L'effet boulons du code du travail : optimiser ou subir ?
Le code du travail français souffre du "biais du boulon" : à chaque problème ou scandale, on ajoute une règle ou un formulaire de plus, sans jamais retirer les mesures obsolètes.
En France, parler du code du travail, c’est comme ouvrir le capot d’une vieille automobile rafistolée : derrière chaque pièce utile se cache un boulon, puis un second venu « sécuriser » le précédent, puis une vis supplémentaire, juste au cas où. Voilà la version RH du « biais du boulon » (ne le cherchez pas sur internet je viens de l'inventer) : chaque nouvelle difficulté, chaque crise — économique, sociale, sanitaire — appelle sa rustine réglementaire. Le mythe ? Qu’additionner les couches, c’est garantir la sécurité et la justice pour tous. La réalité ? Plus personne ne sait vraiment comment marche le moteur.
La genèse du biais : quand la panne impose la règle
Dans l’imaginaire français, chaque injustice subie appelle à « ne plus jamais revivre ça ». D’où l’empilement : accident d’amiante ? Loi ; licenciement abusif ? Loi ; harcèlement ? Loi ; cas inédit ou conflit d’exception ? Encore un décret. Chacune justifiée à chaud, souvent saluée — puis jamais retirée, même lorsque l’effet collatéral en devient le frein n° 1 du système.
« Ajoutez un boulon à chaque incident, et, au bout de vingt ans, la machine nécessite un manuel de mille pages pour être comprise… par un seul expert, lui-même sans filet de sécurité. »
Conséquence : entre protection et paralysie
Il serait tentant d’y voir un compliment : la France protège les salariés comme personne. Mais ce zèle mène droit dans le mur de l’inflation réglementaire :
- Obligation d’entretiens obligatoires à toutes les sauces,
- Registres multiples (visites médicales, RPS, égalité professionnelle…),
- Formalismes de procédure qui transforment chaque licenciement, chaque CDD, chaque formation interne en parcours kafkaïen (le cauchemar du DRH rationnel).
Chaque boulon, pris isolément, est rationnel. Ensemble, ils forment un monstre qui effraie les petits employeurs, bride la réactivité, décourage l’innovation managériale. Résultat : on fait du « conforme » pour ne pas être hors-la-loi, au lieu de faire du « juste » au service des talents. Le vocabulaire RH devient pléthorique et parfois difficile à comprendre tellement il est complexe.
Irrationalité structurelle : quand la règle devient l’excuse
Le système français a fait du droit du travail un sport national où le mauvais joueur n’est pas le fraudeur, mais le trop honnête, paralysé par la peur de la faute de procédure. Trop facile d’interdire ; trop rare de simplifier. À chaque nouvelle loi, les margoulins adaptent leur combine… et les entreprises honnêtes, elles, se noient dans l’administratif. Encore plus absurde : ce sont justement les publics les plus fragiles (jeunes, précaires, TPE-PME) qui subissent le contrecoup du “boulonnage”.
Optimiser ou subir ?
L’entrepreneur lucide n’a que deux choix :
- Optimiser : s’entourer, automatiser, externaliser la gestion RH, refuser le “fait maison” sur tout ce qu’il ne peut pas maîtriser, et investir dans la veille réglementaire comme dans la cybersécurité.
- Subir : passer la moitié de son temps à s’assurer de la bonne virgule sur le contrat, tout en sachant que, quoi qu’il arrive, l’insécurité juridique demeure (un juge pourra toujours requalifier l’intention, ou punir le “formalisme imparfait”).
La France n’ira jamais dans le mur à cause du Code du travail en soi, mais à cause du réflexe boulon : la peur du vide, la méfiance du décideur, la tentation de “corriger” sans jamais oser enlever. Ce n’est pas tant l’excès de droit qui paralyse le progrès, mais l’incapacité chronique à trier ce qui protège vraiment de ce qui rassure symboliquement.
La leçon ? "Un moteur, plus vous y ajoutez de boulons inutiles, moins il avance — et quand il cale, ce ne sont pas ceux qui ont serré les boulons qu’on retrouve à pousser, mais ceux qui ne demandaient qu’à rouler. " Osons réellement simplifier. Le bon sens ne passe jamais de mode — sauf chez ceux qui croient que ce sont les boulons qui font marcher la voiture, et non le moteur.