Une période sombre pour les investisseurs est-elle un âge d’or pour les traders ?
A long terme, qui des traders ou des investisseurs ont la meilleure stratégie ?
Avec plusieurs années d’expérience en matière de trading, c’est avec un certain
amusement que j’observe l’émergence d’un débat, amère il faut l’avouer, entre
les deux écoles de pensées dominantes en matière de finance : les Investisseurs
et les Traders, et leurs approche
stratégique respective.
Pour le dire de manière simple, les investisseurs vantant
les mérites de l’analyse fondamentale et des valeurs de long terme, tandis que
les traders, axés sur l’analyse technique, ne parlent que d’opérations à court
terme.
Alors
que les investisseurs considèrent la conjoncture et la subjectivité économique comme
les gouvernails des dynamiques des marchés, les traders dénoncent cette approche
en affirmant que les tendances peuvent être anticipées avant qu’elles ne se
matérialisent grâce aux différents outils d’analyse à disposition, tels que les
graphiques et statistiques.
L’analyse fondamentale est pour eux une analyse
statique et fondée sur le passé. A contrario, les Investisseurs rejettent l’approche
court-termiste des Traders, qu’ils jugent détachée de l’économie et donc
incapable de créer de la valeur sur le long terme.
Alors, qui des uns ou des
autres ont raison ?
Les investisseurs sur la touche
Si vous faites parties de ceux ayant acheté du S&P500 au début de 2011,
alors vous avez réalisé un gain à la fin de l’année de 0% ! En réalité,
même si vous aviez vendu à court terme, votre retour sur investissement
n’aurait pas été meilleur. L’année 2011 fût si difficile que même les
financiers les plus avertis tels que Bill Gross, Warren Buffet ou encore John
Paulson, célèbres pour leurs positions à long terme, se sont retrouvés sur la
sellette, décevant ainsi leurs investisseurs en raison du mauvais rendement de
leurs positions.
Au
début de l’année 2011, Bill Gross, gestionnaire du fonds d’investissement Total
Return Fund de Pimco – le plus grand hedge fund mondial – et convaincu
que l’économie américaine serait affaiblie, a largement
réduit la part des bons du Trésor Américain présent dans son fonds. Compte tenu de la crise de la Zone Euro, les
bons du Trésor Américain sont devenus l’investissement le plus sûr actuellement
au monde. Gross admet qu’il a clairement sous-estimé la nouvelle donne des
économies de marché, mal évalué la croissance réelle et l’évolution de
l’inflation, ce qui a provoqué une perte sérieuse de liquidités pour ses
investisseurs.
De même, Warren Buffet, célèbre pour sa stratégie du « buy
and hold », conscient de ses faiblesses en 2011, s’est excusé auprès de
ses actionnaires du Berkshire Hathaway pour cette « mauvaise année ».
Avec une manière très rationnelle de comprendre les situations, les investisseurs,
grâce à l’analyse des cycles économiques, sont à la recherche de valeurs de
long terme. En étudiant les tendances et moyennes économiques, ils calculent la
valeur à long terme d’une monnaie, d’un bien ou d’un indice.
C’est là que
réside leur faiblesse : selon que l’économie est dans une situation de
croissance forte ou de ralentissement, les valorisations se matérialisent
clairement soit par un bénéfice soit par une perte. Voilà comment les Investisseurs
ont réussi, au travers des années, à gérer leurs performances et à évoluer
entre des cycles haussiers et baissiers. Mais qu’arrive-t-il lorsque l’économie
n’est pas en situation de croissance ou d’effondrement ? Lorsque le prix
des obligations est élevé sans pour autant être surévalué ? Lorsque les
actions sont attrayantes mais pas encore à leur optimum ? Lorsque la tendance
économique n’est pas certaine, les
investisseurs aguerris sont tous aussi troublés que peuvent l’être les
investisseurs lambda.
Le test des résultats
Investisseur
depuis plusieurs années, j’ai moi-même essayé de comprendre comment je pouvais
obtenir des rendements positifs dans ces moments où l’économie stagne avec des
tendances mouvantes et où les perspectives économiques sont imprévisibles.
Finalement, j’ai remarqué que les traders agissent de plus en plus comme des
« Traders », en changeant leurs positions plusieurs fois dans la semaine
et en modifiant de direction plus régulièrement. Mais, en réduisant le risque
de perte à chaque opération et en se servant d’indicateurs techniques à un
moment où la tendance économique n’est pas claire, ils atténuent la menace de
rendements négatifs à long terme en générant des profits à court terme, pas à
pas. Autrement dit, il faut réduire son exposition aux marchés au minimum tant
que la dynamique continue de changer fréquemment.
La leçon des années 1970
A
la fois analyste fondamental et trader, j’ai décidé de remonter dans le passé
et d’analyser en quoi les différentes crises économiques que le monde a
traversé depuis un siècle peuvent nous apporter des éléments de compréhension
sur la situation que nous traversons actuellement. A première vue, elle semble
assez similaire à celle de la Grande Dépression des années 1930. Mais cette
comparaison n’est pas tout à fait exacte.
Si l’on s’intéresse à l’évolution du prix des marchandises, du niveau
d’endettement et des taux de croissances, la crise des années 1970 est bien plus
comparable à celle que nous connaissons aujourd’hui.
Dans
les années 1970, la croissance économique mondiale était faible. Le prix du
baril a grimpé en flèche. N’est-ce pas ce que l’on vit depuis plusieurs
mois ? Comment ont alors réagi les investisseurs ?
Investisseur en 1970, vous auriez acheté du
S&P500 et auriez réalisé un gain en moyenne de 5,71% par an sur la
décennie. Plutôt intéressant, n’est-ce pas ? Pas exactement ! En
prenant en compte l’inflation moyenne aux Etats-Unis sur cette période – de
7,06% par an – vous auriez, en termes réels, perdu en moyenne 1,35% par an de
votre capital.
Toutefois, au cas où vous auriez été un trader à cette même époque, en
alternant ventes et rachats en fonction d’une fourchette de prix/pertes
acceptables – ce que font les traders professionnels – vous auriez, en moyenne,
réalisé un gain de 15,01% par an soit 8% en termes réels. Bien entendu, cela
aurait dépendu de votre capacité à identifier les tendances, mais ce point est
probant.
Et il se vérifie toujours : quand il n’y a pas de tendance identifiable à
long terme, votre force pour réaliser des gains est de négocier par la gamme,
tel un trader, plutôt que d’agir en bon père de famille comme un investisseur.
Et si l’on s’intéresse à la gamme S&P500/USD et ses comparses aussi
attractives, depuis le début de la crise en 2008, être un peu plus trader et un
peu moins investisseur permet, dans la majorité des situations, une meilleure
stratégie de long terme plutôt que de penser uniquement investissement à long
terme.