Contrat de référencement : les pour et les contre

Contrat de référencement : les pour et les contre Le JDN a interrogé un prestataire, un client et un avocat pour connaître leur avis sur la pertinence des contrats de référencement, forcément à géométrie variable.

Le contrat de référencement est un contrat par lequel une entreprise donne pour mission à un prestataire de le positionner dans les Serp. La particularité de ce contrat est qu'il est à la fois classique, mais aussi à géométrie variable. Ainsi, s'il comprend des éléments comme la durée du contrat et la responsabilité de chacun, il peut prévoir de donner mandat au prestataire. On peut alors envisager la relation avec le prestataire de plusieurs manières : soit on lui laisse la main de manière totale sur les décisions qu'il va prendre pour le référencement naturel. Soit on va demander un droit de regard sur ce qu'il fait.

C'est ici que le rôle du contrat de référencement est important. Si on ne peut pas tout prévoir, le contrat permet en revanche de mettre en place des règles, qui permettent de déterminer l'intervention de chacun à l'avance. 

Soulignons que le droit français, à la différence du droit anglo-saxon notamment, ne fait pas de l'accord écrit une règle absolue. Entre les commerçants, la preuve libre et rapportable par tous les moyens est celle qui prime, d'après l'article L.110-3 du Code du commerce. Autrement dit, il n'existe pas d'obligation de contrat écrit entre les commerçants.  Mais, depuis l'article 28.3 du RGPD, lorsque la relation entre un client et un prestataire comporte des données personnelles, ce qui est souvent le cas dans des prestations SEO, la loi exige un contrat écrit.

Le prestataire : Léa Picosson, consultante SEO Freelance, "opte pour l'obligation de moyens"

Le contrat de référencement permet à un prestataire d'assurer  le positionnement du site du client dans les Serp de Google. Ce contrat synallagmatique engage donc les deux parties, le client et le prestataire.

Entre l'obligation de résultat ou de moyens, Léa Picosson, consultante SEO freelance, a choisi la seconde option.  Pour elle, qui signe ce type de contrat uniquement pour les missions d'une durée de six mois ou plus, cette obligation est une façon de se protéger des aléas du métier de référenceur. En effet, ceux-ci sont confrontés aux nouveautés des algorithmes de Google ou encore à l'arrivée possible de nouveaux concurrents. "Pour bien délimiter mon périmètre, je marque dans l'objet du contrat toutes les missions que je vais réaliser. J'y mentionne que je m'engage avec le plus grand professionnalisme à mobiliser tous les moyens techniques nécessaires à l'exécution de mes missions."

Signalons que l'obligation de moyens, si elle est choisie, doit être réalisée avec des moyens "raisonnables". En cas de litige, ceux-ci sont laissés à l'appréciation du juge et la charge de la preuve revient à celui qui invoque un manquement. Le client, lorsqu'il est insatisfait, doit ainsi prouver que le prestataire n'a pas déployé les moyens nécessaires.

"Je marque dans l'objet du contrat toutes les missions que je vais réaliser"

L'obligation de résultat quant à elle exempte le prestataire de résultat uniquement en cas de force majeure, comme une crise sanitaire ou une catastrophe naturelle, fait d'un tiers ou s'il y a eu faute du cocontractant, c'est-à-dire du clientSi le résultat n'est pas atteint, c'est  au  prestataire de prouver qu'il a été empêché par l'une de ces trois causes.  

Si les autres mentions écrites dans le contrat sont assez classiques, comme l'accord sur la durée de celui-ci, cela n'empêche pas Léa Picosson de le personnaliser en fonction de ses clients. "Par exemple, j'évoque des mentions spécifiques au niveau du règlement financier. Etant indépendante, j'ai besoin d'être davantage rassurée qu'une agence." De son côté, elle peut aussi répondre à des demandes du client comme de ne pas partager ses résultats, même anonymisés.

