Comment JP Morgan drague les entrepreneurs de la tech française

Comment JP Morgan drague les entrepreneurs de la tech française La banque américaine cherche à attirer les patrons des start-up tricolores susceptibles de devenir clients de sa banque privée.

Sur la place Vendôme, vous pouvez croiser des touristes, des employés en costume-cravate et parfois des entrepreneurs de la tech qui sortent tout droit… de chez JP Morgan. La banque américaine organise tous les trimestres des déjeuners réunissant des dirigeants de start-up. A chaque rencontre est associée une thématique et un intervenant emblématique de la tech française. Jean de La Rochebrochard, partner de Kima Ventures (fonds de Xavier Niel), est venu parler des levées de fonds en série A, Geoffroy Guigou, cofondateur de Younited Credit, a évoqué les problématiques RH liées à la croissance, ou encore Quentin Sannié, cofondateur de Devialet, a partagé son regard sur la dilution du capital. Le fonds et la forme ne sont pas très originaux mais pour JP Morgan c'est une bonne façon de se faire connaître auprès des dirigeants qui pourront un jour avoir recours aux services de sa banque privée. "Même si leurs entreprises sont parfois de trop petite taille pour que nous puissions les accompagner dans l'immédiat, nous leur prodiguons réponses et conseils et essayons de leur indiquer les bons réseaux. L'idée est de construire une relation de confiance et d'avancer avec eux", explique Karine-Thierry Wilkinson, banquière chez JP Morgan.

"Sur les premières levées de fonds, nous essayons de leur transmettre les principes d'une bonne gestion patrimoniale"

Car pour faire partie du portefeuille de la banque privée de l'institution US, il faut a minima déposer 10 millions d'euros de liquidités chez JP Morgan. Autrement dit avoir vendu en partie ou totalement ses parts dans une entreprise suite à une grosse levée de fonds (un cash out dans le jargon) ou avoir vendu sa société. "Pour l'instant en France, il n'y a pas eu de nombreux cash out. Cela est lié à la maturité du secteur français qui est encore en construction. Même ceux qui ont réalisé des grosses levées n'ont pas tous fait des cash out conséquents", souligne Karine Thierry-Wilkinson, dont deux tiers des clients sont dans la tech. Un nouveau client sur cinq de JP Morgan en France est issu du secteur.

L'aura tech de JP Morgan

Lorsque le temps du gros cash out est arrivée, la banquière adapte son discours : on ne s'adresse pas à un startupper comme à un grand industriel. "Ils n'ont pas forcément une connaissance parfaite des marchés financiers, il faut donc faire de la pédagogie, leur expliquer ce qu'est une action, une obligation, la volatilité des marchés, comment on se structure… C'est essentiellement du bon sens", constate Karine Thierry-Wilkinson. "Sur les premières levées de fonds, nous essayons de leur transmettre les principes d'une bonne gestion patrimoniale. Ils tendent de façon générale à vouloir réinvestir dans des start-up. Or, nous les informons que le premier cash out doit servir à rester concentré sur le développement de l'entreprise. Je leur suggère en premier lieu l'achat d'une résidence principale qui leur permettra de se dégager d'un souci matériel pour continuer à bien développer leur entreprise", ajoute-t-elle.

Pour préparer le terrain, JP Morgan joue sur sa proximité avec le monde des start-up. "Le nom J.P. Morgan raisonne bien chez les entrepreneurs de la tech, surtout sur les sujets corporate et M&A. Ils sont intéressés par notre expertise, d'abord US mais désormais internationale. Ils savent que nous connaissons bien leur secteur", assure Karine Thierry-Wilkinson. "JP Morgan a bonne réputation dans la Silicon Valley et par effet de contagion, elle a réussi à convaincre quelques grosses personnalités de le tech", confirme Pierre-Antoine Dusoulier, CEO d'Ibanfirst, société spécialisée dans le paiement international pour les PME. Mais la contagion n'a semble-t-il pas encore dépassé l'Atlantique : "Je ne savais pas du tout qu'ils étaient en France", avoue Ali Rami, fondateur de Mansa, start-up qui propose des crédits aux indépendants, qui a assisté à un de ces déjeuners. Il reste encore du chemin à parcourir.