Thierry Koenig (Auto-IES.com) "En 2012, notre développement commercial redevient notre priorité"

L'e-commerçant de voitures neuves, qui a entièrement revu ses process en 2011, fourbit ses dernières armes avant d'enclencher son expansion européenne. Son co-fondateur dévoile sa stratégie.

JDN. Comment se positionne Auto-IES.com et qui sont vos concurrents ?

Thierry Koenig. Notre principal concurrent est Aramis, auquel il faut ajouter des acteurs tels que StockAuto. Aramis a déployé des agences physiques sur le territoire français. Nous ne croyons pas à ce modèle, car les frais de structure sont nécessairement répercutés sur les prix de vente et au final, ce n'est plus un business low-cost. Pour notre part, nous faisons attention à serrer au maximum nos frais de structure. Quant à StockAuto, ils sont restés petits et très informatiques. Ils n'achètent aucune voiture et le système est très bien pensé pour limiter autant que possible l'intervention humaine. C'est très économique, mais un peu rigide. Notre business model se situe à mi-chemin de ces deux acteurs. Nous avons pour 12 à 15 millions d'euros de stocks et nous avons plutôt tendance à les accroître, afin de proposer un choix plus vaste et une livraison plus rapide.

Pourquoi y a-t-il aussi peu d'e-marchands de voitures de taille conséquente, alors que le secteur est manifestement en croissance et que vous estimez inefficace l'organisation actuelle des concessionnaires ?

Quand mon frère et moi avons créé Auto-IES il y a 25 ans, en 1987, nous avons cherché une façon différente de vendre des voitures et nous sommes tournés vers la VPC et le minitel, qui nous évitait de perdre du temps à répondre aux clients au téléphone. Quand nous sommes passés à Internet, en 2004, les volumes n'étaient plus du tout les mêmes. Le Web a déclenché beaucoup de vocations dans le secteur mais les autres acteurs, qui avaient pourtant de très beaux sites, connaissaient mal le métier de la vente de voitures. Ils ont donc dû fermer. Au contraire, Auto-IES source depuis très longtemps, partout en Europe. Nous avons 500 partenaires auxquels nous vendons ou achetons des autos en fonction du moment de l'année et de la rareté des modèles. C'est notre connaissance du métier qui nous a permis de réussir. D'autres acteurs se sont lancés plus récemment, mais on ne leur accorde pas encore le même sérieux.

Sur quoi avez-vous travaillé en 2011 ?

Notre principal chantier de l'an dernier n'était pas business mais structurel. Nous avons réorganisé complètement l'ensemble de nos services dans le cadre d'une démarche QSE, Qualité Sécurité Environnement. Nous avons étudié, cartographié et adapté l'ensemble de nos process, achats, commercial, comptabilité, marketing, RH, sécurité, etc., pour déboucher sur des tableaux de bord nous permettant de faire apparaître et de diagnostiquer immédiatement toute anomalie. Il était important de faire ce travail en amont de notre développement commercial. En outre, nous pourrons à l'avenir signer des partenariats avec de très grands groupes, des sociétés d'assurances par exemple, que ces étapes de certification rassureront.

Par ailleurs, nous avons fini d'écrire le cahier des charges de notre nouveau système d'information, qui sera développé courant 2012. Multipays, multilingue et multidevises, il constituera le socle de notre expansion dans d'autres pays européens et multipliera notre puissance de feu.

Quel est le calendrier de votre développement européen ?

Nous ne sommes pas pressés. Nos actionnaires ne nous brusquent pas et nous n'avons pas vendu la mariée il y a six mois. Nous allons faire au plus vite en fonction de nos moyens, mais sans faire n'importe quoi. Nous attendrons donc vraisemblablement 2013 ou 2014. D'ici là, les choses peuvent bien sûr changer, mais a priori nous avons un pays cible en Europe du Sud, l'Espagne, et un pays cible en Europe du Nord, l'Allemagne.

Quels sont vos projets pour cette année ?

Nous mettrons en ligne notre nouveau site en septembre prochain et ajouterons quelques briques et fonctionnalités d'ici-là. Ainsi, nous expérimentons depuis ce mois-ci un module de chat conçu par iAdvize. Dans les prochains mois, nous travaillerons sur les fonctionnalités de comparaison et d'aide à la décision, puisque l'objectif principal de cette refonte est de raccourcir le temps d'accès à l'information. Le nouveau site comprendra aussi davantage de vidéos.

