Pour le dirigeant, tenir la barre dans les vagues d'incertitudes

Se projeter, écouter, communiquer, 3 priorités dans un horizon de temps rétréci.

"Gouverner c’est prévoir" disait Thiers. Et longtemps, on a attendu des dirigeants d’entreprise qu’ils "gouvernent" ainsi. Analyse de risques, scénario du pire "worst case", du meilleur, ("best case"), median ("medium case"). Combien de temps passé à en affiner les probabilités d’occurrence, à en quantifier l’impact ? La crise a montré que cela ne suffisait pas. "Un cygne noir" venu de Chine a tout balayé et les dirigeants sont plongés dans un océan de doutes mais aussi d’espoirs. Ils sont désormais face à des vagues d’incertitudes.

Incertitude personnelle et celles de leurs proches : épée de Damoclès invisible, le virus est là, autour de nous.

Incertitude économique qui balaye des secteurs entiers, met à bas les business plans, assèche les trésoreries.

Incertitude sociétale : enchainements successifs de confinement, déconfinement, confinement allégé, application de normes sanitaires fluctuantes.

Incertitude sociale : fin novembre, une enquête de l’IFOP pour Synopia* montre que "la moitié des salariés français sont incapables de se projeter sur un plan professionnel".

Muriel Jasor dans son article "Comment surmonter l'incertitude par temps de Covid"  (Les Echos, 25 novembre 2020*) nous invite, nous dirigeants, à "déplacer le regard" pour construire un avenir sans le subir : tracer une nouvelle route, être proche de ses clients et de ses équipes, ne pas hésiter à revoir les modes de fonctionnement de nos organisations en donnant plus d’autonomie, décloisonner, simplifier.

Comment y parvenir lorsque l’horizon de temps a été rétréci ?

Les quarters (Trimestres) ou les semestres qui ont longtemps rythmé les vies de l’entreprise sont désormais des cycles préhistoriques. Le mois est devenu la norme et le dirigeant y est contraint. Sans plan de marche d’ensemble, cela s’apparente à une course de haies sans fin.

  • La première des priorités est de se projeter . "Donner du temps au temps", forcer dans son agenda des espaces de réflexions sur la trajectoire future. Penser à l'après crise même si le quotidien est fait d'urgences. Le télétravail fait économiser des temps de trajet que l’on peut réaffecter à la réflexion stratégique, la revue des plans produits, la remise à plat des modes de fonctionnement. Pour in fine, redonner du sens à sa propre action et à celle de l’entreprise.
  • La deuxième priorité, c’est écouter. La crise est l’opportunité de revoir les modes de fonctionnement sur la base des informations et des recommandations de ceux qui savent, de ceux qui font : salariés de terrain, management intermédiaire, techniciens, opérateurs. Non seulement cela permettra de mettre en place rapidement des idées pragmatiques donc avec un retour sur investissement rapide mais aussi des idées dont l’acceptation se fera facilement. On y entendra surement et distinctement ce que l’on n’ose pas entendre parfois : délégation à des petites équipes, passer outre les silos. Le dirigeant a une opportunité historique. Donner la parole aux salariés pour rebondir plus vite, plus fort.
  • La troisième priorité, c’est communiquer. Communiquer sur ce que l’on sait, sur l’état du marché, de nos clients, de nos compétiteurs, sur ce qu’on ne sait pas (durée de la crise), expliquer ce que l’on fait (chômage partiel, accord de performance collective). Ne pas hésiter à détailler le pourquoi (les raisons qui ont amené à telle ou telle décision) et le pour quoi  (quels sont les objectifs poursuivis). Les salariés ont besoin de perspectives, de se projeter. C’est aussi vrai des autres parties prenantes, dont les actionnaires. Communiquer pour rassurer, et donc donner du sens.

Pour le dirigeant, cette crise est une opportunité de se transformer et transformer son entreprise. 

Il doit s’approprier ce mouvement, l’initier, le guider, donner espoir avec vigueur et authenticité.  C’est ainsi qu’il fera face aux vagues d’incertitude qui menacent de l’engloutir. Une fois la tempête passée, le dirigeant, les salariés et les actionnaires en sortiront plus forts et plus solidaires. En donnant du sens, en communiquant et en transformant son entreprise, le dirigeant développera la confiance de ses parties prenantes, gage de succès à long terme.

* Cohésion et rapport au travail à l’heure du COVID – Sondage Ifop pour Synopia – Synopia

* Comment surmonter l'incertitude par temps de Covid | Les Echos