Sept Français qui ont créé leur entreprise au Brésil Thibaud Lecuyer est à la tête du premier site e-commerce de mode au Brésil
Difficile de croire que l'on parle à un Français lorsqu'on a affaire à Thibaud Lecuyer, tant sa conversation est mâtinée d'anglicismes comme "consumer", "middle class" ou "domestic market". Ce chef d'entreprise, à la tête du plus gros site e-commerce de mode d'Amérique du Sud, est pourtant un authentique Bourguignon.
Dafiti, l'équivalent brésilien de Zalando, "a doublé son chiffre d'affaires l'an dernier", se félicite l'entrepreneur de 33 ans. Son penchant pour le jargon financier anglo-saxon s'explique aisément par son expérience : après une école hôtelière à Lausanne et six ans dans un fonds d'investissement chez JP Morgan à Genève, Londres, en Inde et à New York, il est revenu passer un MBA en France en 2009.
"Pour être plus opérationnel", précise-t-il. Une formation qu'il décide aussitôt d'exploiter... Au Brésil. Car entre-temps, le Français a rencontré une ravissante avocate d'affaires originaire de Rio de Janeiro. Entre le Brésil et la France, le choix est vite fait.
Sur place, Thibaud Lecuyer est rapidement contacté par une ancienne relation de Rocket Internet, le plus grand incubateur Internet mondial, qui a notamment investi dans le site de mode Zalando en Europe. "On m'a demandé de recréer le modèle Zalando au Brésil", explique-t-il. Lancé en novembre 2010, Dafiti connaît une croissance fulgurante et compte aujourd'hui plus de 2 200 salariés en Amérique latine.
"Au départ, j'étais un peu au four et au moulin", reconnaît l'entrepreneur, qui n'a pas ménagé ses nuits et ses week-ends. Aujourd'hui, il s'affirme davantage en tant que gestionnaire mais reste très attentif au moindre détail, comme par exemple l'épaisseur du carton des boîtes dans lesquelles sont expédiées les chaussures. Il doit aussi décupler son talent de manager. "Les employés brésiliens ont l'habitude de travailler dans un cadre précis et n'arrivent pas vraiment à exprimer leur créativité", regrette-t-il. Pas facile de lancer des innovations de rupture dans ce contexte.
"En 2011, la mode était le 26e secteur pour le e-commerce. Aujourd'hui c'est le premier"
Au niveau business, en revanche, tout va pour le mieux. "En 2011, la mode était le 26e secteur pour le e-commerce. Aujourd'hui c'est le premier", se félicite Thibaud Lecuyer. "Les Brésiliennes sont très sensibles aux phénomènes de mode. On a moins de collections basiques comme en France", ajoute-t-il. "L'an dernier, par exemple, tout le monde s'est rué sur les baskets à talon compensé. Une vraie déferlante".
La "classe moyenne", à laquelle s'adresse Dafiti, grossit à vue d'œil : elle a vu arriver 40 millions de nouveaux entrants au cours des 5 dernières années. Pour ces derniers, le e-commerce n'est toujours pas une évidence. "C'est comme les premiers pas de l'Internet en France. Au début, les gens hésitent à donner leur numéro de carte de crédit". Pour les rassurer, Dafiti se targue d'un service client irréprochable, "mieux noté que celui d'Amazon".
A "200%" plongé dans le développement de son entreprise, Thibaud Lecuyer a des étoiles dans les yeux quand il évoque les perspectives du marché brésilien.