Le rapport Sénard Notat : un hymne à la marque employeur

La loi Pacte actuellement en cours d'élaboration compte se pencher sur le rôle social de l'entreprise. Une véritable aubaine pour la marque employeur qui devrait se placer au centre de l'économie.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Nicole Belloubet, ministre de la Justice, ont reçu le 9 mars le rapport sur les résultats de la mission "Entreprise et intérêt général", lancée le 5 janvier dernier. Celui-ci a pour objectif d'aider à l'écriture de la loi Pacte.

Le rapport, piloté par Jean-Dominique Senard, Président du groupe Michelin, et Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT et Présidente de Vigeo-Eiris, souligne une dimension majeure souvent revendiquée mais rarement conceptualisée au sein du projet humain de l’entreprise : la raison d’être de l’entreprise.

Ainsi, d'après le rapport, l'entreprise "a une raison d’être et contribue à un intérêt collectif. Il convient pour cela que chaque entreprise prenne conscience de sa  raison d’être (...) Chaque entreprise a une raison d’être non réductible au profit. C’est d’ailleurs souvent lorsqu’elle la perd que les soucis financiers surviennent. De même que la lettre schématise l’esprit, le chiffre comptable n’est qu’un révélateur d’une vitalité de l’entreprise qui se joue ailleurs. La raison d’être se définit comme ce qui est indispensable pour remplir l’objet social, c’est-à-dire le champ des activités de l’entreprise".

L’entreprise est valorisée non seulement sur la base de ses actifs financiers mais aussi, par sa valeur ajoutée sociétale et humaine. Cette dimension fut abordée dès les années 70 par des leaders référents comme Antoine Riboud avec son double projet économique et social et aura mis près de 50 ans pour devenir une référence.

Les chefs d’entreprise de groupes cotés vont devoir changer de paradigme et le sens même du mot patron va investir non plus, la seule notion financière, mais aussi et avant tout, celle de la morale et de la responsabilisation sociale : un sacré rééquilibrage entre cerveau gauche et droit en perspective.

Ce rapport, avec la volonté affichée de ne pas l’enterrer mais d’en inscrire l’esprit et la lettre dans le Code Civil est une révolution inédite pour l’entreprise.

Au moment où la mode est aux GAFA aseptisés, on va redécouvrir l’exclusivité de vie en entreprise. Est-ce le début de la responsabilisation humaine des comités de directions et des actionnaires ? L’avenir le dira.

Hasard du calendrier, cette année fête les vingt ans du concept de marque employeur que j’ai créé et déposé en septembre 1998 ; cette coïncidence n’en est pas une mais le miroir d’un combat ininterrompu pour faire de l’identité d’entreprise sa carte d’identité morale et sociétale !

Le rapport Sénard Notat est en effet un hymne à la marque employeur au sens où il privilégie le fond identitaire de l’entreprise. La marque employeur ayant pour objectif de valoriser et de rendre lisible la raison d’être de l’entreprise.

Comme il le souligne, de très nombreuses entreprises sont dans cette logique responsable : c’est le moment de benchmarker les PME, les entreprises familiales y compris de grands groupes familiaux champions du monde de leur secteur. Ces entreprises savent depuis longtemps que les valeurs affichées n’ont de sens que dans leur vécu, que le temps long a plus d’importance que le temps court, que l’incarnation de fondamentaux culturels par le management est plus importante que les rapports sur la RSE sur papier glacé.

Ces entreprises nationales ou multinationales habitent leur identité et c’est pour cela qu’elles sont uniques et ne ressemblent à aucune autre. Ce qui est, là aussi, le sens même de la marque employeur : valoriser l’exclusivité culturelle de l’entreprise en soulignant son projet humain et sociétal.

Citons quelques exemples : Michelin (il n’y a pas de hasard), Bouygues, Danone (même si la nouvelle gouvernance doit veiller à ne pas confondre la lettre et l’esprit de la lettre) ou encore dans les PME/ETI/Coopératives les Schmidt Groupe, GIFI, SAMSE, La Coopérative Welcoop ou encore dans les médias, le groupe Figaro…

"L’investissement social et responsable gagne du terrain" souligne Nicole Notat. c’est une évidence ! Face à un marché de l’emploi qui est en pénurie chez les cadres (3,5% de chômage, 2,5% en Ile de France), cette dynamique impulsée par le  rapport Sénard/Notat va contribuer à élever la Marque Employeur en actif à part entière de l’entreprise au cœur des enjeux d’attractivité, de fidélisation et de réputation.

Si les articles 1833 et 1835 du Code civil évoluent comme le souhaitent les auteurs du rapport, ce que certains jugent en soi très audacieux, l'article 1833, préciserait que "la société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité"et recommandent d'amender le Code du commerce afin de confier aux conseils d'administration et de surveillance l'élaboration d'une "raison d'être" tenant compte de ces préoccupations. Derrière, il s'agit de permettre la création d'"entreprises à mission", en ajoutant à l'article 1835 du Code civil que : "L'objet social peut préciser la raison d'être de l'entreprise constituée".

Charge aux Chefs d’entreprise, aux Comités de Direction et aux DRH en particulier de prendre la mesure de l’opportunité et d’en assumer les conséquences en termes d’investissements et d’engagements. Pour ses 20 ans la Marque Employeur ne pouvait rêver plus belle ambition.