Qui doit changer dans le changement ?

Pourquoi tant de changements ratent-ils ? Parce que le seul qui doit changer est le leader du changement.

Et si nous connaissions un moment tocquevillien ? se demande le Chinois. L’Ancien régime et la Révolution est un best seller en ChineDevrions-nous le relire ?

Moment tocquevillien

Tocqueville raconte que Louis XVI voulait le bonheur de son peuple. Mais, quelque chose d’étrange survient. Le peuple n’avait pas conscience d’être malheureux. Cependant, plus on veut le libérer de ses chaînes, plus il en prend conscience.
Plus il est mécontent. Étrangement, selon Tocqueville, le roi ne voit pas le danger. Jusqu’au bout, il est convaincu que seuls les nobles peuvent le menacer.

68 a été la même histoire. Plein emploi, allongement des études, généralisation de l’éducation supérieure, droits des femmes… Plus on lui en donne, plus le malaise du peuple croit. Il en vient à penser que l’école est un bagne, l’étudiant un prolo… Révolution.  

Seul le leader du changement doit changer

Que signifie « moment tocquevillien » ? Prédiction auto-réalisatrice. Prisonnier d’une vision fausse de la réalité, celui qui veut le changement prend des décisions désastreuses. Et les conséquences de ses actes l’encouragent à s’enferrer.
Voilà qui contredit une idée reçue. Nous croyons que le leader du changement est celui qui sait. Et que nous-autres, qui devons mettre en œuvre ses idées, sommes incapables de comprendre la marche du progrès. Résistance au changement. Erreur : Notre pays s’est transformé vite et bien. Nouvelle monnaie, armée de métier, impôts déclarés sur Internet, service public privatisé, fin de l’emploi à vie, Champs Elysées devenus shopping mall… Aucun bruit, aucune résistance. L’homme est conçu pour suivre des règles. Elles organisent son comportement collectif. Si vous changez ces règles, son comportement change sans qu’il s’en aperçoive.
Autrement dit, dans un changement, il n’y en a qu’un qui doit changer.
C’est celui qui veut faire changer les autres ! Eux n’ont rien à faire.

Imitons Ulysse plutôt que Louis XVI

Pourquoi ne se rend-on pas compte que le changement est fatal à celui qui le déclenche ? Parce que son échec est attribué à son incompétence. Et que ses mésaventures servent de leçon à son successeur.
Louis XVI aurait-il pu sauver sa tête ? Peut-être. S’il avait suivi l’exemple d’Ulysse chez les sirènes. S’il avait été conscient que le changement brouille l’esprit. Et que notre vision du monde est conditionnée par notre environnement.

Alors, il se serait donné les moyens de décoder la réalité et de corriger le tir, le cas échéant. Trois techniques pour Ulysse moderne :

  1. Le contrôle du changement. Suivre de près ce qui se passe et prévoir des capacités de réaction pour le cas où. Méthode sonde interplanétaire.
  2. Le paradoxe. Etre à l’affut de ce qui paraît bizarre. C’est le signe que l’environnement n’obéit pas à la logique que vous lui prêtez. Danger de prédiction auto-réalisatrice.
  3. Soyez un donneur d’aide. Les crises ne sont pas des signaux de refus du changement. Elles disent que le changement rencontre un os. Il a besoin d’un coup de main. Intervenez pour comprendre ce qui arrive et l’aider à réussir. 

Bien sûr, ça ne marche pas à tous les coups. Mais, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, dirait M.Xi Jinping.

A lire :
  • Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, Flammarion, 1985.
  • Damane Dominique, Gobille Boris, Matonti Frédérique, Pudal Bernard, Mai, Juin 68, Les Editions de l'Atelier, 2008.