En France, le monde politique se situe hors de la logique des entreprises

Il est bien difficile, aujourd’hui en France, de contester les choix fondamentaux faits en faveur de la globalisation et d'en aborder objectivement et collectivement les conséquences.

Le courrier [1] adressé le 8 février 2013 par Maurice Taylor, le Président de la société Titan, à Arnaud Montebourg, notre Ministre du Redressement Productif résume le fossé qui sépare la pensée libérale américaine de notre environnement politico-économique hexagonal.

L’attaque en règle du "self-made man" américain s’en prend aux « syndicats fous » et aux salariés français qui « discutent pendant trois heures et travaillent trois heures »… Bien trop simpliste et manichéenne pour que nous puissions l’applaudir à deux mains, elle a néanmoins le mérite de soulever publiquement des questions taboues dans notre beau pays. On y aborde sans fioritures la durée du travail, l’état d’esprit au travail, bref, les conditions concrètes de la productivité. On va jusqu’à mettre véritablement les pieds dans le plat en osant parler salaires, ce que le monde politique français a bien du mal à faire depuis de nombreuses années…

Pour cette franchise, le patron de Titan devrait être félicité, car ces sujets qui fâchent sont souvent contournés. En atteste la réaction de notre Ministre [2] : aux arguments concrets et concis de l’homme d’affaires américain il répond, outragé, par un vaste exercice de style rédigé dans la plus pure tradition diplomatique franco-française, qu'une quantité de références historiques et statistiques éloignent du sujet initial. Car ce n’est ni des « 20 000 entreprises étrangères » implantées en France, ni des « liens avec les Etats-Unis » qu’il est réellement question. Mais bien de la baisse de compétitivité de l’industrie française illustrée par le cas de Michelin. Un géant national rongé par les conflits syndicaux depuis les années 90, qui doit essentiellement sa survie à la délocalisation.   

Hypocrisie ? Refus d'affronter les réalités ? Les faits sont là : il est bien difficile, aujourd’hui en France, de contester les choix fondamentaux faits en faveur de la globalisation et d'en aborder objectivement et collectivement les conséquences. Les débats sur ces thèmes restent affaire de spécialistes et tournent très vite à l'affrontement idéologique ou partisan, au détriment de la réflexion de bon sens. Dans notre pays plus qu’ailleurs, le monde politique se situe encore au-dessus des organisations, des contraintes et des logiques qui pourraient guider un pilotage efficace des entreprises… et un réel traitement social du chômage.

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[1] Les Echos en a publié une copie traduite sur son site le 19/02/2013,
[2]
Les Echos en a publié une copie sur son site le 20/02/2013.