Peut-on vraiment décarboner sans financement ?
Objectifs " net zéro " à horizon 2050, neutralité carbone de l'ensemble de la chaîne de valeur, électrification des processus, décarbonation de l'approvisionnement : les entreprises rivalisent d'ambition climatique.
À première vue, la transition est en marche, les entreprises rivalisent d'ambition climatique. Pourtant, l'absence de financements concrets rend ces engagements inopérants. Et pendant ce temps, les émissions, elles, continuent.
Dans le contexte réglementaire de la CSRD ou de la VSME, l’Europe demande désormais aux entreprises de prouver qu’elles peuvent traduire leurs engagements en actions tangibles, et ces actions en résultats mesurables. Cela suppose des moyens humains, techniques et surtout financiers.
Les rapports de durabilité extra-financiers imposent de montrer les moyens. Par exemple, les ESRS E1 et les Disclosures B3 et C3 de la VSME, consacrés au changement climatique, exigent que les entreprises publient :
- Un plan de transition crédible, aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris
- Les politiques et actions concrètes mises en place
- Et surtout, la manière dont ces actions sont dotées en ressources financières et organisationnelles
Sans budget, la stratégie climat reste un vœu pieux
Les entreprises doivent donc démontrer les investissements mis au service de leur transition. Le pilotage financier de la décarbonation permet de modéliser précisément l’impact économique des actions, en intégrant les coûts d’investissement (CapEx), les coûts opérationnels (OpEx) et les durées d’amortissement des leviers de réduction des émissions.
La transition écologique est coûteuse. Rénover des bâtiments, verdir des flottes logistiques, intégrer des critères ESG dans les achats, transformer une chaîne de production... Tout cela implique des arbitrages budgétaires forts, souvent sur plusieurs exercices.
Malheureusement, de nombreuses entreprises tombent dans le piège du « greenwashing stratégique » : elles fixent des objectifs climatiques ambitieux, mais sans y allouer de budget dédié. Ces engagements finissent alors dans un rapport, jamais mis en œuvre. Les directions financières et les comités d’investissement ont aujourd’hui un rôle pivot à jouer. Il est temps de penser la transition comme un actif stratégique, et non comme un coût.
Financer pour transformer, pas seulement pour compenser
Le financement de la transition et de la décarbonation reste un levier de performance :
- Réduire ses expositions aux risques physiques ou de transition (hausse des prix de l’énergie, régulations carbone, pénurie de matières, etc.) ;
- Gagner en compétitivité en anticipant la demande des clients, des investisseurs, des talents ;
- Accéder à des financements durables (obligations vertes, prêts à impact, subventions publiques...) ;
- Et valoriser ses actifs immatériels (marque, réputation, relation avec les parties prenantes).
Ce n’est donc pas un coût : c’est une transformation économique. Et cette transformation est mesurable. Les indicateurs de performance extra-financière deviennent partie intégrante du pilotage stratégique des entreprises. Le pilotage financier de la décarbonation peut devenir un levier d'alignement stratégique et d’innovation.
Un plan climat sans financement restera un mirage stratégique. Les émissions, elles, continueront. Si l’on veut aligner les trajectoires économiques avec les limites planétaires, il ne suffit plus de planifier : il faut budgéter, piloter, et démontrer. En intégrant étroitement les dimensions carbone et financière, les entreprises renforcent leur compétitivité et leur résilience dans un contexte économique et réglementaire en pleine mutation.