Paulin Dementhon (Getaround) "Getaround a récupéré 80% de son activité en France pré-confinement "

Fondateur de la plateforme d'autopartage Drivy rachetée en 2019 par l'Américain Getaround, désormais directeur général de Getaround Europe, Paulin Dementhon se dit confiant dans la reprise de l'activité.

JDN. Quel a été l'impact du confinement sur le business de Getaround ?

Paulin Dementhon est le directeur général de Getaround en Europe. © Getaround

Paulin Dementhon. Nous avons perdu environ 80% de nos volumes habituels. Nous avons cependant tenu à rester ouverts, car nous sommes un service qui pouvait dépanner les gens pendant cette période. 

Constatez-vous un début de reprise depuis le déconfinement ?

Cela a été très rapide et assez spectaculaire. Dès la première semaine, nous avons récupéré 80% de notre activité en France par rapport à avant le confinement. A Paris, nous sommes déjà à 100%. Par ailleurs, dans d'autres pays qui ont subi des restrictions moindres, comme l'Allemagne, nous avons perdu beaucoup moins de volumes.  A l'échelle européenne (Getaround est présent dans six pays d'Europe de l'Ouest, ndlr), nous avons également récupéré 80% de notre business par rapport à avant la crise. Mais certains trajets, comme ceux vers les gares, sont encore à l'arrêt.

Quelles mesures avez-vous prises pour continuer à opérer en respectant les normes sanitaires ?

Nous avons conseillé à tous nos propriétaires loueurs de proposer des lingettes désinfectantes dans les véhicules. Nous conseillons également aux clients d'amener leur propre matériel et de désinfecter les points sensibles comme le volant ou la boîte à gants. Par ailleurs, si nous avons une suspicion de contact avec le virus dans un véhicule, nous le désactivons pendant 72 heures.

Sur votre activité de location urbaine à l'heure en free floating, êtes-vous capables de désinfecter les véhicules entre chaque usage ?

"C'était une situation historique, jamais vue depuis la Seconde guerre mondiale"

Cette activité représente 90% de notre business aujourd'hui. Nous demandons aux propriétaires de flottes de nettoyer les véhicules plus souvent, mais nous n'avons pas de garanties que ce sera fait entre chaque trajet. Pas plus que vous n'avez de garanties quand vous appuyez sur le bouton de l'ascenseur dans votre immeuble. Ce serait difficile à réaliser entre plusieurs petits trajets d'une demi-heure. Le principal risque est le manque de distanciation. L'autopartage permet de se déplacer sans contact avec d'autres humains, contrairement au bus, au covoiturage, au train ou même au VTC. Nous pensons donc que le modèle est particulièrement adapté dans la période actuelle. 

Avez-vous mis en place une stratégie particulière pour faire revenir les clients ?

Lorsque nous avons su que la première phase du déconfinement était accompagnée de cette limite de déplacements de 100 kilomètres, nous pensions récupérer seulement 50% de notre business, étant donnée la répartition habituelle de nos trajets. Au final, nous avons récupéré la quasi-totalité des volumes, et il est vraisemblable que nous les retrouverons intégralement. Nous avons écrit à nos clients pour les inciter à revenir, mais à part cela, nous ne pouvions pas faire grand-chose. C'était une situation historique, jamais vue depuis la Seconde guerre mondiale. Tout ce qu'il y avait à faire était de décider de continuer à opérer le service ou non.

Comment voyez-vous la situation évoluer ces prochains mois pour le secteur de l'autopartage et pour Getaround ?

Nous allons vivre une crise économique profonde, mais on ne sait pas encore comment la consommation sera affectée. Nos clients utilisent Getaround pour aller à des rendez-vous professionnels, voir leurs proches, partir en vacances ou en weekend. Nous sommes donc sujets à des impacts négatifs de cette crise. En même temps, nous avons un positionnement moins cher qui pourrait nous aider à nous démarquer, et la période peut amener de nouveaux propriétaires intéressés par la location de leur voiture afin d'avoir un complément de revenus. 

"Nous avons tout pour espérer un été fort qui compensera les mois partiellement perdus"

Il y a une autre inconnue : la redistribution des parts de marché du transport. Est-ce qu'on va moins prendre le train et davantage la voiture ? Difficile à prédire. Puisque le service est 100% compatible avec la distanciation, nous ne devrions pas être trop affectés, voire ressentir des effets positifs. Cela dépendra aussi du temps que durera cette période de distanciation, et d'à partir de quand on pourra prendre un train bondé sans que cela inquiète. L'autre avantage est notre proximité avec les villes, qui permet une reprise plus rapide que chez les loueurs traditionnels, dont 50% du business dépend des aéroports (le loueur Hertz a supprimé 10 000 emplois en avril et s'est déclaré en faillite en mai, ndlr). D'ailleurs, le tourisme international devrait reprendre très lentement. La période de tourisme local en France nous sera donc favorable. Nous avons donc tout pour espérer que cet été plus fort que d'habitude nous permettra de compenser les mois partiellement perdus. 

Cela fait un peu plus d'un an que Getaround a racheté Drivy, la start-up que vous aviez fondée en 2010. Où en êtes-vous de l'intégration de l'équipe européenne et de la répartition des tâches avec les Etats-Unis ?

C'est assez complexe et pas vraiment le bon moment pour moi de rentrer dans les détails. Globalement, la réalité est que nous sommes du même groupe et que nous collaborons, mais jusqu'ici les deux entités sont restées relativement indépendantes. Par ailleurs, dans le contexte actuel, nous n'avons pas augmenté de 50% la taille de nos équipes européennes, comme c'était initialement prévu (Getaround a également licencié 150 salariés en janvier, ndlr).

Prévoyez-vous d'étendre l'empreinte de Getaround en Europe au-delà des six marchés historiques de Drivy (France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Belgique et Autriche) ?

Nous restons concentrés sur ces pays. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour tous les amener au même niveau que la France. Lorsque Drivy était très axé sur le voyage longue distance avec des locations entre particuliers, nous avions besoin de réaliser un peu d'activité dans beaucoup de pays. Depuis que nous sommes passés à un modèle plus urbain, avec des locations et des trajets plus courts via des flottes professionnelles, cela a changé. Une ville comme Londres est déjà un océan dans lequel il y a beaucoup à faire. 

Getaround n'est pas rentable et son actionnaire principal Softbank est en grandes difficultés financières. L'entreprise est-elle à vendre, comment l'affirmait Bloomberg en mars ?

Je ne peux pas commenter de sujets au niveau du groupe. Mais ce n'est pas parce qu'un investisseur est en difficultés que l'entreprise dans laquelle il investit l'est aussi. 

Certes, mais la crise actuelle a fait un trou dans votre bilan et il faudra bien trouver une manière de vous financer...

Cela passera par devenir rentable rapidement, en début d'année prochaine pour l'Europe, et par des levées de fonds. Il n'y a pas que Softbank sur le marché du financement.