Bertrand Gié (Geste) Accord OpenAI - Axel Springer : "Microsoft devrait d'abord respecter la loi française sur les droits voisins avant de penser à l'IA"

Bertrand Gié, président du Geste, ne mâche pas ses mots au sujet de l'accord mondial unissant trois médias du groupe Axel Springer à OpenAI pour l'entraînement de ChatGPT.

JDN. Comment réagissent les éditeurs membres du Geste à l'accord inédit signé entre OpenAI et Axel Springer ?

Bertrand Gié, président du Geste et directeur du pôle news du groupe Figaro. © Geste

Bertrand Gié (Geste). Nous sommes un peu surpris. Cela nous paraît étrange qu'un accord de ce type voit le jour sans même que les questions relevant des droits voisins n'aient été réglées. A notre connaissance, Microsoft, qui est dans le capital d'OpenAI, n'a trouvé d'accord avec aucun média en Allemagne et en France (en référence au partage de la valeur attendu de la part de Bing et des grandes plateformes pour la diffusion des contenus de presse, ndlr.). D'après notre interprétation, les choses doivent se faire dans l'ordre : d'abord les droits voisins, ensuite l'IA.

Il n'y a donc rien de positif dans cet accord d'après vous ?

Le seul côté positif est l'existence d'une rémunération et d'un mécanisme de partage de valeur qui est mis en place. Pour le reste, c'est l'opacité totale.

Qu'est-ce qui fait d'après vous qu'Axel Springer a réussi à remporter ce partenariat mondial qui au passage n'est pas exclusif d'après le Financial Times ?

Nous nous posons beaucoup de questions à ce stade. Est-ce la première d'une série d'annonces de deals qu'entend passer OpenAI avec de nombreux médias du monde entier ? On pourrait le supposer en sachant pertinemment que vous ne pouvez pas prétendre disposer d'une exhaustivité suffisante pour entraîner un moteur d'IA avec seulement trois titres. Quant à d'Axel Springer, quel est son objectif avec cet accord ? Souvenons-nous début mars, lorsque son directeur général avait clairement confirmé la suppression de postes chez Bild et Die Welt et son intention d'automatiser la production d'articles grâce à l'IA. Entend-il entraîner l'IA avec des contenus produits par l'IA ? Blague à part, quand bien même OpenAI multiplierait les accords de ce type, ce serait au détriment du principe de neutralité du net auquel le Geste reste très attaché.

Que voulez-vous dire ?

Nous sommes très attachés à la neutralité du net et à ce que toutes les sources dignes de confiance soient analysées et répertoriées. Cet accord d'OpenAI avec Axel Springer est-il le début d'une politique où priment le choix et la sélection ? Ce serait contraire voire catastrophique pour le principe de neutralité des plateformes. Ces dernières doivent respecter des règles claires définies par le régulateur et concernant l'ensemble des sources utilisées et afin que ces dernières soient rémunérées pour leur travail. Ce qui est sûr pour nous au sein du Geste, c'est que nous ne souhaitons pas de biais et de contournement de sources. Si cet accord est le signe d'un début de normalisation avec tous les sites d'actualité du monde, alors pour bien faire il faut d'abord que Microsoft s'attache à respecter la loi française sur les droits voisins avant de penser à l'IA.

Vos membres n'étaient-ils pas au courant de l'imminence de cette annonce ? Par ailleurs, de grands groupes médias français seraient aussi en pourparlers avec OpenAI selon des rumeurs. En savez-vous quelque chose ?

Nos membres n'étaient pas au courant de l'imminence de cette annonce. Concernant des médias français qui seraient en discussions avec OpenAI je ne suis absolument pas au courant non plus, mais je ne serais pas tout à fait surpris si tel était le cas.