France vs Australie : l'hôtellerie-restauration en pleine mutation

Si pendant plusieurs mois, l'avenir du secteur de la restauration et de l'hôtellerie français a semblé incertain, cette période a laissé place à l'euphorie lors de la réouverture des établissements. Les Français ont ainsi pu retrouver leurs restaurants, cafés et bars favoris. Néanmoins, il est encore difficile de prédire avec certitude l'avenir du secteur et son évolution. 

 Dans ce contexte, s’appuyer sur des informations concrètes reste la plus fiable des approches. L’Australie s’est imposée comme un précurseur la digitalisation des établissements. Quelle stratégie a été adoptée ? Les transformations du secteur opérées ces derniers mois sur ce territoire sont-elles être similaires à celles entamées en France ?    

La technologie a changé la façon dont les restaurants ont fait face au Covid

Le monde de l’hôtellerie-restauration a été confronté à la fois à un besoin de transformation de son mode d’organisation ainsi qu’à une modification des attentes et comportements des clients. Les réservations et les prépaiements sont, par exemple, devenus la norme en quelques mois pour les restaurateurs australiens. De nouvelles offres comme les menus uniques ont émergé. Ils permettent notamment aux établissements d’être plus efficaces en service, mais contribuent également à réduire considérablement le gaspillage ; des évolutions qui semblent satisfaire les clients.  

Avant la réouverture, près de 60 % des Français exprimaient le désir de se rendre dès que possible et plus régulièrement dans un restaurant.  Cette forte appétence pour l’expérience gustative en présentiel est très culturelle, mais cela n’a pas empêché des nouveaux modèles, comme les dark kitchens, de faire leur place sur le marché. “C’est une nouvelle approche, un autre moyen de partager nos créations de manière plus confidentielle, avec des clients qui souhaitent conserver leurs habitudes culinaires au maximum, découvrir notre cuisine via un autre canal.  Nous avons plus évolué en un an que ce que nous l'aurions fait en 10 dans un contexte normal. Ces changements sont structurels, car ils répondent à de nouveaux modes de consommation qui s'inscrivent dans le temps.” explique Antoine Roussier, directeur d’exploitation de la dark kitchen Fitzgerald To Go.   

  Pour faire face aux nouvelles mesures mises en place successivement, les établissements se sont massivement orientés vers des systèmes innovants. Les nouvelles technologies leur permettent de s’adapter aux éventuelles fermetures et aux réglementations, mais aussi de répondre aux attentes des clients post-pandémie.   

L’utilisation des QR codes facilite aussi la prise de commande, que le consommateur peut effectuer directement depuis sa table.   En Australie, l’utilisation de QR codes a augmenté de manière significative : il y a maintenant 8 fois plus de lieux l’utilisant (mai 2021) que l’année dernière (mai 2020). Une innovation qui paraissait jusqu’alors réservée à certains restaurants, fait désormais partie intégrante de la nouvelle expérience du consommateur et bénéficie aussi aux professionnels. En effet, la valeur de transaction pour les commandes passées par le biais de solutions numériques est supérieure de 22% à celles payées par carte. Les QR codes permettent aux clients de commander des mets supplémentaires directement depuis leur table, et par conséquent, de consommer davantage.  

En France aussi l’adoption des commandes via QR codes, ainsi que des menus numériques ont fortement évolué dans l’esprit des consommateurs, et s’installent dans les habitudes comme une nouvelle norme, puisque ces outils participent au respect des mesures sanitaires. 

Les grandes villes pourraient ne plus être les grands centres gastronomiques

D’une manière générale, en Australie, les villes ont été plus impactées que les régions en raison des fermetures localisées. Les établissements situés dans les quartiers d’affaires ont été plus durement touchés que ceux des banlieues, un déficit principalement causé par le télétravail. Des données récentes de Roy Morgan montrent que la fréquentation des quartiers d’affaires de Melbourne a chuté de 20 % en comparaison avec les chiffres précédents la pandémie, tandis que celui de Sydney a diminué de 38 % et celui de Brisbane de la moitié de ce qu’il était auparavant. Un phénomène semblable à celui observé en France où d’après l’établissement public Paris-La Défense, la fréquentation du quartier d’affaires Parisien a baissé de 40 %.   

