Valéry-Sébastien Sourieau (Challenges) "Google ne fait rien pour promouvoir son nouveau service Showcase"

Le directeur commercial et numérique des éditions Croque Futur (Challenges, Sciences et Avenir, etc.) dresse un bilan très mitigé du dispositif de mise en valeur d'articles dans Discover et Google Actualités lancé en France en octobre dernier.

JDN. Vous faites partie des 65 groupes médias français qui ont signé un accord avec Google pour prendre part à Google News Showcase, dispositif de mise en valeur d'articles dans Discover et Google Actualités. Six mois après son lancement, en êtes-vous satisfait ?

Valéry-Sébastien Sourieau est directeur commercial et numérique des éditions Croque Futur (Challenges, Sciences et Avenir...) © Challenges

Valéry-Sébastien Sourieau. Je suis en réalité assez déçu. Google n'a strictement rien fait pour promouvoir le lancement et mettre en valeur ce service, qui se trouve caché dans Google Actualités. Les cartouches ne sont même pas affichées dans les résultats du moteur de recherche, ce que pourtant ils promettaient de faire au moment où ils sont venus nous proposer ce service en 2019. Depuis son lancement en octobre dernier, je dispose certes d'une rémunération régulière mais les retombées en termes d'audiences sont quasiment nulles. Pour vous donner un ordre d'idées, le search sur Google, incluant Google Actualités, génère 60% de mon trafic global mensuel, tandis que Showcase est à l'origine de 1 ou 2% grand maximum, ce n'est rien. Les lecteurs ne savent pas que ce dispositif existe.

N'est-ce pas en plus un peu compliqué d'émerger aux côtés de près de 130 titres de la presse nationale et régionale ? Connaissez-vous les critères d'affichage de ces médias ?

Nous n'en savons pas grand-chose. C'est de fait assez mystérieux. D'après ces qu'ils nous ont expliqué, les articles affichés en haut de la page correspondent aux articles les plus récents postés par les éditeurs. J'ai testé et cela ne marche pas. Peut-être que leur algorithme se base sur des critères de notoriété ou de volume d'audience dans sa sélection. De plus, Google n'optimise pas l'affichage. Il serait pourtant très simple et opportun de proposer des filtres de localisation : un lecteur du Nord n'a rien à faire d'une information hyper locale qui vient de l'autre bout de la France. En affichant tous les titres systématiquement, on se retrouve noyé.

Chaque contrat a été négocié et établi individuellement, éditeur par éditeur. Quel est votre deal ?

Google rémunère les éditeurs en échange de la fourniture de contenus pour Showcase. Dans notre cas, nous nous sommes engagés à livrer sept articles par jour minimum, dont deux au maximum dont l'accès est "offert" par Google dans ce cadre. Ces articles sont mis en valeur au sein de cartouches aux couleurs de l'éditeur. L'avantage pour l'éditeur est de garder la main sur le choix des articles proposés : il les sélectionne et les intègre dans le back-office Showcase.

Quel est pour vous l'importance de la rémunération générée par Showcase ?

Cette rémunération est très correcte, ce serait l'équivalent d'une recette générée par un gros partenaire publicitaire, sachant que nous sommes un petit éditeur et que notre marge de négociation avec Google est très faible.

Le lancement de Showcase en France avait été repoussé en France du fait de la volonté initiale de Google de l'intégrer aux négociations sur les droits voisins, ce qui a été interdit par l'Autorité de la concurrence qui a imposé des négociations séparées. Qu'en pensez-vous ?

En proposant Showcase, Google pensait en effet pouvoir amadouer les éditeurs, alors en pleine négociation sur les droits voisins. Au départ je m'attendais à ce que ce soit très vertueux : enfin Google se mettait à admettre l'importance de payer correctement les éditeurs pour leurs contenus. Or, Showcase n'a aucun impact sur la visibilité et les retombées sur le search. Et concernant les droits voisins sur le search, le montant qui nous sera versé est tout à fait ridicule et symbolique.