Réforme de la formation : on s’était dit rendez-vous dans un an

Emmanuel Macron avait promis de réformer la formation professionnelle. C'est chose faite dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel publiée au Journal officiel le 6 septembre. Mais les ambitions exprimées dans le cadre du programme présidentiel pour un système "plus simple, plus juste et transparent" sont–elles pour autant au rendez–vous ?

Faciliter l’accès à la formation, notamment des moins qualifiés, figurait parmi les attendus de la réforme. La refonte profonde du compte personnel de formation (CPF), entré en vigueur en 2015, répond incontestablement à cet objectif, avec la possibilité d’activer demain, sans intermédiaire, ses droits à formation au titre du CPF. 

Pour ce faire, une application mobile CPF devrait permettre à chaque actif, à partir de l’automne 2019, d’accéder directement au montant des droits inscrits sur son compte et des abondements dont il peut bénéficier, ainsi qu’aux formations éligibles, et de s’inscrire directement en ligne. Parmi les changements, la valorisation en euros (et non plus en heures) du CPF en constitue en effet un, de taille, visant à corriger les inégalités actuelles : dès 2019, le compte sera crédité chaque année de 800€ pour les moins qualifiés, avec un plafond de 8 000€, contre 500€ pour les actifs déjà qualifiés, avec un plafond de 5 000€. Les salariés à temps partiel, qui sont majoritairement des femmes, bénéficieront des mêmes droits que les salariés à temps plein.

Instituer le CPF comme seul réceptacle des droits individuels, pour simplifier le système, figurait également parmi la feuille de route de la ministre du Travail. C’est chose faite avec la suppression du congé individuel de formation (CIF), institué en 1971, au seul profit du CPF de transition.

Un nouveau dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance (Pro-A) des salariés est pour autant créé par la loi. Introduit lors du débat parlementaire sur le projet de loi à l’été, ce dispositif permettra aux salariés, tout en conservant leur contrat de travail et leur rémunération, d’accéder à une formation qualifiante en alternance. Ce dispositif est délibérément ciblé vers les salariés les moins qualifiés : seuls seront éligibles les diplômes et titres de niveau V, IV et III, c’est-à-dire du niveau CAP à Bac+2.

Au-delà de la formation, la priorité devait être mise sur l’accompagnement et l’orientation. La précédente réforme avait institué le conseil en évolution professionnelle (CEP). Avec la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel", le CEP bénéficiera de financements dédiés et l’accompagnement dans le cadre de ce dispositif s’en trouvera donc renforcé. Cette prestation, dispensée à titre gratuit pour les bénéficiaires, permettra de construire et formaliser avec le salarié ou le demandeur d’emploi son projet d’évolution ou de transition professionnelle.

Libérer la formation tout en renforçant la régulation du système

La "libéralisation" du marché s’accompagne d’un renforcement du contrôle de la qualité de l’offre de formation. La loi précise qu’à compter du 1er janvier 2021, tout prestataire de formation souhaitant accéder à un financement public ou géré par les partenaires sociaux, devra être certifié, sur la base de critères qui seront définis ultérieurement par décret. Un référentiel national déterminera les indicateurs d’appréciation de ces critères, ainsi que les modalités d’audit associées qui devront être mises en œuvre. Cette certification devra être délivrée par un organisme certificateur accrédité à cet effet ou en cours d’accréditation par le Comité français d’accréditation (Cofrac). Elle pourra également être délivrée par une instance de labellisation reconnue par la nouvelle institution publique qui sera mise en place au 1er janvier 2019, France Compétences.

La régulation du marché ne se fera pas uniquement par le contrôle de la qualité de l’offre mais également par les prix, au travers de la veille, la collecte des informations sur les prix pratiqués par les prestataires et la publication d’indicateurs permettant d’apprécier la valeur ajoutée des actions de formation, le tout assuré par France Compétences. L’établissement public aura également pour mission d’émettre des recommandations d’une part sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l’alternance (apprentissage, contrat de professionnalisation), et d’autre part sur les modalités et règles de prise en charge au titre du CPF en vue de leur harmonisation au niveau national.

Réduire la complexité du système : peut mieux faire

La volonté de rompre avec l’ancien système caractérisé par une gestion de la formation professionnelle assurée à tous les niveaux par les partenaires sociaux était clairement affirmée dans le programme d’Emmanuel Macron. Si la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" modifie radicalement la gouvernance du système, l’objectif de simplification n’est pour autant pas totalement atteint.

Certes, le FPSPP, le CNEFOP ou encore le COPANEF, autant d’instances paritaires et associant autour des partenaires sociaux Etat et Régions, disparaissent. Les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), perdent leurs prérogatives de collecte de la contribution des entreprises à la formation professionnelle et à l’alternance au bénéfice de l’Urssaf à partir de 2021. Ils vont devoir se transformer en opérateurs de compétences (Opco). A priori, de 20 Opca, il ne devrait rester que 11 Opco, qui auront notamment pour mission d’assurer le financement des contrats de professionnalisation et d’apprentissage, ainsi que la prise en charge des formations pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Si les Fongecif, quant à eux, disparaissent avec la fin du congé individuel de formation (CIF), ils laissent la place à des Commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR), ayant pour mission d’instruire les demandes de prise en charge des dossiers au titre du CPF de transition.

Plutôt qu’une simplification du système, la loi entérine davantage la mise sous tutelle de la formation professionnelle par l’Etat stratège, par la création du nouvel établissement public que sera France Compétences au 1er janvier 2019, et la responsabilité attribuée à la seule Caisse des dépôts et consignations (CDC) de pilotage du compte personnel de formation (CPF).

Sous les deux précédents quinquennats, les réformes de la formation étaient entérinées au terme de deux ans de mandat présidentiel. Il aura fallu cette fois – ci 16 mois pour que l’acte II de l’engagement présidentiel de rénovation du modèle social français prenne corps sur le plan législatif. Quitte à revoir quelques ambitions à la baisse et à renvoyer à la publication d’une centaine de décrets la mise en œuvre effective des dispositions portées par cette loi.