Berker Yağci (Getir) "Getir dispose de plus de 200 magasins opérationnels en Europe hors Turquie"

Le directeur général Europe de l'acteur turc du quick commerce dresse le bilan d'une année 2021 sous le signe de la croissance et de l'internationalisation tout en promettant une nouvelle année portée par la même dynamique.

JDN. Depuis le mois de novembre, l'application mobile Getir est disponible aux Etats-Unis, à New York. Quel est le bilan 2021 de la société à l'international ? 

Berker Yağci, directeur général Europe de Getir. © Getir

Berker Yağci. De notre point de vue, l'année 2021 a été incroyable car notre expansion internationale a débuté en janvier seulement, à Londres. En mai, nous avons attaqué le marché néerlandais avant l'Allemagne et la France en juin. Depuis le mois de novembre, nous sommes présents à New York. Les ambitions de Getir ont toujours dépassé la Turquie et nous souhaitons continuer notre expansion. Au total, nous avons lancé huit pays en 2021 et nous disposons de plus de 200 magasins opérationnels en Europe, sans compter la Turquie. 

Getir a racheté l'espagnol Blok l'été dernier et le britannique Weezy au mois de novembre. Dans quelle mesure le rachat de vos concurrents fait partie de votre stratégie de développement ?

Notre business n'a pas vocation à se tourner principalement vers l'acquisition. Le plus important pour nous est de rencontrer une bonne équipe avec un bon management et un business rationnel et maîtrisé, ayant un fort potentiel. Si le projet fait sens pour nous, c'est une option que nous pouvons activer. C'était le cas pour Weezy et Blok, deux acteurs à taille plus modeste. Blok nous a permis de nous lancer en Espagne, au Portugal et en Italie. 

Quelles sont les ambitions de Getir sur le marché français ?

En France, nous avons commencé avec cinq magasins à Paris. Nous avons enregistré plus de 500 000 téléchargements de l'application en France depuis le mois de juin. Actuellement, nous totalisons 30 magasins répartis à Paris et en petite couronne, mais aussi à Lille, Marseille et Lyon. Nous couvrons dès à présent Paris intra-muros mais notre business n'est pas limité aux grandes villes. D'ici deux ans, nous espérons couvrir toute la France. 

Le marché du quick commerce a vu apparaître de nombreux acteurs en 2021. Quelles sont vos spécificités et comment comptez-vous préserver votre avance après six ans d'existence ?

A priori, le principe du quick commerce est simple : des dark stores, des livreurs et de la livraison rapide. Sur cette base, il n'y a pas de différence entre les acteurs du marché. Chez Getir, nous disposons tout de même de quelques particularités. Tout d'abord, nous avons construit notre propre technologie il y a six ans et nous avons augmenté progressivement le nombre de nos magasins opérationnels en passant de cinq à plus d'une centaine. Il y a un certain nombre de détails à prendre en compte dans le business du quick commerce et je pense que l'une des principales spécificités de Getir est que nous savons adapter nos services en fonction des populations. Le marché du quick commerce est comparable à un marathon : on ne peut pas savoir quel athlète sera le vainqueur après seulement deux cents mètres.

Le plus important est de disposer d'une infrastructure technologique solide et d'une intégration verticale de l'activité afin d'assurer la croissance et la rentabilité à moyen et long terme. Entre l'approvisionnement de produits dont certains sont frais, la logistique et les livreurs, tous ces composants du modèle économique doivent fonctionner ensemble. Depuis six ans, nous travaillons à perfectionner notre business.

"Notre modèle économique est rentable en Turquie"

Le marché concurrentiel du quick commerce a enregistré d'importantes levées de fonds en 2021. Depuis sa création, Getir a levé six fois dont trois fois en 2021. Comment l'expliquez-vous ?

Il est vrai que la concurrence et la dynamique du marché ont joué un rôle dans notre développement, tout comme la crise sanitaire. Avant le Covid, la croissance de Getir était multipliée par quatre ou cinq chaque année et la crise sanitaire a accéléré l'usage du e-commerce et modifié le rapport au retail. Toutefois, le fait d'acquérir de nouveaux clients coûte cher et s'implanter sur des marchés à l'international coûte également cher. Compte tenu de la concurrence et des attentes toujours plus fortes des consommateurs, nous avons souhaité accélérer. Nous n'avons pas levé trois fois cette année parce que nous le devions. En réalité, c'était un choix de notre part d'agir ainsi pour aller plus vite. Si nous pouvons nous positionner comme les leaders de l'industrie, pourquoi ne pas le faire ?

Getir est-elle une entreprise rentable ? 

Notre modèle économique est rentable en Turquie. C'est la métrique économique la plus importante actuellement pour nous puisque le modèle du quick commerce se construit à long terme. Notre croissance est très rapide année après année et nous nous attelons à construire un business apprécié par les consommateurs. Cela implique des investissements dans notre infrastructure technologique notamment. Certaines entreprises technologiques démarrent leur activité en misant sur une forte croissance et en espérant, à un moment donné, gagner de l'argent et être rentable. C'est le cas d'Uber, ou sur le marché des trottinettes, par exemple. Chez Getir, depuis le début, l'idée a été de construire un modèle économiquement rentable en investissant massivement car le potentiel du marché du quick commerce est considérable. 

Quelle est la feuille de route pour l'année 2022 ?

Nous sommes impatients à l'idée de poursuivre notre dynamique en 2022 et d'accroître le nombre des utilisateurs de Getir sur les marchés où nous sommes présents à l'international. Nous allons continuer à recruter au sein de nos équipes locales et travailler pour adapter au mieux nos produits et nos services en fonction des préférences des consommateurs. Et bien sûr, nous réservons d'autres surprises pour cette année.

Diplômé de l'Université du Bosphore en Turquie et de l'Université de Stanford aux Etats-Unis, Berger Yağci a débuté sa carrière en tant que responsable de recrutement chez McKinsey & Company entre 2010 et 2018. Il occupe le poste de directeur général chez Blueground à Istanbul un an, avant de rejoindre Getir en 2019. Il devient CEO de Getir en 2021.