Un système de notation pour les stablecoins : une fausse bonne idée ?

Un système de notation pour les stablecoins : une fausse bonne idée ? La nouvelle a fait l'effet d'une bombe dans l'écosystème crypto : l'agence de notation Moody's pourrait créer un système pour les stablecoins. De quoi changer complètement l'image de ces tokens très spécifiques ?

Pour l'instant, il ne s'agit que de bruits de couloir. Cependant, ils viennent de chez nos confrères de Bloomberg, qui sont généralement bien renseignés. L'agence de notation Moody's, membre du "Big 3" avec Fitch et Standard & Poor's, serait en train de préparer un système de notation dédié aux stablecoins. Une vingtaine d'entre eux serait concernée. Si le projet venait à voir le jour, ce serait une véritable révolution pour tout le secteur Web3.

Pour rappel, l'année 2022 aura été très dure pour les cryptomonnaies et les stablecoins. D'un point de vue purement technique, c'est la chute du protocole Terra, en raison de la perte de parité avec le dollar de son stablecoin UST, qui aura fait beaucoup de mal. Cela aura notamment entraîné la faillite de Celsius Network. Tout le monde a alors découvert l'extrême fragilité, pour ne pas dire le côté pyramide de Ponzi, de certains stablecoins algorithmiques. Depuis lors, une certaine méfiance s'est installée du côté des investisseurs et des institutionnels. Les déboires de Tether, émetteur de l'USDT, ont alors refait surface et c'est aujourd'hui la course au stablecoin qui est le plus transparent. Un système de notation pourrait donc être une bonne idée… à condition qu'il soit objectif et bien fait.

La notation des stablecoins, un bon moyen de lutte contre la défiance

Moody's, une autorité considérable pour les stablecoins

Au moment de la folie des initial coin offerings (ICO) en 2017, des agences de notation spécialisées avaient vu le jour. Sauf que l'on s'est vite aperçu de la supercherie. Le système était faussé et une bonne partie des notes n'étaient pas vraiment objectives. Les méthodes ont notamment été très critiquées. Bref, personne ne veut revivre une telle défiance, aussi bien du côté des émetteurs que de ceux censés les noter dans les règles de l'art.

Sous ce prisme, voir apparaître le nom de Moody's est intéressant. D'une part, c'est un acteur totalement extérieur au Web3 et aux cryptos. On pourra alors difficilement l'accuser de partialité envers tel ou tel émetteur, d'autant qu'une agence de la finance traditionnelle ne sera pas forcément tendre avec le secteur. D'autre part, en tant que membre du Big 3, Moody's a fait ses preuves.

Bien entendu, Moody's est loin d'être parfait. Les agences de notation ont notamment été très critiquées lors de l'après-crise financière de 2008-2009. Elles ont même leur zone d'ombre. Les stablecoins ne vont donc pas devenir fréquentables uniquement parce que Moody's va les noter. Mais, malgré leur image écornée, les notes des agences de notation restent très suivies autant par les prêteurs. Elles font donc toujours autorité.

Un moyen de lutter contre l'absence de transparence

Le principal apport de Moody's se situerait du côté de la transparence. Or, c'est clairement le problème numéro un des stablecoins, tout particulièrement les stablecoins centralisés. Bien entendu, nous pensons immédiatement à Tether. Pendant de longues années, le numéro 1 des stablecoins est resté très ambigu sur ses réserves. Au final, l'entreprise émettrice a menti, au point de faire trembler l'écosystème crypto à l'automne 2022. L'affaire s'est soldée par une amende de plusieurs dizaines de millions de dollars aux Etats-Unis. Lorsque l'on sait que Tether n'a pu avoir que 34% de réserves considérées comme sûres (34 dollars en réserve pour 100 USDT émis), l'entreprise s'en sort plutôt bien ! Or, c'est là qu'un système de notation à la Moody's peut aider à éviter de telles situations. La raison est simple : l'audit serait externe et l'émetteur devrait montrer patte blanche.

En d'autres termes, il serait impossible d'être le stablecoin numéro 1 en mentant sur ses réserves, pour la simple et bonne raison que la note finale serait à coup sûr mauvaise. Pour un stablecoin centralisé, l'absence d'information sur la réserve voire une fausse garantie est ce qu'il y a de pire pour l'image. Et cela, une agence de notation le sait. Avec un système de notation des stablecoins, l'un des problèmes les plus épineux, qui est l'absence de transparence, serait très probablement résolu. Cependant, ce n'est pas le seul et Moody's devra aller plus loin.

La notation des stablecoins, un système qui part de zéro

La compréhension des algorithmes, un point crucial

La chute de l'UST n'a pas été provoquée par un problème de réserve, mais par un algorithme défaillant. Or, de nombreux spécialistes avaient prévenu que le système de l'UST pouvait être mis à rude épreuve en cas de chute des cours et d'une vente massive de tokens. C'est exactement ce qu'il s'est passé et la raison principale pour laquelle l'UST a perdu sa parité avec le dollar.

Néanmoins, pour le savoir en amont, il est nécessaire de bien comprendre comment fonctionne un algorithme. Il est donc nécessaire de se doter de personnes extrêmement pointilleuses sur l'analyse de l'algorithme, incluant l'étude du code source. C'est en effet dans le code que peuvent se trouver les failles éventuelles. Un travail fastidieux et chronophage, mais essentiel pour le mener à bien.

Pour un stablecoin décentralisé, la compréhension du mécanisme algorithmique est indispensable et Moody's doit absolument s'y préparer. En d'autres termes, il est impossible de noter un stablecoin comme un pays ou une entreprise, car on ne regarde pas la santé économique, mais les réserves pour un stablecoin centralisé et un programme informatique pour un stablecoin décentralisé. C'est pour cela que l'on peut se poser la question de l'utilité réelle d'un système de notation des stablecoins.

Peut-on réellement noter un stablecoin ?

La question peut paraître osée, mais elle a pourtant une réalité. Noter un stablecoin peut s'avérer impossible et pas seulement pour les raisons évoquées ci-dessus. Car tout va très vite dans l'écosystème crypto. Afin de s'assurer que la note est réellement objective, il faudrait un contrôle permanent des réserves des stablecoins centralisés et de l'algorithme pour un stablecoin décentralisé. Et ce afin d'éviter que les réserves soient au niveau demandé ou que l'algorithme soit modifié uniquement pour le jour de l'audit. La notation peut donc évoluer chaque seconde. Si le système prévoit un tel mécanisme de contrôle permanent, alors il pourra être considéré comme sûr. Dans le cas contraire, il pourrait vite être discrédité, et ce malgré la réputation de Moody's.