant de l'auto ne se mêle plus seulement de voiture. Il veut devenir un acteur majeur de la mobilité en milieu urbain. Jim Hackett, l'un des pontes du groupe, a quitté son siège au board de la société pour prendre la tête de cette nouvelle entité et se consacrer pleinement à son développement. "Les services à la mobilité représentent une opportunité de croissance significative pour Ford. Nous projetons de prendre rapidement des parts du marché florissant des services de transport, qui pèse déjà 5 400 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel dans le monde", planifiait le PDG du groupe Mark Fields au moment de la création de la nouvelle division.

Cette année, pas de voiture sur le stand de Ford au MWC, le constructeur a préféré emmener ses visiteurs faire une balade virtuelle en drone dans la ville du futur

Pour développer des offres adaptées, Ford Smart Mobility étudie les desiderata de clients d'un nouveau genre pour le constructeur : les villes. "Nous avons des entretiens avec des CDO ou des maires de métropoles qui nous exposent leurs problématiques. Ils ont besoin de décongestionner leur territoire et de limiter au maximum le niveau de pollution", explique  Jessica Robinson, directrice de l'équipe City Solutions, elle-même intégrée à Ford Smart Mobility.

Ces recherches sur la mobilité en ville résonnent avec la nouvelle démarche mise en œuvre par Ford pour créer l'automobile de demain. Elle sera autonome, mais également intégrée à un écosystème étendu d'objets connectés, comme des appareils domotiques et des wearables. Un vrai changement stratégique pour la multinationale.

Pour développer rapidement les services qui lui semblent prometteurs, le groupe met à disposition de sa filiale ses équipes de recherche (il a dépensé 7,3 milliards de dollars en R&D en 2016) et est prêt à mettre la main au portefeuille. Il a notamment déboursé plus de 65 millions de dollars pour croquer la start-up californienne Chariot, qui a été intégrée à Ford Smart Mobility. La jeune pousse créée en 2014 a développé un service de transport collectif à la demande, déployé actuellement à San Francisco. Ses cents shuttles vont chercher les utilisateurs du service au pied de chez eux. Leur trajet est optimisé en fonction des lieux de départ et d'arrivée des clients. "Nous sommes en train d'embaucher des conducteurs et allons implanter cette offre dans six nouvelles villes en 2017. Cinq sont situées aux Etats-Unis et une à l'international", détaille  Jessica Robinson.

Ford a déboursé plus de 65 millions de dollars pour croquer la start-up californienne Chariot, qui a été intégrée à Ford Smart Mobility

Ford Smart Mobility a également annoncé en septembre 2016 un partenariat avec le spécialiste du vélo en libre-service Motivate, dont les bicyclettes sont déjà installées dans douze villes, dont San Francisco. Dans la métropole californienne, les deux partenaires vont étendre le service et le rebaptiser FordGoBike. D'ici fin 2018, 7 000 cycles seront disponibles dans la région de la baie contre 700 aujourd'hui.

Pour ne manquer aucune opportunité de nouveaux business, Ford Smart Mobility a multiplié les initiatives. L'entreprise sponsorise par exemple l'accélérateur Techstars Mobility, qui incube des start-up spécialistes des services de mobilité pour les humains et les biens. Créé en 2015 et basé à Détroit, il a d'ores et déjà accéléré 22 jeunes pousses.

En interne, le groupe est également à l'écoute de ses salariés. Chaque année, Ford organise un concours sélectionnant les projets les plus prometteurs sur une thématique donnée. En 2016, le constructeur a demandé à ses équipes de se creuser les méninges pour trouver des moyens de transport électriques intelligents permettant de se déplacer sur "le dernier kilomètre" en ville, où les véhicules traditionnels ne sont pas forcément pratiques ou autorisés. Les objectifs de cette compétition baptisée le "last miles mobility challenge" ? Aider les e-commerçants à être plus efficaces dans la livraison de produits au client final, mais également aider le particulier à se déplacer plus vite sur les trottoirs de sa ville. Sur les 633 idées déposées par les collaborateurs du géant de l'auto, dix ont finalement été sectionnées et sont en cours de prototypage. Ford ne précise pas si ces projets seront un jour commercialisés.

Le Carr-E est un prototype de véhicule électrique destiné aux citadins. © Ford

Sur le stand du groupe au MWC, les visiteurs pouvaient tester plusieurs de ces prototypes, dont le Carr-E. Il suffit de grimper sur cette plateforme ronde d'une soixantaine de centimètres de diamètre dotée de quatre roues et de se pencher en avant pour avancer. Pour arrêter cet appareil, capable de porter jusqu'à 120 kilos et de rouler jusqu'à 18 km/h, il faut s'incliner vers l'arrière. Bardé de capteurs, ce skate-board électrique est capable de détecter les obstacles et s'arrête automatiquement le cas échéant. Carr-E est autonome pendant 40 minutes et se recharge dans le coffre de la voiture de son propriétaire.

Ford présentait également Tricity, un appareil destiné aux livreurs. Ce tricycle électrique pliable, qui se range facilement dans le coffre d'une voiture, peut se transformer en diable pour transporter des paquets lourds. Il est capable de rouler jusqu'à 20 km/h et de transporter 120 kilos maximum.

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