Bien qu’ils soient les plus durement touchés, les bars rebondissent   

 Si les bars ont eu plus de difficultés à s’adapter aux nouveaux canaux de vente (à emporter, livraison, click&collect), la majorité est tout de même parvenue à s’adapter. D’ailleurs en Australie, l’industrie a connu une importante croissance d’une année à l’autre, un phénomène encourageant pour l’ensemble de la profession.   

Les établissements profitent de l’enthousiasme qui suit le confinement alors que les Australiens retrouvent leurs amis et leur famille autour d’un verre. En mai 2021, les bars de Sydney auraient enregistré quatre fois plus d’activité que le même mois de l’année précédente, et ceux de Melbourne dix fois plus. L’assouplissement de la législation des États concernant la vente d’alcool à emporter et la limitation des repas en plein air ont été les facteurs de ce renouveau. Reste à espérer que ces changements seront permanents.   

Une tendance vérifiée pendant un temps en France, qui s’est malheureusement essoufflée depuis que l’obligation de présentation du pass sanitaire est entrée en vigueur. En effet, une étude menée par Lightspeed démontre que 42 % des Français seraient maintenant réticents à l’idée de se rendre au restaurant pendant leurs vacances.  

En un an, la croissance du chiffre d’affaires dépasse celle d’avant la pandémie   

Avril 2020 a été marqué par des confinements généralisés à l’ensemble de la planète et a par conséquent était le mois le plus difficile pour l’industrie de la restauration et de l’hôtellerie. Les établissements ont perdu près la majorité de leurs revenus mensuels presque du jour au lendemain en raison des fermetures. Si ces expériences traumatisantes ont laissé planer des doutes sur l’industrie, depuis la réouverture en Australie, les restaurateurs constatent que leurs résultats sont plus élevés qu’avant la pandémie, les plats à emporter et les livraisons étant toujours très populaires. Pour Trevor Simmons, copropriétaire de cafés CBD à Brisbane et Melbourne, le chiffre d’affaires de son établissement a augmenté de 60 % par rapport à mai dernier, date des premiers confinements. Il a déclaré au Sydney Morning Herald que son chiffre d’affaires a augmenté de 85 à 90 % par rapport aux chiffres d’avant COVID, et qu’il prévoit une croissance supplémentaire dans les mois à venir.   

En France, le mois de mai 2021 a été synonyme de reprise économique pour les bars, cafés et restaurants, et l’engouement des Français pour regagner leurs lieux favoris a généré une augmentation des revenus conséquente pour les professionnels. L’industrie a une place centrale dans la culture française et les nouvelles mesures sanitaires n’ont, finalement, pas eu l’effet négatif attendu par le secteur. Antoine Girard, CEO de Guestonline, plateforme de réservation de restaurants, explique : " Après analyse, nous constatons une augmentation de 10% des réservations sur le mois de juin (période de réouverture) par rapport à la même période en 2019, période à laquelle la pandémie ne sévissait pas encore. Ensuite, nous avons assisté à une stabilisation de la demande sur les 3 mois qui ont suivi la réouverture. Il faut tout de même souligner que la mise en place du pass sanitaire n'a - semble-t-il - rien changé sur les annulations et volumes de réservation. Nous avons constaté un taux d'annulation de 12%, un chiffre assez classique." 

L’accélération de l'utilisation de technologies numériques permet aux professionnels de l’hôtellerie-restauration d’être plus efficaces, d’anticiper leur niveau d’activité et de se concentrer à nouveau sur le cœur de leur métier : la création de liens et d’expériences uniques. En France, cet enjeu est particulièrement important et s’impose comme un point différenciant vis-à-vis de l’Australie. Le parcours digital complète l'acte de se rendre au restaurant, sans le supplanter. L’évolution constante des mesures sanitaires couplées à l’émergence des outils numériques promettent de nouveaux défis pour l’industrie, bien plus réceptive et réactive qu’on aurait pu l’imaginer.  Les outils digitaux et la création culinaire pourraient même être des alliés dans un avenir proche.