Les jobboards, à 10 points du gameover ?
Le modèle du recrutement externalisé de masse arrive à ses limites. Le recrutement doit se réinventer et, dans son sillage, des nouveaux modèles doivent voir le jour.
Voici les 10 principales raisons qui me poussent à considérer les principaux jobs boards comme outils de recrutement dépassés :
1/ La dilution
Il devient
évident que les jobs boards, tels que nous les connaissons aujourd’hui, ne sont
pas fait pour un recrutement direct.
Ils proposent
à leurs principaux annonceurs (les cabinets de recrutement et les sociétés de
services) des “forfaits illimités“. In fine, le prix unitaire d’une annonce
passée par un gros cabinet de recrutement ou par une SSII peut varier d’un
facteur 100 par rapport à celui de l’annonce passée par un recruteur direct.
Aussi ce
type d’offre d’emploi est quasi-instantanément noyé sous une infinité d’offres
en apparence similaires. Grace à ces forfaits, ces sociétés ont de plus la
capacité à republier fréquemment leurs offres, si bien que, même pour une
recherche ciblée, par département et par domaine professionnel par exemple, une
offre ne reste jamais plus de quelques minutes sur la première page de
résultats. Dans ces conditions, comment être certain que les candidats
pertinents lisent mon annonce? C’est impossible !
2/ Trop de
candidatures non ciblées
Tous les
recruteurs l’ont déjà expérimenté. Lorsqu’une annonce est déposée sur un site
d’offres d’emploi, le recruteur se retrouve submergé par des centaines, voire des
milliers de candidatures, dont la plupart sont sans rapport avec l’emploi
proposé.
C’est un des revers de la révolution du recrutement en ligne (E-Recrutement).
La réponse à une annonce étant devenue très peu chronophage, les internautes
ciblent peu leurs candidatures.
Le simple tri, puis la présélection téléphonique de ces candidatures est longue
et coûteuse. Cette étape requiert en outre un certain niveau d’expérience (il
est par exemple impensable qu’un stagiaire adresse convenablement ce besoin).
3/ Pas de
maitrise de son image
Sur Internet,
la maîtrise de l’image est devenue indissociable de la réussite d’un plan de
recrutement. Les entreprises qui recrutent souhaitent légitimement garder le
contrôle de leur image y compris dans ces sites de recherche d’emploi. Or sur
une plateforme de recrutement, les images des recruteurs sont uniformisées de
manière à ne laisser transparaitre que l’image de la plateforme. En définitive,
les images de toutes les sociétés clientes sont noyées dans une masse indifférenciée.
4/ Un
candidat ne se résume pas à son CV
Lorsqu’en
tant que recruteur, je reçois une candidature issue d’un job board, la seule
information que je puisse espérer recevoir de la part du candidat est son CV.
Or il existe pléthore de curriculum vitae en apparence semblables : difficile,
par conséquent, de dissocier à partir du CV le développeur génial, spécialisé
et passionné du développeur moyen.
C’est un format qui efface les différences de personnalité et ne permet pas
d’évaluer la profondeur d’un candidat. De plus le CV reflète une auto
évaluation de ses compétences et non ses compétences réelles. Depuis un réseau
social, en revanche, je sais ce qu’aime le candidat, ses contributions à des
discussions spécialisées et surtout les personnes qu’il connaît. Une personne
qui gravite dans un écosystème de spécialistes a de bonnes chances d’être lui
même spécialiste.
5/ Une
société ne se résume pas à une description de poste
De même que
pour un candidat, tous les canaux de recrutement ne sont pas adaptés à toutes
les sociétés. Une approche sociale et segmentée permet non seulement de cibler
les candidatures pertinentes en termes de compétences mais autorise également
le recruteur à communiquer sur sa marque et de trouver des candidats sensibles
à ses missions, ses valeurs et sa vision.
