L'IGN combine IA et open data pour cartographier les fermes solaires

L'IGN combine IA et open data pour cartographier les fermes solaires Cette nouvelle solution permettra d'encourager les collectivités, à la fois à développer les énergies renouvelables, mais aussi à répondre aux débats sur l'artificialisation des sols.

Avec l'obligation du zéro artificialisation nette (ZAN) prévue par la loi Climat et résilience, toutes les collectivités doivent déclarer leurs zones géographiques utilisées pour la production d'énergie solaire. Un recensement nécessaire pour se conformer à la loi et pour obtenir des subventions, qui pourrait être perçu comme fastidieux… et auquel l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) s'attèle à répondre de manière automatique. Ce dernier vient de lancer un projet national d'identification des panneaux solaires au sol. L'objectif est de réunir au sein d'un jumeau numérique, c'est-à-dire une maquette numérique accessible en ligne, toutes les informations sur les fermes solaires : leur localisation, leur espacement, leur hauteur, etc. Le projet permet par exemple de dessiner les caractéristiques du parc photovoltaïque de Cestas en Gironde, l'une des plus grandes fermes solaires inaugurée en décembre 2015 et composée de 938 500 panneaux sur 260 hectares répartis entre des parcelles agricoles.

Pour réaliser ce jumeau numérique, l'IGN ne travaille pas seul. "Il nous faut collaborer avec un large écosystème, le temps où le cartographe travaillait seul est révolu", a affirmé Sébastien Soriano, son directeur, lors de la présentation le 4 octobre dernier de la deuxième édition de l'Atlas des cartes de l'Anthropocène, dédié à l'occupation des sols. L'Institut a ainsi créé la Data Alliance, destinée à encourager les partenariats publics-privés. Ce projet d'identification des fermes solaires en est le premier résultat concret, réalisé avec l'entreprise française NamR. La deep-tech créée en 2017 est spécialisée en data intelligence au service de la transition écologique. Elle développe des datasets enrichis et de l'imagerie à partir de l'open data, permettant de caractériser quantitativement et qualitativement tous les bâtiments. Son savoir-faire s'est révélé précieux pour cartographier rapidement les panneaux solaires au sol. "La nouveauté pour le topographe est de devoir travailler vite pour accompagner la transition énergétique. Cela ne peut se faire qu'avec l'aide d'entreprises innovantes", reconnaît Sébastien Soriano.

10 000 photos pour entraîner l'algorithme

NamR a transmis ses premières images à l'IGN, avant que le projet ne soit opérationnel fin novembre. © NamR

Pour identifier les panneaux solaires au sol, NamR a commencé par développer un algorithme dédié, fruit de deux mois de travail. "Nous avons ensuite pris plus de 10 000 photos de panneaux photovoltaïques et nous avons entraîné l'algorithme à les reconnaître. Ce qui lui permet de dessiner les contours de fermes solaires sur de l'imagerie satellites", précise Chloé Clair, sa directrice générale. Cette phase de qualification a demandé deux mois de travail aux équipes de NamR. La prochaine étape sera de faire labelliser le résultat, le projet devrait alors être opérationnel fin novembre. "Les premières images se sont révélées très satisfaisantes", se réjouit Véronique Pereirare, responsable du service des projets et prestations à l'IGN, qui songe déjà à la suite du projet : "Nous comptons utiliser le lidar pour obtenir une cartographie en 3D", précise-t-elle.

Ce projet d'identification des panneaux solaires sera alors intégré au portail des énergies renouvelables que porte l'IGN depuis mai 2023. Et l'Institut français ne compte pas s'arrêter là : ses équipes préparent en parallèle pour 2024 avec le Cerema et l'Inria un jumeau numérique de la France qui servira de base à différentes simulations. L'IGN pourra par exemple modéliser l'évolution de l'érosion des littoraux, le niveau d'eau des rivières ou la croissance des forêts. "L'objectif de ce jumeau numérique est de se rendre compte de l'impact de différents scénarios, par exemple que se passe-t-il si on implante une éolienne à tel emplacement. Le numérique, ce n'est pas que de l'informatique, c'est aussi la manière de rendre intelligente la donnée par une bonne visualisation", indique Sébastien Soriano. 

Ces projets illustrent la volonté de l'IGN de se transformer pour produire plus de données aidant à prendre de bonnes décisions dans le cadre des politiques publiques. "Nous investissons beaucoup sur l'intelligence artificielle depuis 2019 et nous menons des plans de recrutement data pour être en capacité de cartographier les impacts de l'Homme sur le territoire, de suivre l'évolution du contexte climatique et de mieux s'y préparer", confie Véronique Pereirare. Par exemple, l'IA s'est révélée indispensable pour concevoir l'outil de l'IGN destiné à détecter et suivre l'artificialisation des sols, en traitant automatiquement 16 billions de pixels d'orthophotographies du territoire. "L'IA nous permettra de couvrir l'ensemble du territoire d'ici à début 2025 avec un rythme de quatre départements par mois", précise Boris Wattrelos, chef de projet à l'IGN, dans l'Atlas 2023. Si cela est invisible à l'œil nu, le deep learning et le machine learning sont désormais intégrés au cœur des cartes géographiques.