Tous ces éléments lui permettent donc de clarifier son rôle et celui de son cocontractant. Elle regrette cependant de ne pas pouvoir expliquer suffisamment dans le contrat en quoi le référencement n'est pas une science exacte. "Il faudrait pouvoir placer cette partie-là dans une annexe", souffle-t-elle. Elle déplore aussi que les référenceurs soient souvent peu aidés pour rédiger ce contrat. "J'ai par exemple dû rassembler des sections trouvées sur Internet pour le construire."

Le client : Olivier d'Ariès, SEO manager chez Nexity, va "droit au but"

Le contrat de référencement permet au client de missionner un prestataire afin d'assurer le positionnement de son site dans les Serp des moteurs de recherche. En contrepartie de la mise en place de la prestation de référencement, le client s'engage à débourser la somme mentionnée et à ne pas entraver l'action du référenceur.

Olivier d'Ariès, SEO manager chez Nexity, a recours ponctuellement à des prestataires SEO. Selon lui, le contrat de référencement sert surtout au prestataire à se désengager. "Généralement, la seule obligation que s'imposent les agences SEO est celle de la transparence à l'égard du client. A contrario, elles lui prescrivent généralement beaucoup de contraintes, comme par exemple le fait de s'engager à ne pas contester les données fournies. Ce que nous ne respectons évidemment pas, car il est primordial de challenger ce qu'un prestataire fournit."

Autres points négatifs notés, il pense que le contrat n'empêche pas le démarchage de ses consultants par des prestataires et qu'il n'est pas pertinent pour mettre en place une rémunération supplémentaire en cas d'objectif atteint. "J'ai déjà proposé à nos prestataires une clause de performance garantissant un bonus en fin de prestation si les objectifs fixés étaient remplis. Mais il suffit qu'un projet se rajoute en cours d'année ou que notre direction dépriorise un sujet pour que le prestataire ne puisse pas atteindre ses objectifs."

"Généralement, la seule obligation que s'imposent les agences SEO est celle de la transparence"

Comment peut-il faire pour se mettre d'accord avec les prestataires SEO ? Il  n'hésite pas à les envoyer vers le service juridique pour leur expliquer les points sur lesquels Nexity ne veut pas transiger. "Je fais en sorte de faciliter les échanges. Pour résumer, de mon côté, ça revient à dire à l'agence : Vous ne voulez vous engager sur rien ? Très bien, j'ai déjà la stratégie en tête, je sais exactement ce que j'attends de la prestation, comment vous orienter et vous challenger. Donc allons droit au but, mettons-nous au travail et tant que ça se passe bien, on continue ensemble."

Il regrette aussi que ce style de contrat ne garantit pas au client de travailler avec un consultant "de valeur équivalente" durant la durée de la mission. Pour lui, afin que le contrat de référencement soit réellement efficace, la non reconduction tacite automatique est indispensable. "Elle permet de se désengager si un consultant part de l'agence et n'est pas remplacé par quelqu'un d'aussi compétent".

L'avocat : Maître David Joseph Atias, avocat associé du département IT/Data chez  DJS Avocats, veille "au conflit d'intérêt"

David Joseph Atias rédige régulièrement des contrats de référencement. Pour lui, ils permettent de  clarifier le rôle des deux cocontractants. "Le contrat est un référentiel qui permet de dire si l'intervention du prestataire a été faite correctement par rapport aux attentes du client", rappelle -t-il. "Par exemple, un client peut dire clairement qu'il ne veut pas avoir recours à des solutions type Google Analytics."

Selon lui, l'un des principaux intérêts du contrat de référencement est qu'il offre la possibilité d'y inclure une clause de confidentialité. "Des clients ont développé une relation de confiance avec leur prestataire. Or, certaines agences de référencement utilisent le savoir ou le savoir-faire, du client pour le mettre à profit d'autres clients. Cela créé une sorte de conflit d'intérêt."

Si la mise en place de ce contrat est donc très importante pour David Joseph Atias, il pense que celui-ci demande une mise à jour régulière. "On ne peut jamais tout prévoir à l'avance, car le référencement demande une certaine agilité et de la souplesse", explique-t-il. "Nous allons ajuster celui-ci pour qu'il permette de conserver une flexibilité, tout en cadrant juridiquement l'intervention de chacun de la meilleure manière possible."