6/ La
politique du mot-clé
Une des conséquences
de la révolution des jobs boards, entrainant dans son sillage l’externalisation
du recrutement, est l’apparition d’une nouvelle profession : « le consultant en
recrutement ». En société de services ou en cabinet, se sont des commerciaux
spécialisés en recrutement, souvent jeunes et peu expérimentés, rémunérés selon
le principe des « incentives ». Ils sont amenés à recruter pour un champ
sectoriel large et n’ont pas d’expérience professionnelle dans ces secteurs
d’activité. Leur seule arme pour présélectionner un profil : chercher les mots
clés de l’offre d’emploi dans les CV des candidats. Les candidats l’ont
parfaitement assimilé et les CV ressemblent aujourd’hui à des « listes à
la Prévert » de compétences : plus il y a de mots, plus j’ai de chances d’être
appelé. Et c’est malheureusement une stratégie payante.
7/
L’approche top-down
Les
plateformes traditionnelles suivent encore un schéma hérité d’un temps où
internet n’existait pas: ce sont des murs sur lesquels sont publiés des
annonces.
La promesse : que les bons candidats se jetteront sur l’annonce publiée.
Toute personne qui a déjà vécu une expérience de recrutement aura bien compris
que cette idée à vécu. Les recrutements les plus efficients mais également les
moins coûteux passent aujourd’hui par la cooptation. Ce mode de communication
transversal, par recommandation est de loin le modèle le plus efficace. C’est
d’ailleurs un concept que les recruteurs qui travaillent par approche directe
(les chasseurs de têtes) ont parfaitement assimilé. Ces spécialistes passent
énormément de temps à entretenir leur réseau afin de le garder actif.
C’est pourquoi une solution de recrutement innovante se doit, pour être
véritablement performante, d’intégrer cette dimension de cooptation.
Aujourd’hui
les sites de recherches d’emploi, enfermés dans leur propre business modèle ne
peuvent plus se permettre de renverser le paradigme car cela supposerait de
bâtir une communauté de qualité tant au niveau des recruteurs que des
candidats.
En effet, la mise en place d’une telle politique révèlerait contre-productive
pour leurs plus gros annonceurs : sociétés de services, groupes média qui
emploient massivement des stagiaires, etc.
8/ Un vivier
peu qualitatif
Une autre
conséquence de l’externalisation du recrutement est la mise en concurrence des
cabinets de recrutement. Aujourd’hui, la même offre d’emploi est confiée à
plusieurs cabinets qui sont ainsi placés en compétition les uns face aux
autres. Dans les secteurs d’activité dynamiques, les candidats expérimentés
sont généralement harcelés par les recruteurs dès publication de leurs profils
sur les jobs boards pour des postes qui, le plus souvent, ne correspondent pas
à leur niveau de compétence.La réaction de ces candidats expérimentés est
logique : ils fuient ces plateformes et font confiance à leur réseau pour
rebondir professionnellement.
9/ Un vivier
très partiel
C’est une
évidence qui mérite d’être énoncée: les sites de recherche d’emploi ne concernent
que les chercheurs d’emploi. Or très souvent les candidats les plus «
intéressants » sont déjà en poste ; même si ils sont « à l’écoute du marché »,
« frustrés par leur emploi », etc.
Un chiffre résume à lui seul ce constat : selon un sondage du Conseil
d’Orientation pour l’Emploi publié le 22 juin 2010, 74% des salariés français
déclarent vouloir changer de métier.
Ce vivier de candidats n’apparaitra pas dans les listes de candidats des jobs
boards !
Aujourd’hui la seule solution à la disposition des recruteurs pour toucher les
candidats en poste est l’approche directe mais le coût d’une chasse est souvent
rédhibitoire pour la grande majorité des profils recherchés.
10/ Le push
= une approche déshumanisée
Sur un job
board classique les critères de correspondances sont explicites : rémunération,
compétences, niveau d’expérience, localisation, etc. Ces plateformes ne
laissent pas ou pas de place aux coups de cœur, à la négociation, aux
affinités, aux possibilités d’évolution, aux avantages indirects, etc.
Cette liste
n’est pas exhaustive mais voici les 10 principales raisons qui me poussent à
considérer les plateformes de recrutement majeures comme des solutions appelées
à muter sous peine de disparaître dans les années à venir.
Étant moi même issu de web et plus précisément du
monde des moteurs de recherche, je vois avant tout dans cette période de
transition une opportunité d’ouverture des référentiels de mise en relation
dans le monde de l’emploi. Des moyens technologiques fluides et efficaces
existent aujourd’hui pour cibler les candidats pertinents au sein de vastes
communautés : c’est cet enjeu qu’il faut, à mon sens, savoir relever.