La semaine en zone euro : une Europe à deux vitesses

Pour la troisième fois en un an, les représentants du Fond monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne sont revenus, cette semaine, à Madrid pour évaluer les avancées du programme européen d’assistance au système bancaire espagnol.

La Troïka au chevet de Madrid

Pour la troisième fois en un an, les représentants du Fond monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne sont revenus, cette semaine, à Madrid pour évaluer les avancées du programme européen d’assistance au système bancaire espagnol. À ce jour, sur la ligne de EUR100 mds dont les banques ibériques peuvent bénéficier suite à l’accord intervenu entre les autorités espagnoles et leurs partenaires européens en juillet dernier, seuls EUR 40 milliards ont été déboursés.
La Banque centrale d’Espagne a estimé le montant des créances douteuses détenues par le secteur bancaire à 11 % de son encours de crédits au secteur non financier, un niveau qui apparaît relativement faible, compte tenu de la crise économique actuelle. L’économie espagnole est entrée dans sa quatrième année de récession et le taux de chômage devrait dépasser 26% en 2013. Selon certaines sources, la Troïka jugerait la méthodologie de la Banque centrale espagnole trop conservatrice et exigerait l’adoption d’une approche plus proactive dans la perspective de l’entrée en vigueur du mécanisme de supervision unique. A cette date, les autorités européennes devront être parfaitement bien informées de la santé des établissements bancaires les plus fragiles. A cet égard, l’Autorité Bancaire Européenne, ABE, a annoncé la semaine dernière qu’elle repoussait les prochains stress tests à 2014, afin d’établir les nouvelles directives de cet examen qui sera mené par la BCE dans les dix-sept pays membres de la zone euro.
Divergences franco-allemandes Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, devrait être satisfait de ce report. Ce dernier devrait lui permettre de défendre l’idée d’une révision des traités, qu’il juge indispensable à la mise en oeuvre de l’union bancaire. Pour l’heure, il se dit favorable à la création immédiate d’un simple réseau d’autorités de résolutions nationales, notamment en cas de défaillance transfrontalière. Il estime, en effet, qu’un renforcement de l’intégration économique et budgétaire au sein de la zone euro et une meilleure représentativité démocratique de la Commission européenne aux pouvoirs accrus sont les conditions sine qua none d’une plus grande solidarité budgétaire et financière entre états membres de la zone euro. Pour le gouvernement Merkel, une perte partielle de la souveraineté nationale est le prix à payer pour pouvoir donner une réponse commune, rapide et adaptée en cas de crise.
Ce point de vue n’est pas partagé du côté français, même si le Président Hollande a fait un geste significatif en direction de son partenaire allemand, à l’occasion de sa récente conférence de presse. Il s’est dit favorable à une poursuite de l’approfondissement de la construction européenne, tout en souhaitant à la fois éviter une révision des traités, processus a priori chronophage, et un renforcement des missions de la Commission européenne dont les membres désignés par leur gouvernement respectif sont indépendants et ne représentent pas les intérêts nationaux. Il a, ainsi, promis de mettre en place une union politique européenne dans les deux ans (les prochaines élections européennes auront lieu en mai 2014), assurant qu’il était grand temps de « muscler » le gouvernement économique de la zone euro autour d’un « véritable président, nommé pour une durée longue ». Il s’agirait de doter la zone euro d’un véritable gouvernement économique, avec une présidence permanente de l’Eurogroupe. Ce gouvernement économique débattrait "des principales décisions de politique économique à prendre, en matière d’harmonisation de la fiscalité, et de convergence sur le plan social », qui sont aujourd’hui deux compétences nationales.
Les positions franco-allemandes semblent pour l’heure peu réconciliables. Le Président de la Bundesbank, Jens Weidmann, n’a pas manqué de faire part de ses réserves quant au délai de deux ans, accordé par la Commission européenne à la France et l’Espagne, pour ramener leur déficit à 3% du PIB. Par le passé, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avaient adopté, à de nombreuses reprises, une position commune à l’approche des sommets européens. Selon le journal Der Spiegel, aucun communiqué préparatoire franco-allemand n’était prévu avant le conseil européen de juin. Mercredi, François Hollande a, toutefois, fait savoir qu’il rencontrerait la Chancelière à la fin du mois pour mettre au point une « contribution commune » pour le sommet de juin.
De meilleures nouvelles sur le front économique pourraient progressivement adoucir la potion amère de l’ajustement budgétaire et structurel. A cet égard, la publication des enquêtes PMI flashs dans la zone euro pour mai indique une moindre détérioration du paysage économique. L’indice PMI composite a progressé de 0,8 point à 47,7 et retrouve ainsi les niveaux du T1, tout en demeurant sous la barre des 50, en zone de contraction de la production. Le détail disponible éclaire, là encore, les disparités économiques entre l’Allemagne et la France. Outre-Rhin, l’indice composite d’activité a regagné 0,7 point à 49,9, un niveau cohérent avec une stabilisation de l’activité. En France, l’indice composite d’activité est demeuré inchangé, à 44,3, bien loin du seuil des 50. La récession s’est donc poursuivie en mai dans la zone euro mais elle s’est atténuée par rapport aux deux mois précédents et une stabilisation de l’activité n’est pas encore d’actualité. La croissance du PIB de l'Europe au deuxième trimestre devrait être proche de celle du T1, -0,2% t/t.
Au T1, seul le commerce extérieur fait office d’amortisseur, en raison de la contraction de la demande intérieure. L’excédent courant de la zone euro a ainsi battu de nouveaux records au premier trimestre. Il a atteint EUR56 mds (plus de 2 % du PIB de la zone) son niveau le plus élevé depuis le début de la série, le repli des importations, -2% t/t, faisant plus que compenser la faiblesse des exportations, +0,6 % t/t. Au second semestre, l’amélioration constatée sur les marchés financiers devrait progressivement bénéficier à l’économie réelle, tandis que l’environnement international soutiendrait la reprise des exportations.