Mobilier, déco et mode : trois e-commerçants racontent leur crise

Mobilier, déco et mode : trois e-commerçants racontent leur crise Mi-mars, l'e-commerce français était brutalement ralenti pour certains, mis à l'arrêt pour d'autres. Drawer, Etoffe.com et BonneGueule racontent.

Le 30 mars dernier, après deux semaines de confinement, 76% des sites marchands souffraient d'un recul de leurs ventes, et pour la moitié d'entre eux, supérieur à 50%, estimait la Fevad. Pire : une entreprise sur trois considérait qu'elle ne pourra pas résister économiquement plus de trois mois.  Deux secteurs en particulier subissent durement cette crise : la mode et l'équipement de la maison. "Nous avons observé de très bons résultats pour l'alimentaire et le drive qui ne pèsent toutefois que 6% du e-commerce en France, analyse Marc Lolivier, directeur général délégué de la Fevad. A l'inverse, la mode est le premier secteur du e-commerce ce qui explique l'intensité de l'impact." Après un phénomène de déconsommation brutal similaire à la période post attentat en 2015, la fréquentation des sites marchands se redresse progressivement, constate Marc Lolivier. "Il ne s'agit pas d'un retour à la normale et ce n'est pas la fin de l'histoire car les taux de transformation ne sont pas encore significatifs mais les signes sont encourageant, explique-t-il.

Drawer mise sur l'action commerciale

Pure player spécialiste du mobilier et d'objets de décoration milieu de gamme depuis bientôt neuf ans, Drawer a été éprouvé par les deux premières semaines de confinement. Mais la tendance se renverse. "Au début du confinement, on tournait à environ un tiers de notre objectif de chiffre d'affaires, précise Guillaume Spriet, cofondateur de Drawer. On a le sentiment que les Français ont logiquement priorisé les achats de première nécessité mais ce mouvement-là est passé. Depuis la dernière semaine de mars, on note des chiffres en forte reprise, voire en progression par rapport à l'année dernière." L'équipe de 20 salariés basée à Lille est parvenue à préserver la chaîne logistique via son entrepôt situé à Tourcoing, et ainsi maintenir le rythme des livraisons. Parmi les actions fortes menées par Drawer, une opération commerciale associant les fournisseurs pour provoquer les achats. Au total, plus de 2 000 produits remisés sont proposés sur le site. "L'animation commerciale a permis de récupérer du chiffre d'affaires et de convertir le taux de transformation", explique Guillaume Spriet. Frais de port offert et délais de retour rallongés de 30 à 60 jours complètent les actions à destination des clients. Le cofondateur de Drawer a aussi fait le choix de décaler les projets tels que la refonte de la plateforme et ceux liés au marketing dans le but d'alléger le planning d'approvisionnement en provenance d'Asie. "On espère passer le cap de la crise, mais on reste prudent malgré tout", conclut-il. 

Etoffe.com crée une gamme do it yourself

En ces temps de crise, les semaines se suivent mais ne se ressemblent pas dans l'univers de la décoration. "La semaine du 13 mars, nous avons enregistré une baisse de 50% de l'activité par rapport à N-1 et le début du mois d'avril a été marqué par une baisse de 20% par rapport à la même période l'année dernière", expose Philippe Bertron, fondateur du site Etoffe.com, spécialisé dans la vente de papiers peints et tissus d'ameublement haut de gamme. Le blocage des expéditions est l'un des freins rencontrés par le site marchand. En effet, 35% de ses fournisseurs ont fermé leurs dépôts comme en Italie ou en Espagne. Si le fondateur mise sur une reprise progressive courant mai, diverses actions ont été mises en place pour gérer la situation. A commencer par l'aménagement d'un sas dans les locaux situés à Joinville-le-Pont pour la réception et l'expédition des colis, et deux circuits pour éviter les croisements entre les salariés (3 personnes présentes sur 16) et les livreurs. Crise oblige, Etoffe.com a emprunté le virage du do it yourself en proposant une gamme de colle pour les papiers peints, kits de pose et autre fils spéciaux. Une première. "Le but est de permettre à nos clients d'utiliser nos produits durant le confinement, indique Philippe Bertron. Nous avons monté cette gamme spécifique en quelques jours et elle représente quasiment un tiers des ventes en ce moment." Loin d'être alarmiste, Philippe Bertron se prépare à une période difficile en avril et mai, mais envisage de retrouver la croissance d'ici le second semestre." On espère un regain d'intérêt pour l'intérieur et la décoration de maison, confie-t-il. Notre structure financière est solide tout comme notre business bien établi depuis dix ans, donc nous n'avons pas d'inquiétude à très court terme. Les entrepreneurs sont par nature optimistes et habitués à franchir des obstacles."

BonneGueule sécurise son financement

Chez BonneGueule, marque spécialiste de la mode masculine, les jours meilleurs sont attendus avec impatience, car l'impact du coronavirus est toujours persistant. Si le chiffre d'affaires de BonneGueule a été divisé par 4 à l'entrée du confinement, celui-ci est en légère progression depuis la dernière semaine du mois de mars. Mais d'après Geoffrey Bruyère, le cofondateur de BonneGueule, le virus n'est pas la seule explication de ces résultats à la baisse. "Nous n'avons pas fait beaucoup d'animation sur nos supports depuis le début du confinement car nous préparions le lancement de nouveaux produits le 29 mars. Or, ce weekend-là correspondait au pic de mortalité dû au coronavirus et nous avons préféré déplacer le lancement." 

BonneGueule mise sur le lancement mensuel de nouveaux vêtements pour combler le retard sur le chiffre d'affaires. Entreprise en croissance, la marque a réduit la voilure sur les dépenses opérationnelles, décalé les recrutements non urgents et recruté un responsable qualité. "Nous réfléchissons à l'après, justifie Geoffrey Bruyère. Nous sommes parvenus à sécuriser notre financement et nos projets ne sont pas à l'arrêt. Nous souscrivons à différents dispositifs de prêts afin de ne pas puiser dans nos réserves." A moyen terme, le cofondateur appréhende la reprise de l'activité dans un environnement qui sera pollué par la guerre des prix, alors que le pouvoir d'achat des clients aura baissé. "En tant que DNVB, nous sommes fortement engagés sur les enjeux de RSE, et nous devrons réfléchir aux moyens d'animer nos ventes sans faire de soldes pour rester cohérent avec nos valeurs."