Yves Tyrode (BPCE) "10 millions de clients se connectent aujourd'hui aux applications mobiles de Banque Populaire et Caisse d'Epargne"

Deuxième groupe bancaire en France, le groupe BPCE entend renforcer sa position par une stratégie digitale axée sur le développement interne et l'ouverture aux autres acteurs. Entretien avec Yves Tyrode, DG digital et paiements du groupe.

Yves Tyrode, DG Digital&Paiements chez BPCE. © BPCE

JDN. BPCE a fusionné ses fintechs de paiement Dalenys et PayPlug le 15 septembre, qu'est ce qui a motivé ce choix ?

Yves Tyrode. Il faut aller vite et créer des entreprises fortes. Entre Dalenys et PayPlug, BPCE a décidé que c'était le bon moment pour les rapprocher même si l'un est sur les ETI et les gros comptes et l'autre les PME, parce que le champ de bataille du e-commerce nous oppose à des géants comme Stripe ou Adyen. Le fait d'unir nos forces nous permet d'être plus compétitifs. On oppose souvent les fintechs et les grosses plateformes industrielles alors que les fintechs sont vouées à devenir comme elles.

Dans son plan moyen terme 2024, BPCE dit vouloir poursuivre ses investissements en faveur de l'expérience client et de l'efficience en s'appuyant sur la data et le digital. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Dans un premier temps, nous avons concentré nos efforts sur les particuliers. C'est un effort qui date de l'époque où les fintechs comme Revolut ou N26 ont attaqué le marché de manière agressive. Cette situation stimulante nous a permis de nous remettre à niveau aux meilleurs standards et de développer plus rapidement nos applis

Il y a un segment sur lequel nous avons été légèrement en retrait, c'est dans la digitalisation de nos offres à destination de nos clients entreprises. L'accélération sur ce marché est mentionnée dans notre plan stratégique. Le but est de proposer des services de qualité similaire mais avec une digitalisation améliorée. Nous avons des clients qui ont à la fois des comptes pour leur activité professionnelle et leur vie personnelle chez nous. Sur une même application, ils ont accès aux deux facettes de leur vie et très peu de banques peuvent faire cela. Nous avons un gros enjeu sur ce segment entreprise. Nos concurrents sont à la fois les banques traditionnelles mais aussi les fintechs. Pour toujours nous améliorer, nous nous " benchmarkons " en permanence sur ce marché afin d'essayer de proposer les meilleurs standards digitaux. On a par exemple digitalisé l'ensemble de nos offres de crédit pour particuliers et les entreprises veulent la même chose.

"Il est primordial de rapprocher les paiements du digital"

En juillet dernier, la licorne d'avantages salariés Swile a pris possession de votre filiale Bimpli. A l'issue de cette fusion, BPCE est entré au capital de Swile à hauteur de 22%. Quels sont les éléments qui ont motivé cette opération ?

Le premier élément qui entre en compte, c'est la volonté de devenir actionnaire d'un champion qui réalise et réalisera des volumes bien plus importants que ceux que l'on aurait fait seuls. A l'origine, c'est Swile qui nous a contacté et nous avons identifié chez eux un gros potentiel industriel qui nous a encouragé à effectuer cet opération entre eux et Bimpli. Il est primordial de rapprocher les paiements du digital. La combinaison de services complémentaires permet de mieux servir le client et de faire des choses que l'on n'aurait pas pu faire avant. Par exemple, en mars dernier nous avons conclu un deal avec Prestashop qui souhaitait packager PayPlug (solution de paiement omnicanal pour PME, ndlr) avec le paiement fractionné et nous avons pu lui proposer un lot PayPlug/Oney (filiale du groupe BPCE consacrée aux crédits conso et prêts personnels, ndlr).

BPCE a participé au premier tour de table de la société française d'open banking Bridge en juillet dernier aux côtés de Truffle Capital, qu'en attendez vous ?

Nous avons pris, avec Truffle Capital, 25% des parts de Bridge. Notre stratégie d'innovation est basée soit sur l'organique comme la banque en ligne, soit sur des sujets plus nouveaux qu'on aime réaliser avec des fonds d'investissement. Bridge est un acteur technologique à fort potentiel. Le fait de connecter des applications d'open banking à notre espace client prend du temps, mais lorsque ça suit et que les clients aiment, il faut que la brique technologique soit au niveau.

Quelle est la place accordée au digital dans l'innovation du groupe ?

La volonté du groupe BPCE est de faire en sorte que le développement digital ne soit pas externalisé mais intégré au groupe. Cela prend davantage de temps à développer mais c'est la seule manière de changer notre système en profondeur et d'innover dans le bon sens. La digitalisation n'a de sens que si elle est adoptée par le plus grand nombre de clients et reconnue par les collaborateurs, en particulier les conseillers bancaires. Une des spécificités du groupe BPCE c'est la variété des clients, cela va du jeune urbain au plus âgé avec une implantation partout en France. Ce qu'aiment nos clients c'est la simplicité de nos applications. L'indicateur qui illustre cette réussite, c'est l'intensité d'usage par jour par client, et nous sommes parmi les mieux placés en Europe. 12,5 millions de clients utilisaient nos applis mobiles et web fin juin 2022, parmi lesquels 10 millions sur le mobile et avec une fréquentation supérieure à une visite par jour par client.  De plus, nos volumes de paiement sont énormes avec six milliards de transactions cartes par an, ce qui représente environ 2,5 fois le nombre de transactions cartes de la Belgique tout entière.

"La digitalisation de la société est loin d'être achevée, ce qui fait que les demandes sont permanentes"

Quelles consignes vous êtes-vous fixé pour maintenir ce cap ?

La digitalisation de la société est loin d'être achevée ce qui fait que les demandes sont permanentes. Au niveau du self care, nous avons aussi du  nous aligner sur les offres des autres banques en ligne, ça va du pilotage de la carte aux contrats d'assurance vie en passant par le crédit conso. Les clients veulent de plus en plus une double prestation de service, ils souhaitent de l'autonomie sur la souscription à nos produits mais veulent aussi pouvoir se tourner vers un conseiller lorsqu'ils ont besoin de réassurance et d'expertise.

La mécanique bancaire est l'autre segment sur lequel nous devons progresser. Cela passe notamment par des technologies comme la data et l'intelligence artificielle. La banque est depuis toujours une entreprise de data et la combinaison à l'IA simplifie la vie de nos collaborateurs pour réduire les risques, automatiser des processus et prodiguer de meilleurs conseils. Nous avons lancé une filière dédiée à la data il y a deux ans qui s'inscrit dans notre plan stratégique, elle nous a permis de mutualiser nos compétences de data scientist, d'urbanistes data… On a mélangé les expertises de toutes nos filiales en les mettant en compétition et le résultat est positif.

Quelles sont vos ambitions et priorités dans le digital ?

Le grand défi pour la banque de demain va être de rester agile pour ses développements stratégiques dans un monde profondément incertain et qui bouge extrêmement vite. Nous avons restructuré nos pôles digital et paiement. Les challenges à venir sont pour la plupart inconnus. On sait que les cryptomonnaies vont être incontournables et vont se normaliser tôt ou tard. Il va aussi se passer plein de choses autour de la greentech, de la data, de la réglementation, de nouveaux modèles économiques…Tout cela demande de rester agile.