John Persenda (Sphere) "On demande à nos clients d'accepter un produit de meilleure qualité"

Le PDG du groupe spécialisé dans l'emballage ménager, avec la marque Alfapac, défend le made in France.

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John Persenda, PDG de Sphere. © Sphere

JDN. La PMI que vous avez créée dans les années 1970 se porte bien. Comment faites-vous ?

John Persenda. Innovation, innovation, innovation. Et croissance externe. Nous avons racheté la majorité de nos confrères français et étrangers en Allemagne, au Benelux, en Grande-Bretagne et en Italie. Les années 2005-2006 ont été marquées par un tournant vers l'environnement à 100%. Nous avons racheté Biotec, premier producteur de plastique à partir de matières premières biodégradables grâce à ses 200 brevets. Nous nous sommes engagés dans la recherche pour produire des plastiques à base de matières végétales. Autrefois, notre leitmotiv était d'améliorer le quotidien des consommateurs. Aujourd'hui, c'est d'améliorer l'environnement. Notre clientèle est sensible à cette démarche. Il y a 25 ans, lorsque nous l'avons lancé, le Coulissac, était vu comme un produit de luxe. Aujourd'hui, il est considéré comme un produit ultra pratique et il représente 70% du marché des sacs poubelles en Europe.

"Nos produits vendus en France sont fabriqués sur le sol français"

Vous n'avez pas hésité à revêtir la marinière pour défendre le made in France. Vos produits sont-ils 100% made in France ?

Dans les circonstances actuelles, les consommateurs sont sensibles à l'origine des produits manufacturés qu'ils achètent. Oui, nos produits vendus en France sont fabriqués sur le sol français. Et notre unité de production basée en France exporte aussi vers une partie de l'Europe, les Etats-Unis et le Maghreb. Nous avons d'autres usines en Europe : aux Pays-Bas pour les produits vendus au Benelux, en Italie pour les produits vendus en Italie, en Espagne pour les produits vendus en Espagne et en Grande-Bretagne pour les produits vendus en Grande-Bretagne. Nos confrères Albal et Handy Bag sont partis en Pologne et en Thaïlande. Nos confrères allemands et britanniques sont partis en Chine. Mais maintenant, ils quittent la Chine, parce que c'est trop cher, pour aller au Vietnam. Où iront-ils ensuite ?

Pourquoi est-ce si important de défendre le made in France aujourd'hui ?

Il faut faire savoir que nous avons une technologie, une capacité à fabriquer des produits d'une qualité supérieure aux produits importés et vendus à un prix qui est celui du marché. On ne demande pas à nos clients de payer plus cher. On leur demande d'accepter un produit de meilleure qualité. Nous voulons que les consommateurs connaissent l'origine des produits. Aujourd'hui, on pense que tout est fabriqué en Asie. Si la clientèle a envie d'acheter chinois, qu'elle le fasse ! Mais au moins, qu'elle en soit informée. Sans compter que, technologiquement, nous sommes en avance. La recherche existe depuis très longtemps. Nous l'avons appliquée sur nos produits. Pour l'instant, nos confrères asiatiques ne sont capables que de suivre. Dans 10 ans, ils arriveront peut-être à nous dépasser, on verra. Mais aujourd'hui on est en avance. On a investi assez fortement pour vouloir ne pas être ignoré.

"Si la clientèle a envie d'acheter chinois, qu'elle le fasse ! Mais au moins, qu'elle en soit informée"

La France est l'un des pays où le coût du travail est le plus élevé d'Europe. Est-ce un frein pour continuer à produire dans l'Hexagone ?

Le coût de main d'œuvre est le plus élevé, c'est vrai. Mais l'énergie est nettement moins chère qu'ailleurs. Or, notre processus de fabrication est très gourmand en énergie. En France, nous avons aussi l'amortissement dégressif à 30 % par an, ce qui permet d'évoluer rapidement alors que certains de nos confrères amortissent sur 7 ou 12 ans. Sans compter que le personnel en France est très dédié à l'unité de production dans laquelle il travaille, ce qui n'est pas forcément le cas dans les pays de l'Est. Mais il est vrai que les charges restent élevées en France. Il y a un peu plus de deux ans, lorsque le Crédit impôt recherche a été mis en place, on envisageait de rapatrier notre laboratoire allemand en France. On s'est dit que le bénéfice pour ceux qui travaillaient là-bas serait de 30% sur l'heure. Mais nous ne l'avons pas fait parce que les charges sociales sont bien moins chères en Allemagne.

Parlons maintenant de ce que fait le gouvernement pour les entreprises françaises. Etait-il nécessaire d'avoir un ministère dédié au Redressement productif ?

Oui, c'était nécessaire. C'est un ministère qui connait parfaitement son métier. Nous travaillons avec lui pour créer une filière bioplastique en France. Un décret doit être publié pour application au 1er janvier 2014, imposant que les sacs sortie de caisse et les sacs pour les fruits et légumes soient fabriqués à base de matières biodégradables. Cela signerait la fin des importations d'Asie des sacs à base de matières fossiles.

Les mesures prévues par le Pacte compétitivité sont-elles suffisantes pour permettre aux PME françaises de poursuivre leur développement ?

Il faut toujours aller plus loin mais c'est déjà une bonne base. Heureusement. Il y a aussi la nouvelle Banque publique d'investissement. Ce qu'il manque en France, ce sont des entreprises de taille moyenne alors qu'elles forment la colonne vertébrale de l'économie. Il y en a beaucoup en Allemagne. Il faudrait que l'esprit individualiste français s'arrête pour utiliser au mieux les fonds de cette banque en vue de créer des pôles de production compétitifs.

Pour John Persenda, c'est possible de réussir sur le sol français. C'est le message qu'il a choisi de faire passer à l'occasion du forum Osons la France qui s'est tenu à Paris en avril dernier. Prochaine édition, Lyon, le 27 juin 2013.