Une inadéquation entre les formations et les besoins de compétences dans l'industrie

La réindustrialisation bute sur la pénurie de talents et le transfert lent des innovations mais des solutions existent...

La pénurie de talents dans les domaines scientifiques et technologiques, les formations inadaptées aux besoins industriels et le transfert trop lent des innovations des laboratoires de recherche vers l'industrie sont autant de défis à surmonter pour accélérer la réindustrialisation, un objectif cher aux autorités publiques. L'attraction des talents, leur formation en adéquation avec les besoins industriels et le soutien à l'innovation sont des impératifs pour cette réindustrialisation. Il est ainsi primordial de repenser notre stratégie afin de rendre l'industrie plus attrayante pour les jeunes générations, de former les talents de demain et d'accélérer le développement et la mise sur le marché des innovations pour renforcer le secteur industriel et favoriser l'émergence de nouvelles filières dans nos territoires.

Pénurie de talents et déficit d’attractivité du secteur industriel 

Des exemples tels qu'EDF ou l'industrie de la Photonique (technologie de générer, contrôler et détecter des photons, qui sont des particules de lumière) mettent en lumière un manque criant de compétences sur le territoire. EDF est contraint d'importer des soudeurs du Canada et des États-Unis, tandis que des PME refusent des contrats faute de main-d'œuvre qualifiée. La pénurie de talents dans la filière photonique (avec 8000 postes à pourvoir, notamment pour des techniciens opérateurs et des ingénieurs) souligne l'insuffisance de professionnels formés. Le nombre d'emplois vacants dans l'industrie, qui était de 61 000 mi-2022 selon la Dares, a doublé depuis fin 2019.

Cette situation s'explique en partie par le détournement des étudiants des écoles d'ingénieurs vers d'autres secteurs tels que le conseil et la finance ces dernières années. Bien que l'intérêt pour l'industrie semble croître récemment, encouragé par les investissements massifs de France Relance 2030 et la structuration de l'écosystème French Tech, les besoins des entreprises industrielles surpassent largement le nombre d'ingénieurs formés. De plus, ces entreprises doivent faire face à des talents exigeants en matière d'engagement RSE et de sens au travail, ce qui complique leur recrutement.

Les freins du passage l’échelle des innovations

L'innovation naît souvent dans les laboratoires de recherche publique, mais sa diffusion et son industrialisation prennent du temps. Accélérer ce processus est désormais crucial pour favoriser la réindustrialisation.

Cette phase pré-industrielle stratégique nécessite des infrastructures coûteuses, des compétences et un écosystème solide. En favorisant la coopération entre le public et le privé, ainsi qu'en offrant un accompagnement expert, il est possible de faciliter la diffusion des innovations au sein de l'industrie.

Par ailleurs, il est également crucial d'accompagner les chercheurs et doctorants dans le développement de leurs innovations, car tous ne souhaitent pas nécessairement quitter leur laboratoire pour créer une entreprise. Cela nécessite un environnement propice et un soutien adéquat.

La réindustrialisation des territoires se heurte ainsi à un double défi : la pénurie de talents, de compétences et de formations adéquates d'une part, et les freins au passage à l’échelle d’innovations d’autre part. Face à ces défis, comment pouvons-nous répondre efficacement à ces besoins pressants pour accélérer la réindustrialisation ?

Des solutions existent : les écosystèmes hybrides au service de l’industrie

Aujourd’hui les acteurs publics comme la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) se penchent sur ces problématiques, notamment dans le cadre de colloques sur des thèmes comme "Rencontres de la valorisation des campus". L’objectif : proposer différentes pistes de valorisation des campus universitaires.

De nouveaux lieux physiques émergent, tels que les campus hybrides, qui réunissent entreprises et étudiants. Ces campus permettent une approche pédagogique spécifique, favorisant l'immersion des étudiants dans le monde professionnel et industriel, tout en développant leurs compétences transversales. Les entreprises présentes bénéficient ainsi d'un accès à des talents qu'elles peuvent former, accueillir en stage voire embaucher. Ces lieux sont des moteurs de valeur pour l'enseignement supérieur, les entreprises et les territoires.

Ces lieux peuvent aussi être de formidables accélérateurs d’innovation et de transfert technologique. En faisant collaborer de façon très pragmatique les laboratoires de recherche et les entreprises, par le partage des compétences, des locaux et du matériel, de jeunes pousses peuvent émerger plus rapidement, et contribuer à irriguer de nouvelles filières industrielles.

En mettant par exemple à disposition des start-ups des infrastructures adaptées à la production industrielle (des laboratoires, des salles blanches, des plateaux techniques partagés, de la location de matériel), ces campus réduisent les coûts initiaux et favorisent le développement rapide des entreprises émergentes.

Les écosystèmes hybrides et les formations adaptées aux besoins des entreprises constituent des solutions complètes pour à la fois répondre à la pénurie de talents et favoriser la réindustrialisation. En offrant des opportunités uniques aux étudiants et en favorisant la collaboration entre recherche et industrie, ces initiatives contribuent à dynamiser les territoires et à créer une main-d'œuvre qualifiée et adaptée aux besoins industriels de demain. Reste aux pouvoirs publics de miser sur cette opportunité en accompagnant et en soutenant financièrement ces lieux hybrides, le secteur industriel, et favoriser l'émergence de nouvelles filières dans nos territoires.