Comment gouverner avec trois générations ?
A l’heure où beaucoup s’interrogent sur la capacité de renouvellement à la tête du pays, et sur la jeunesse de son nouveau président, l’art du management intergénérationnel peut apporter des clés pour gouverner.
A la tête du pays comme d'une entreprise, l'enjeu clé est le suivant : réunir autour d’une même table
des bonnes volontés aux profils et aux compétences complémentaires, mais encore
et surtout de les faire travailler ensemble de manière efficace.
Dans la course au pouvoir, les ambitions ne manquent pas mais la capacité à attirer de nouveaux talents, capables de transformer la société, est devenue un enjeu crucial. C’est peut-être la capacité de management intergénérationnel dans la diversité qui manque.
La 7ème enquête de l’Observatoire duManagement InterGénérationnel montre
que cet enjeu est aussi celui des entreprises. "L’intergénérationnel est un
sujet de tension croissant pour les jeunes comme pour la
hiérarchie, qui rend l’attraction des talents de plus en plus difficile
dans 84% des entreprises", en France.
Chaque année, 300 000 à 400 000 recrutements sont abandonnés par les
recruteurs faute de trouver le profil ou le talent recherché. Ceci
paraît paradoxal dans un contexte de chômage élevé mais les raisons sont
connues. Elles sont liées au décalage croissant entre la transformation très
rapide du contexte et la transformation plus lente du fonctionnement pays.
Un diagnostic partagé de cette situation, et surtout des constats, par tous les acteurs publics et privés, syndicalistes, enseignants et chefs d’entreprise constitue un préalable à toute politique. Sans véritable accord sur la situation présente et sur ce qui doit changer, il ne pourra y avoir de transformation efficace.
Alors que plus de 60 % des entreprises "ont du mal à trouver des candidats motivés pour devenir manager", indique l’observatoire, l’âge est confirmé comme premier facteur de discrimination. Parmi les candidats à l’élection présidentielle aussi, le plus âgé était critiqué pour son âge, de même que le plus jeune. Trop vieux ou manquant d’expérience, on trouve toujours un motif de disqualification au candidat dont on ne veut pas.
Dans
le monde nouveau, ce n’est pas l’âge qui compte
Une personne très jeune peut avoir beaucoup plus d’expérience qu’un
ancien dans un domaine donné, et un
senior peut être bien plus jeune d’esprit qu’une nouvelle recrue. La compétence
qui compte c’est la capacité à combiner différentes expériences et des talents de toutes les générations.
Dans un pays et dans des entreprises où le collectif manque cruellement, l’aptitude à manager la diversité, générationnelle en particulier, devient une qualité essentielle. Il s’agit de la reconnaître comme telle, de savoir l’apprécier et de la développer pour réussir à mettre en œuvre le projet. Le Canada peut nous montrer la voie à cet égard.
Dans l’entreprise comme à la tête du pays, les chocs de génération mal gérés, pénalisent la performance
Bien que les dirigeants français (43 %) aient “changé d’attitude vis à vis des jeunes dans leur entreprise”, “la jeune génération s’impatiente sérieusement” (87%). Les responsables soulignent que la différence de rapport au temps pénalise la performance de leurs équipes multi générationnelles dans six cas sur dix. Trouver le bon rythme, l’accord sur les priorités et bien estimer le temps nécessaire pour les mettre en oeuvre, permettra d’éviter beaucoup de désillusions.
Si dans la majorité des entreprises, les malentendus et les incompréhensions entre générations ne semblent pas progresser, les relations hiérarchiques se tendent dans 43% d’entre elles. Le nouveau rapport à l’autorité est à prendre en compte pour innover dans la manière d’exercer le pouvoir. Le rôle du dirigeant a changé, de nouvelles pratiques et postures sont attendues. Les responsables, même les plus intelligents, doivent apprendre à tirer parti du renouvellement des générations.
Le programme Octave, formation inter-entreprise concue et animée par Anne Thévenet-Abitbol de Danone est un bel exemple de ce qui peut être fait pour y parvenir. Attitudes vis à vis de la hiérarchie, du temps, de l’espace, de la langue et du risque, les leviers de l’interculturel sont connus pour faire évoluer la culture ¡
Les organisations syndicales aussi sont concernées. Selon l’étude, elles sont
fortement affectées (77%) par la question des générations. Et selon 82 % des organisations,
“la question des générations est loin d’être dépassée”.
Aujourd’hui 2/3 des entreprises déclarent
“donner la parole aux jeunes sur les questions de vision, de stratégie et
d’organisation” et une sur vingt a créé un comité de direction de jeunes. A quand un “Conseil des Ministres
des Jeunes” Monsieur Macron ?
Si l’on en croit les résultats de l’étude, ses bénéfices seraient la
créativité pour l’innovation, la modernisation des méthodes de travail, la
satisfaction de toutes les générations et le développement de l’activité par de
nouveaux moyens en menant des projets plus rapidement.
Comme le résume bien Jean-François Pouvreau, co-fondateur de l’observatoire, “le management intergénérationnel, parce qu’il abandonne au passé les a priori liés à l’âge, peut favoriser l’émergence d’un monde nouveau, dans l’entreprise comme dans la société toute entière”.