Rémy Di Mascio (TapNation) "Si nous convertissons 1% de nos millions de joueurs mobile au Web3, ce sera un pas énorme"

Studio français de jeux sur mobile, TapNation revendique plus de 700 millions de téléchargements dans le monde. En 2022, l'éditeur explore un nouveau terrain : le Web3. Chargé du projet, Rémy Di Mascio dévoile cette ambition au JDN.

Rémy Di Mascio, chargé du Web3 à Tap Nation. © Tap Nation

TapNation se lance en 2022 dans des projets de jeu Web3, lesquels ?

Nous rentrons dans le Web3 avec trois projets prévus dès cette fin d'année. Notre premier projet est une co-création avec la collection NFT Metadams sur la blockchain Cardano. Ils cherchaient un spécialiste du jeu vidéo pour créer un métaverse lié à leurs univers NFT. L'objectif est de créer le premier métaverse Cardano en termes de daily active users. La première version sortira au quatrième trimestre de cette année.

Le deuxième projet est un partenariat avec la blockchain Ternoa, une blockchain française solide sur le marché (conçue par la jeune pousse Capsule Corp, ndlr) : il s'agit d'implémenter le Caps, la cryptomonnaie de la blockchain, dans nos jeux. Le projet devrait également voir le jour au dernier trimestre, avec une phase de test de trois à quatre mois pour déterminer la meilleure façon d'utiliser la cryptomonnaie. Enfin, en interne, nous avons le projet de créer un jeu orienté NFT de A à Z, avec des partenaires externes mais piloté par TapNation. C'est un vrai défi car nous voulons une application au service du joueur, c'est le point numéro un.

Pourquoi cette volonté d'utiliser la blockchain et les NFT dans vos jeux, auparavant totalement inexistants de l'environnement TapNation ?

On ne se considère pas experts de la blockchain et c'est très important : nous sommes experts dans le milieu du gaming. La différence est que les acteurs blockchain vont utiliser cette technologie pour faire un jeu quand nous, nous pensons d'abord au jeu et nous essayons de trouver la technologie optimale pour son fonctionnement. Ils ont tendance à omettre les comportements des joueurs et sont, d'une certaine manière, déconnectés de ce que veut le public.

Or, si l'on est honnête, le grand public ne sait pas forcément ce qu'est une blockchain et ne s'y intéresse d'ailleurs pas. L'idée est de rendre cette technologie invisible à ses yeux. C'est le grand défi et ça ne l'est d'ailleurs pas seulement pour TapNation mais pour toutes les entreprises du marché, qu'il s'agisse des jeux mobile ou triple A. Il n'est même pas nécessaire d'utiliser les termes cryptomonnaie, blockchain, NFT, même si ce sont des outils formidables et que nous voulons éduquer et accompagner les joueurs au fur et à mesure dans cette technologie.

Vous avez évoqué le développement d'un jeu Web3 en interne. Pourriez-vous développer votre propre blockchain, comme Axie Infinity avec Ronin, son propre layer-2 Ethereum ?

On ne prétend pas être suffisamment technique pour créer notre propre blockchain, que ce soit un layer-1 ou un layer-2. Notre vision du jeu vidéo est vraiment de travailler avec des partenaires main dans la main pour que ce soit à la fois bénéfique pour la blockchain qu'on choisira et à la fois bénéfique pour nos joueurs. Pour le moment, on ne peut pas encore communiquer sur la solution choisie, on hésite encore.

Capture du jeu mobile Monster Squad Rush. © Tap Nation

Les cryptomonnaies et NFT sont encore souvent accompagnés d'une réputation sulfureuse, d'autant plus dans la communauté des joueurs. Ne pourriez-vous pas vous priver d'une partie de votre base ?

Si l'on arrive à justement rendre cette partie invisible, il n'y a aucune raison que ces joueurs refusent l'utilisation de NFT ou même de cryptomonnaies. La clef est de proposer une utilité et une plus-value. Aujourd'hui, les joueurs jouent pour jouer et n'ont pas d'incitation financière ou matérielle, donc si l'on peut ajouter un élément supplémentaire de façon subtile, ça devient acceptable pour ce public. Nous avons près de 700 millions de téléchargement sur l'ensemble de nos jeux. Si nous n'en convertissons ne serait-ce qu'un pour cent, ce sera déjà un pas énorme.

Comment pensez-vous le Web3 en termes de modèle économique ?

Nous partons du principe que le Web3 est de l'addititionnel pour nous. A l'heure actuelle, TapNation est profitable et est une entreprise qui fonctionne bien, sans problème en termes de revenus. Le Web3 est pour nous une façon d'essayer un nouveau secteur sans avoir de pression financière. Evidemment, nous prenons en compte des éléments comme le marché financier mais ce n'est pas notre motivation première. Aujourd'hui, certains de nos jeux cumulent 200 millions de joueurs. La partie Web3 reste encore une niche en comparaison. 

"Certains de nos jeux cumulent 200 millions de joueurs"

De nouvelles règlementations voient le jour en Europe, notamment MiCa et TFR en vigueur dès 2024. Des impératifs comme le KYC (Know your customer) vont-ils vous compliquer la tâche en termes d'expérience utilisateur ?

Nous suivrons les règles, cela ne fait aucun débat mais oui, des choses comme le KYC peuvent représenter un certain frein car dans notre univers, chaque étape supplémentaire comme la complétion d'un nom de famille, d'un prénom ou d'un courriel suscite une réticence. Il faudra l'aborder de manière assez intelligente et accompagner nos joueurs. 

Ancien directeur artistique et motion designer dans le secteur de la communication, notamment chez Edelman, Rémy Di Mascio a rejoint le studio de jeu TapNation en 2020. En 2022, il a pris la tête du nouveau département consacré au Web3.