Jeff Bezos a caché un trésor gigantesque à 42 millions dans une montagne
Qui dit milliardaire dit extravagance. Elon Musk veut coloniser Mars, Bill Gates s'attaque aux épidémies et Larry Page rêve d'immortalité technologique. Mais certains projets défient toute logique, flirtant avec la frontière du caprice. Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon et de Blue Origin, n'a pas dérogé à la règle. S'il a marqué l'histoire de la conquête spatiale privée, il finance aussi, dans la plus grande discrétion, un monument à la fois fascinant et déroutant.
En plein cœur du Texas, une montagne a été éventrée sur plus de 150 mètres de profondeur pour y installer une horloge. Mais pas n'importe quelle horloge : un mécanisme pensé pour fonctionner sans interruption pendant… dix mille ans. L'idée, née dans l'esprit de l'informaticien Danny Hillis dès 1989, consistait à créer une horloge qui ferait tic-tac une fois par an, dont l'aiguille des siècles bougerait tous les cent ans, et dont le coucou ne sortirait qu'à chaque changement de millénaire.
Portée par la Long Now Foundation, l'initiative prend véritablement corps lorsque Jeff Bezos décide de financer l'aventure à hauteur de 42 millions de dollars. Il faut dire que les défis techniques sont gigantesques : installer une colonne mécanique de 60 mètres de haut dans un puits vertical de 152 mètres, assembler des matériaux quasiment indestructibles (titane, acier inox, céramique, quartz, saphir synthétique), concevoir des rouages qui fonctionneront sans huile et inventer un pendule qui ne bat que toutes les dix secondes, synchronisé au soleil par un rayon qui vient recaler le temps chaque midi.

L'accès au site, situé sur un ranch de Jeff Bezos, est particulièrement difficile : l'altitude de plus de 1400 mètres, prends plusieurs heures de voiture sur des pistes, et nécessite une longue marche à pied. Passés deux sas anti-poussière, les rares personnes autorisées à pénétrer sur le site plongent dans une grotte naturelle puis dans un escalier taillé dans le calcaire. Pour marquer le temps qui passe, l'horloge comprend cinq pièces spéciales appelées "chambres anniversaires" : elles sont prévues pour être ouvertes après 1 an, 10 ans, 100 ans, 1 000 ans et 10 000 ans de fonctionnement.
Pourquoi un tel projet ? Officiellement, il s'agit d'un symbole. L'horloge se veut une invitation à penser en siècles, à cultiver une "responsabilité civilisationnelle" capable de résister à la tentation du court terme. Les fondateurs du projet parlent aussi d'un défi d'ingénierie : prouver qu'il est possible de fabriquer aujourd'hui un objet aussi robuste que les reliques de l'âge du bronze, réparable à la main, et qui survivrait à la disparition de nos sociétés technologiques.
Aujourd'hui encore, l'horloge du Long Now n'est pas achevée. Le projet demeure un trésor enfoui, aussi insaisissable que son message. Il faudra peut-être attendre l'an 3000 pour en comprendre toute la portée… ou pour voir, enfin, sortir le coucou.