Trois salariées font la même faute grave mais l'employeur n'en licencie que deux : c'est légal d'après la Cour de cassation

Trois salariées font la même faute grave mais l'employeur n'en licencie que deux : c'est légal d'après la Cour de cassation Une salariée qui a commis la même faute que deux de ses collègues a échappé au licenciement pour faute grave. Il s'agit d'un pouvoir de l'employeur en matière de sanction.

Une seule faute grave mais deux sanctions disciplinaires. Voici en quelques mots ce qu'il s'est passé au sein de l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Drôme. On rembobine : une salariée est licenciée pour faute grave le 20 avril 2020 avec une autre collègue. Leur employeur leur reproche d'avoir caché à leur supérieur des faits pouvant mettre des enfants en danger pendant plus d'un an. Une troisième collègue, coupable des mêmes actions, échappe au licenciement. Est-ce une discrimination ?

"Les trois salariées avaient connaissance de premiers faits préoccupants dès décembre 2018, qu'elles n'ont pas signalés. L'une d'elles a cessé de suivre cette famille en septembre 2019 et n'a donc eu connaissance que de ce premier épisode. Les deux autres, restées en charge du suivi, ont eu connaissance de nouveaux éléments alarmants en janvier et février 2020, sans davantage alerter leur hiérarchie. Ce n'est que le 12 mars 2020, lors d'une réunion d'équipe, qu'elles ont finalement révélé l'ensemble de ces informations", raconte Xavier Berjot, avocat en droit du travail.

La salarié qui a cessé de suivre la famille en septembre 2019 ne reçoit qu'un avertissement alors que ses deux collègues sont licenciées. L'une d'entre elle conteste son licenciement devant les prud'hommes puis devant la cour d'appel de Grenoble. Sans succès. Les deux juridictions estiment que son licenciement est fondé. Elle forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation pour contester notamment la différence de sanction avec sa collègue simplement avertie.

Mais dans un arrêt du 17 septembre 2025, la Haute juridiction confirme le licenciement et donc la possibilité pour un employeur de sanctionner différemment des salariés coupables d'une même faute. "Les juges admettent classiquement plusieurs critères : l'ancienneté et le passé disciplinaire du salarié, le niveau de responsabilité et de qualification, le degré de participation à la faute, les circonstances particulières propres à chaque salarié, ou encore la connaissance qu'avait chaque salarié de l'interdiction méconnue. En l'espèce, c'est précisément la durée d'implication dans le suivi de la famille et la connaissance d'éléments alarmants successifs qui ont justifié la différenciation", décrypte Xavier Berjot.

Concrètement, les deux salariées licenciées ont commis des manquements pendant une période bien plus longue que leur collègue qui a arrêté de suivre la famille bien avant. Cet élément objectif permet à l'employeur de légitimer la différence de sanction. "Il s'agit essentiellement d'une réaffirmation d'un principe bien établi. L'arrêt confirme que le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi", développe Xavier Berjot.

Si un salarié pense que la différence de sanction avec un collègue est une discrimination de l'employeur, il doit en fournir la preuve. "Le salarié doit d'abord présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Si ces éléments sont suffisamment précis et concordants, il appartient alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination", conclut Xavier Berjot. Ici, les juges ont estimé que l'employeur avait raison de différencier les sanctions, malgré l'apparence injuste de la situation.