Quel avenir pour l'Allocation des Travailleurs Indépendants (ATI) ?

L'assurance-chômage pour les indépendants était une des grandes promesses de campagne d'Emmanuel Macron. En 2019, une loi a affectivement introduit une Allocation des Travailleurs Indépendants. Mais un peu plus de deux ans après son introduction, force est de constater qu'elle est un échec.

L’assurance-chômage pour tous les actifs était une des grandes promesses de campagne d’Emmanuel Macron en 2017. L’Allocation des Travailleurs Indépendants, votée en 2018, était censée répondre à cet engagement. Mais cette nouvelle aide peine à convaincre. En 2022, les travailleurs indépendants doivent compter sur eux-mêmes pour rebondir en cas de difficulté.

Pourquoi l’ATI n’a pas rempli ses promesses

Artisans, commerçants, entrepreneurs, indépendants : autant d’actifs qui n’avaient auparavant accès à aucune protection en cas de cessation d’activité. C’est pour répondre à cette inégalité que l’ATI, ou Allocation des Travailleurs Indépendants, a été mise en place en 2018 via la loi n° 2018-771 pour la liberté de choisir son avenir professionnel).

Mais on ne peut pas parler de réelle assurance chômage pour les indépendants, tant l’ATI est restrictive et limitée. Tout d’abord, elle permet de toucher un montant forfaitaire de maximum 800 € par mois, pendant 6 mois. On peut parler d’un coup de pouce, mais pas d’une véritable allocation-chômage, qui permettrait à un indépendant de se retourner en cas de coup dur. 

En comparaison, un salarié au chômage touche une somme proportionnelle à ses revenus passés, pendant 2 ans. De plus, on est bien loin de l’assurance-chômage universelle que M. Macron appelait de ses vœux en 2017. Les conditions pour prétendre à l’ATI sont tellement strictes que seulement 1173 personnes y ont eu accès au 3 décembre 2021. Parmi les conditions d’accès à l’ATI, on peut notamment citer l’obligation d’être passé par une liquidation ou un redressement judiciaire, alors que de nombreux indépendants cessent leur activité sans passer par là. 

Mais il faut également avoir exercé au moins 2 ans dans la même entreprise, disposer de ressources personnelles inférieures au RSA, avoir touché un revenu de minimum 10 000 € par an… Bref : l’ATI est un échec, et même le gouvernement a admis son erreur : “En 2019, lorsque l’ATI a été créée, les conditions d’accès à cette allocation étaient telles que, de fait, le dispositif n’a pas eu l’efficacité voulue", a déclaré le Ministre Alain Griset. C’est pourquoi le Plan Indépendant annoncé par Emmanuel Macron en septembre 2021 prévoit un assouplissement des conditions d’accès à l’ATI.

Plan Indépendants : quoi de neuf pour l’ATI en 2022 ?

Le projet de loi pour l’activité professionnelle indépendante, mesure phare du Plan Indépendants annoncé par le Président en septembre dernier, a été adopté par l’Assemblée nationale le 10 janvier 2022. Cette loi est une première réponse aux critiques formulées à l’égard de l’ATI, puisqu’elle allège les conditions d’accès à cette aide. Mais on est encore bien loin d’une réelle avancée. 

En effet, il ne sera plus nécessaire d’être passé par une liquidation ou un redressement judiciaire pour être indemnisé : il faudra présenter une déclaration de cessation d’activité, et prouver que celle-ci n’était pas “économiquement viable”. Pour évaluer la viabilité de l’entreprise, l’Etat va se baser sur une baisse du revenu fiscal de l’indépendant de 30% d’une année sur l’autre : là encore, de nombreux indépendants risquent de passer entre les mailles du filet. Parce que la baisse de leur activité ne se traduit pas encore sur leur revenu fiscal, parce qu’ils sont en couple… 

Mais ce n’est pas tout : la nouvelle loi limite encore un peu plus le montant de l’ATI pour certains indépendants ! Alors que le montant de l’ATI était le même pour tous ceux qui pouvaient y prétendre, il pourra désormais être inférieur à 800 € par mois, pour les indépendants qui ne percevaient pas un revenu suffisant pendant leur activité.

Quelles alternatives à l’ATI pour les indépendants ?

On l’aura compris : le projet d’une assurance chômage universelle est encore un doux rêve, et la récente réforme de l’ATI n’y change pas grand-chose. Artisans, commerçants, agriculteurs, chefs d’entreprise, professionnels libéraux, freelances : quel que soit leur statut juridique, ils ne toucheront pas un vrai chômage en cas de coup dur. Alors, quelles sont les solutions vers lesquelles peut se tourner un indépendant en quête de sécurité ?

Le portage salarial : au lieu de créer leur entreprise, certains travailleurs indépendants peuvent opter pour le portage salarial , qui permet de conserver ses droits au chômage. En pratique, l’indépendant est salarié par une entreprise de portage, qui sert d’intermédiaire entre lui et ses clients. L’indépendant cotise comme n’importe quel salarié, et en cas de problème, la rupture de son contrat lui permet de toucher le chômage. 

Les assurances privées : il existe des assurances chômage privées qui permettent de toucher une aide proportionnelle à ses revenus, pendant une durée plus longue que l’ATI. En contrepartie, l’indépendant verse une cotisation supplémentaire, qui peut être assez élevée.

On peut aussi envisager de préparer l’avenir en plaçant une partie de ses revenus, par exemple dans l’immobilier. Mais il faut être honnête : en 2022, seul le statut de salarié donne droit à une réelle indemnisation chômage. La récente réforme n’y change rien dans le fond, l’ATI reste une faible compensation, difficile à obtenir. On ne peut donc que conseiller aux indépendants de bien anticiper l’avenir.