Toutefois, tous ces chantiers se font au détriment de notre activité commerciale. En effet, la difficulté que nous rencontrons à recruter nos cadres à Vichy, où nous sommes basés, génère des trous dans notre organigramme qui nous empêchent de tout mener de front. En 2011, notre énergie n'a pas été consacrée à notre développement commercial mais à faire avancer notre structure, au détriment du court terme. Il est urgent que nous recrutions des cadres commerciaux, car cette année nous voulons remettre l'accent sur nos ventes. Il n'est en revanche pas question que nous déménagions à Paris, nous tenons bien trop à conserver les 50 collaborateurs actuels d'Auto-IES.

Quel est votre chiffre d'affaires 2011 et quelles sont vos prévisions pour 2012 ?

En 2011 nos revenus ont baissé de 30% par rapport à 2010 et atteindront entre 50 et 55 millions d'euros. Nous nous attendions à cette chute. D'ailleurs, nous restons rentables. En 2012, nous prévoyons une croissance de 20% qui devrait nous ramener aux alentours de 65 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et nous devrions retrouver les très bons niveaux de rentabilité que nous avons connus en 2008, 2009 et 2010.

Quelle part de votre chiffre d'affaires représente votre activité de marque blanche ?

10%. Nous ne voulons pas que nos revenus soient trop déséquilibrés entre vente en propre et marque blanche. Le chiffre d'affaires additionnel important qu'elle nous apporte reste donc raisonnable. En 2012, nous devrions signer deux ou trois autres partenariats qui s'ajouteront à ceux que nous avons déjà avec Rueducommerce, Topachat et Cdiscount.

A quelles problématiques êtes-vous actuellement confrontés ?

Pour l'instant, c'est le fait de ne pas reprendre des véhicules qui nous fait perdre des ventes. Mais nous proposerons cette possibilité à partir du deuxième semestre. Nous ne recommercialiserons d'ailleurs pas nous-mêmes les véhicules repris, car nous voulons rester sur les produits neufs et ne pas pâtir de la suspicion qui plane toujours un peu sur les voitures d'occasion.

Ne subissez-vous pas des contraintes logistiques issues du fait que pour être considéré comme neuve, une voiture ne doit pas avoir roulé ?

Nous traitons ce problème en livrant dans une quinzaine de centres en France. Quant à la livraison à domicile, que nous proposerons en 2013, il faudra effectivement que le client nous autorise à faire rouler la voiture jusqu'à lui, ou que nous la lui apportions par camion. Livrer à domicile devrait effectivement nous faire récupérer un nombre important de clients.

BNP Paribas Développement et Vauban Partenaires (Crédit Agricole) ont tous deux pris 6% du capital d'Auto-IES en 2006. Avez-vous des projets de levées de fonds ou d'acquisition ?

Pour l'instant non. Pour les 12 à 18 mois qui viennent, nous n'avons pas besoin de nouveaux actionnaires ou de trésorerie rapide. Quant aux acquisitions, nos actionnaires nous poussent effectivement à de la croissance externe. Nous avons étudié trois ou quatre dossiers cette année mais avons jugé que les synergies qui s'en dégageraient ne justifiaient pas le chèque. Cela étant dit, dans 12 à 18 mois, nous aurons sans doute besoin de partenaires supplémentaires ou de nouveaux fonds.

Avez-vous reçu des propositions de rachat ?

Nous avons eu deux discussions dans ce sens mais dans les deux cas, le projet industriel ne nous a pas convaincu. En revanche, sur le principe, nous n'y sommes pas du tout opposés. Si demain, une société d'assurance nous dit "je vous apporte 200 000 prospects qui veulent acheter une voiture neuve et vous leur vendez mes assurances auto", alors un rachat aura beaucoup de sens.

Thierry Koenig est le directeur général d'Auto-IES. En 1987, un décret européen libéralise le marché de l'automobile et permet à de nouveaux acteurs de s'y lancer. Agé de 19 ans, il renonce à intégrer une école de commerce et cofonde Auto-IES à Paris avec son frère Philippe, 24 ans, alors informaticien dans une banque, qui prend la présidence de la société. Après trois années rendues très difficiles par le manque de moyens et les constructeurs qui bloquent leurs commandes, ils reçoivent un premier soutien d'un client banquier. Le passage d'Auto-IES sur Internet, mené entre 2002 et 2004, leur permet de décoller réellement. En 2007 ils se ré-établissent dans leur région d'origine, près de Vichy, en Auvergne, tout en investissant dans une plate-forme logistique aux environs de Paris, puis dans 15 centres de livraison en province. Depuis sa création en 1987, Auto-IES a vendu 90 000 voitures.